Chapitre 48 Volk

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 Jabr Volk rongeait son frein. Les importuns qu'il avait aperçus en rentrant chez lui n'avaient pas quitté son perron. Il avait dû les écouter les uns après les autres présenter leurs doléances. Ils étaient tellement prévisibles. Lui, voulait de l'argent. Cet autre, du pouvoir. Tous étaient obséquieux, hypocrites et menteurs. Comment ses frères pouvaient-ils avoir de la commisération pour cette engeance chicaneuse et sans attrait ?

 Il avait prétexté une urgence politique pour s'isoler un instant lorsqu'il avait découvert le message codé de Sven sur son communicateur. Son homme de main lui avait fait un rapport plus ou moins complet sur la situation dans la cité. Il avait aussi réussi à lui faire parvenir la liste des dissidents que Volk avait pu transmettre aussitôt à Ada. Les cas de SHARA et de ce SEITO ne devaient pas se reproduire. L'incident du Secteur 11 non plus. Cela avait failli mal se terminer, mais selon ses sources tout était rentré dans l'ordre. Les corps des androïdes tués n'avaient pas pu être récupérés avant que le brasier environnant ne les consume. Et ceux qui avaient pris part au combat, et qui avaient réussi à en sortir vivant, s'étaient enfuis. Personne ne révélerait quoique ce soit. Personne sauf ce Ris s'il parvenait à se réveiller.

 Toutefois, il n'avait rien pu faire encore concernant Terkoff. Il n'en avait pas eu le temps. Il lui était impossible de renvoyer les gêneurs. Ce geste n'aurait pas manqué d'éveiller les soupçons parmi les chefs de clans adverses. Et il n'était pas encore temps d'attiser les vieilles querelles et d'attirer l'attention sur lui.

 L'après-midi était bien avancé maintenant. Il ne lui restait que deux personnes à recevoir, quand plusieurs coups furent frappés à sa porte. Jabr Volk se leva avec vivacité, trop content d'échapper à la diarrhée verbale dont l'abreuvait l'homme assis en face de lui dans son salon.

 Dans l'entrée, les deux ardélions restants fixaient la porte avec appréhension, redoutant que l'ancien soit appelé à d'autres tâches avant qu'ils n'aient pu lui soumettre leurs demandes.

 Trois hommes se tenaient debout sur le pas de la porte. Tunique bleue et blanche, lunettes d'observation et petite mallette, ils portaient les attributs du département médical. Volk hésita à les faire entrer, mais la présence du supra Johansen parmi eux l'y contraignit. Un léger agacement s'empara de l'ancien avant même de connaître la raison de leur présence sur le pas de sa porte.

— Bonjour supra ! Que me vaut l'honneur... ?

 Le ton était froid, impérieux et légèrement hautain, ne laissant aucun doute sur l'état d'esprit de celui qui l'utilisait. Volk n'avait pas de temps à perdre avec cet avorton de Johansen.

— Bonjour, ancien Volk ! Vous n'avez pas eu le communiqué annonçant ma visite, manifestement, répondit Tork en jetant un œil sur l'écran de communication du salon qui était éteint.

— Comme vous le voyez, je suis très occupé, répliqua Volk en ouvrant le bras vers le salon où l'attendait docile son solliciteur.

— C'est bien ennuyeux, continua Tork Johansen comme s'il n'avait pas entendu l'ancien, enfin nous sommes là, et c'est le principal.

 Les deux hommes qui accompagnaient Johansen avaient déposé leur mallette sur un guéridon, écartant sans ménagement les objets qui s'y trouvaient, et s'activaient autour de matériel de prélèvement. Le regard inquiet de Volk passait du supra à ses hommes.

— Mais enfin de quoi s'agit-il ? Johansen ! s'écria-t-il avec colère en s'écartant brusquement des trois hommes.

— D'analyses ! Mais ne vous inquiétez pas, cela ne durera que quelques instants. Il s'agit de l'eau ! Voyez-vous ! Puis jetant un coup d'œil entendu à Volk, Johansen poursuivit en chuchotant pour ne pas être entendu des capolkaniens qui se trouvaient toujours dans la maison de l'ancien.

