Chapitre 60 Le tueur

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 La cellule était toujours aussi froide. Les tables en obsidiennes avaient été remplacées par trois lits. Deux d'entre eux avaient les draps défaits et froissés attestant de l'agitation qui habitait leurs hôtes. Alma s'était assise sur le bord du sien.

 Les remèdes capolkaniens étaient d'une remarquable efficacité. Sa blessure au flanc ne la faisait plus souffrir, et malgré le manque de sommeil, elle ne ressentait aucune fatigue. Elle refusait donc de s'allonger sur sa couche. Impassible, elle ne voulait pas manquer la moindre occasion de s'enfuir.

 Et puis, les deux autres prisonnières ne lui inspiraient pas confiance. Agitées sans cesse par des soubresauts erratiques, elles ressemblaient à des poupées dont les mécanismes auraient été déréglés. Des poupées ventrues et malades. Des poupées au regard vide et à la bouche entrouverte. Des poupées zombie.

 À cette pensée, Alma frémit et raffermit sa prise sur le bord du lit. Elle n'avait plus d'arme et se sentait soudain démunie. Ses doigts effleurèrent alors une tige métallique dont le bout s'était déplacé à cause d'une vis manquante.

*

Selma avait besoin de plantes spécifiques en grande quantité. La récolte dans les jardinets des cercles des femmes ne suffirait pas pour fabriquer le bajacrus. Sans parler du temps qu'il faudrait pour ramasser les plantes dans tous ces lieux essaimés dans l'ensemble des secteurs. La solution était d'aller chercher dans les stocks du secteur 11. Or, SEITO savait parfaitement où chercher, là-bas. Il serait donc d'une aide précieuse, voire indispensable pour gagner du temps. Ces arguments que Ris Terkoff avait exposés à Moor avaient su le convaincre. La puce de SEITO avait été réintroduite dans le corps d'un androïde jusqu'alors désactivé.

 Une fois réveillé, l'androïde se montra reconnaissant envers le serrocole. Pour lui, le mot « frère » n'avait plus de sens. Il accepta donc sans rechigner la mission dans le secteur 11. Et ce d'autant plus, que personne ne le reconnaîtrait dans son nouveau corps.

 Pendant qu'il attendait l'escorte promise par Moor, SEITO s'aperçut qu'il possédait toujours cette anomalie qui lui permettait de se connecter au Réseau Fantôme sans pour autant lui ouvrir son esprit. Ainsi donc son « petit problème » n'était pas technique. C'était en réalité une capacité inestimable dont il allait faire profiter ses nouveaux alliés. Il transmit le moyen de pénétrer le réseau androïde sans en perturber la fréquence.

 Pendant ce temps, Ris, en pleine forme grâce au traitement qui lui avait été administré, tournait autour de Selma qui s'activait sur une paillasse.

— La jeune fille, Alma. Tu sais ce qu'elle est devenue ? finit-il par lui demander enfin.

 La guérisseuse sourit et montra du menton le miroir au centre de la pièce.

*

 Alma s'acharnait sur la porte avec ardeur. Les deux autres femmes s'étaient approchées d'elle et observaient avec curiosité ce dont elle se servait. C'est alors que la porte du sas s'ouvrit brusquement. Alma, qui s'y appuyait, fut déséquilibrée et tomba sur un homme en noir qu'elle identifia immédiatement avec terreur. C'était le chasseur qui avait tenté de la tuer près de la Pagode. Celui sur lequel Marcus Ward s'était mis à frapper pour la sauver. Elle le repoussa instinctivement.

— Doucement ma belle ! Pas de familiarités entre nous ! ironisa-t-il en tentant de la retenir.

 Alma recula et bouscula les autres Élues qui, brusquement, se mirent à hurler en se ruant vers l'extérieur, s'effondrant immanquablement sur Eupraxius Magne qui leur barrait la route. Alma en profita pour s'enfuir par le couloir.

 Magne, empêtré dans les corps lourds et vagissants des deux Élues, les repoussa brutalement, avant de sortir son couteau et de leur trancher la gorge. Un sang noir et visqueux gicla sur toutes les surfaces alentour, maculant au passage le visage du pisteur qui ne fit même pas l'effort de l'essuyer avant de se précipiter à la suite d'Alma.

*

S'agrippant brusquement à la rambarde qui ceignait le miroir, Ris se mit hurler le nom d'Alma, avant de partir en courant vers l'escalier menant à l'étage inférieur. Ward, qui venait à peine d'entrer accompagné de Caléus Fincher, sut immédiatement que quelque chose de grave venait de se produire. Laissant là son prisonnier, sans plus réfléchir, il emboîta le pas de Ris devant le regard incrédule de son supérieur.

*

 Alma n'hésita pas une seule seconde lorsqu'elle vit l'entrebâillement dans le mur. Elle s'y engouffra et rabattit le passage derrière elle, sans savoir qu'elle venait de refermer elle-même le piège que lui avait tendu celui qui avait demandé à Magne d'aller la chercher.

 Le Commandeur suprême de Capolkan ne voulait plus la faire tuer. Il avait pris pleinement conscience que vivante, elle représentait un bien trop précieux. Il la voulait toute à lui, et non entre les mains de ses adversaires. Il était même vital qu'il puisse la récupérer aux vues de ce qu'elle était capable d'accomplir et de lui apporter. Elle serait le visage de l'espoir, tandis que son corps en serait la matrice.

 Satisfait, le chasseur effleura la paroi lisse du mur. Il n'aurait pas besoin de la mener lui-même à l'observatoire, elle allait s'y rendre d'elle-même.

*

Ris se trouvait dans un couloir désert et immaculé. Il venait de perdre Alma sans savoir par où elle avait pu disparaître. Marcus lui montra les caméras qui surveillaient sans relâche cette partie du couloir et l’entraîna vers le laboratoire. Il fallait faire vite.

*

 Le passage était étroit et semblait s'enfoncer dans les entrailles de l'île sur laquelle reposait la tour. Alma descendait hâtivement sans se retourner, espérant trouver une porte. Après être passée devant un premier palier, elle se retrouva bientôt devant une grille fermée barrant le passage au palier suivant. Furieuse, elle secoua les barreaux avec toute la force qu'elle pouvait avoir. Puis épuisée, elle s'adossa un instant à la grille, l'oreille tendue, attentive au moindre bruit lui révélant la présence du chasseur.

 Pas un souffle. Pas un craquement significatif. Il fallait se rendre à l'évidence, elle était seule, prisonnière de ce passage secret. Une vague de lassitude s'empara d'elle. Pourquoi rien ne pouvait être simple ? Pourquoi le sort s'acharnait-il contre elle ? Elle se tapa sur les cuisses pour se donner du courage. Puis se redressa. Ça n'était pas le moment de flancher. Malgré la peur, Alma commença à remonter les marches. Elle devait trouver une sortie.

*

 Marcus stoppa la bande au moment où Alma disparaissait dans le mur. Puis remonta dans le temps, jusqu'à voir Magne sortir du même passage en laissant délibérément la porte ouverte. C'était un piège, et Alma était tombée dedans. Il lui fallait Magne !

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