— Il y aurait eu une petite contamination... Rien de grave, mais tout de même, il vaut mieux être prudent. Le Commandeur m'a chargé personnellement de m'occuper du Haut-Conseil. Le Commandeur ! Vous comprenez ! Je vais juste vous injecter un sérum et vous prendre un peu de sang. Rien de grave ! Rien de grave ! Vous voyez !

 Johansen jouait parfaitement son rôle d'idiot et faisait mine de ne pas voir la stupéfaction qui se lisait sur le visage de son interlocuteur. Volk réfléchissait à toute vitesse pour trouver une solution. Il ne pouvait se débarrasser du supra. Ni de ses acolytes. Pas devant autant de monde. Il ne pouvait pas non plus se laisser prendre du sang. La prise de sang en elle-même n'était pas un souci. Son père avait prévu ce genre d'éventualité. Mais le sang, même s'il avait la bonne couleur et la bonne consistance, n'était que synthétique. L'analyse posait le vrai problème.

 Elle révélerait immanquablement la vérité sur sa nature. Et il était trop tôt. Le soulèvement ne devait avoir lieu que dans quelques jours. Car pour qu'il ait plus d'impact, Volk l'avait programmé au moment de la cérémonie du tribut.

— Écoutez Johansen ! Je n'ai pas bu d'eau depuis un certain temps. Il se trouve que je préfère des breuvages plus... alcoolisés pour me désaltérer. Alors il est inutile de sortir vos flacons, et de perdre votre temps avec moi. Je vais très bien.

 Jabr Volk avait accompagné ses paroles d'un geste ample désignant la porte.

— Tss ! Tss ! Tss! Ancien Volk ! Je ne peux partir sans avoir fait un minimum mon travail. Vraiment j'en suis navré, mais vous avez forcément été en contact avec de l'eau, ne serait-ce que pour vous laver ce matin.

 Tork fixa d'abord Volk avec une incrédulité feinte dans le regard, puis il fit mine de comprendre enfin ses réticences. Sur un ton de connivence qui laissait supposer que l'ancien avait quelque chose de honteux à cacher, Johansen souffla :

— Écoutez, je m'occuperai personnellement de vos prélèvements. Personne d'autre ne verra les résultats des analyses. Je vous le promets. Pouvons-nous commencer à présent ?

 Dans ces conditions, l'ancien ne pouvait plus se soustraire aux examens. Il tendit son bras en fixant le supra d'un air méprisant. Les quémandeurs n'avaient pas perdu un seul mot de tout ce qui s'était dit. Volk savait qu'une fois passé le pas de sa porte, ils colporteraient le moindre détail de l'incident. À moins qu'il n'achète leur silence.

— En avez-vous fini ? demanda-t-il d'un ton cassant à Johansen en abaissant la manche de sa tunique.

— Oui, Volk l'ancien. Je vous laisse à vos occupations, répondit le supra avec le même ton, ce qui ne manqua pas de surprendre l'androïde.

 Jabr Volk se mit à observer plus attentivement Johansen. Il cherchait à savoir si le supra avait le moindre soupçon le concernant. Mais si Johansen pouvait paraître parfois idiot aux yeux de certains, il était loin de l'être. Il avait repris son air obséquieux et rangeait soigneusement les prélèvements pour lesquels il était venu.

 Une fois la porte refermée sur lui, Volk s'isola dans son bureau, délaissant ses solliciteurs un peu étonnés. Il n'avait pas le temps de se préoccuper de ce que pourrait dire les deux humains, car cela importerait peu face à ce que détenait le supra. Ce dernier devait être neutralisé eu plus vite et les prélèvements devaient disparaître.

 Pour ce travail, il lui fallait un homme. Pas qu'un androïde ne puisse pas tuer la cible correctement, mais l'ancien préférait un homme au cas où l'affaire tournerait mal. La situation était tendue, mais Volk croyait encore pouvoir suivre son plan initial, et gagner du temps pour déclencher le soulèvement au moment prévu.

 Et l'ancien ne voyait qu'une personne pour régler le problème de manière discrète et efficace : Eupraxius Magne.

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