Chapitre 45 Androïdes

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 Le laboratoire bruissait d'une activité fébrile. Bien que la scène dont il avait été témoin dans la cellule d'interrogatoire l'intéressa au plus haut point, le supra Johansen avait vite dû passer à autre chose. Le Projet Katartia ne se déroulait pas comme prévu.

 Une troisième Élue avait trouvé la mort dans la nuit. Toutes les inséminations avaient été fructueuses, mais des complications étaient apparues très rapidement. Le supra Johansen l'avait prédit. Accélérer le processus naturel, comme l'avait souhaité le Commandeur, n'apporterait rien de bon. La technique était maîtrisée sur les fécondations de capolkaniennes, et encore sur de courtes périodes. Mais les sujets du projet étaient différents. Bien différents.

 Johansen avait décidé d'arrêter les frais et de préserver ses derniers cobayes en stoppant les expositions dans la chambre d'accélération. Depuis, les indicateurs vitaux s'étaient stabilisés chez les Élues encore vivantes. Toutefois la situation demeurait critique. D'autres carences s'étaient accentuées. Le sujet 7, le clone de l'ancien pilote du vaisseau qui transportait Alma, avait été isolé le matin même. Elle avait agressé deux autres survivantes sans aucune raison apparente. L'accès de violence avait été aussi bref que brutal. Tork avait chargé une équipe supplémentaire de trouver la cause de ces brusques changements de comportement et espérait obtenir une explication assez cohérente à laquelle il pourrait remédier.

 Johansen observa encore un instant les trois Élues à travers l'immense miroir sans tain. Il songea à Selma qui aurait sans doute été d'une aide précieuse. Habituée aux maux féminins et à leurs remèdes, elle aurait pu... Il chassa ces pensées. Selma croupissait sans doute dans une cellule de la tour.

 Personne n'avait informé Johansen du résultat de son interrogatoire sous l'influence des drogues qu'il lui avait injecté. Il aurait pu demander à Moor. Pourtant, il n'en avait rien fait. En fait, il ne tenait pas spécialement à savoir. Il était trop furieux contre elle. Vexé aussi. Elle avait refusé sa main tendue. Qu'elle aille au diable !

 Peu de temps après la détonation, alors qu'il observait les volutes de fumées envahir le ciel depuis la baie de son bureau, Johansen avait reçu une communication du supra Esposa, qui tenait à l'informer personnellement de la destruction de certains stocks de plantes destinés à l'usage du département médical.

 À la voix du supra aux relations extérieures, Johansen avait deviné que l'explosion avait dû détruire bien plus que les récoltes pour le labo. Cependant, il n'avait que faire de ses petits trafics, et de l'embarras que lui causait la destruction d'une partie de ses réserves de drogue. Il n'avait pas surenchéri sur les plaintes du supra.

 Toutefois, inquiet pour l'approvisionnement de ses autres sérums, Johansen avait demandé un état des réserves des composants indispensables à leur réalisation. En lisant le rapport que venait de lui remettre l'un de ses hommes, il mesurait mieux les graves implications de l'explosion. Les réserves de Calisterius, et de quelques autres sérums à base de valériane, de pertilus, de cocaïne ou d'opium, n'étaient pas fameuses. Il allait devoir restreindre les dosages, au moins pendant un temps.

 Il fallait espérer qu'Esposa soit assez malin pour ne pas faire passer le labo en dernier lors du partage des stocks restants. Sinon, Johansen s'assurerait personnellement que le département médical ne lui fournisse plus ses doses de Calisterius. Et sans le sérum en question, le supra Esposa ferait une bien piètre figure, car comme l'avait si justement fait remarquer sa sœur Selma, le Calisterius créait une dépendance. Une dépendance dévastatrice une fois le processus enclenché. Et ce d'autant plus lorsqu'on ne disposait pas du remède nécessaire pour contrer les effets du manque.

 Le sas du laboratoire central s'ouvrit au moment où Johansen s'apprêtait à reprendre les recherches sur les variations comportementales des Élues dans son bureau. Trois gardes accompagnés d'une capsule de survie entrèrent avec Marcus Ward sur leurs talons. Le visage en sang figé dans une grimace de douleur, l'infra qui s'agrippait les flancs, s'effondra près d'une table d'examen.

*

 Le combat contre les androïdes avait été âpre et sanglant. Marcus était parvenu à s'en sortir.grâce à l'arrivée inopinée des renforts de la Doshbat qui mirent en fuite les quelques androïdes encore armés. Quant à Terkoff, il avait subi des dommages importants, non seulement à cause de la bastonnade dont il avait fait l'objet, mais aussi parce que dans un mouvement que Ward avait encore du mal à comprendre, il s'était porté au secours d'un androïde. Androïde dont le corps inerte et méconnaissable gisait encore dans le secteur 11, là où ses frères l'avaient laissé après s'être acharnés sur lui.

 Marcus avait bien cru perdre le serrocole avant que la capsule de sauvetage n'arrive. Durant ce court laps de temps, où il s'était retrouvé seul avec lui, le prisonnier avait insisté pour parler. Et ce qu'il lui avait dit était pour le moins stupéfiant, mais confirmait ce que l'infra soupçonnait sans le comprendre clairement jusqu'à présent. Dans le transporteur qui les ramenait dans la tour, Ward avait expédié un rapport urgent à son supérieur tout en s'abstenant de révéler quoique ce soit autour de lui. Puis il s'était laissé aller à la douleur.

*

 Les couloirs immaculés résonnaient de leurs pas rapides. Leurs pieds, chaussés de bottes de cuir souples, martelaient le sol d'une cadence soutenue. Les personnes qui se trouvaient sur leur passage, s'écartaient à la vue de cet étrange cortège. Les supra Moor et Taglione accompagnés des anciens Dengen et Christophorus parcouraient ce qu'il leur restait de distance pour rejoindre le laboratoire central. Seul le supra à l'ordre interne connaissait la raison de ce déplacement. Préoccupé mais déterminé, Taddeus Moor avait définitivement relégué le problème des Élues au second plan. Ce qu'il venait d'apprendre revêtait bien plus d'importance à ses yeux.

 Après la détonation, tous les services de défense s'étaient mis automatiquement en alerte. Moor était apparu dans la salle de surveillance, essoufflé et interrogateur. Il voulait des réponses et rapidement. Les rapports en provenance des secteurs arrivaient en masse sur les communicateurs. Barandoué était en liaison directe avec le supra pour gérer au mieux les besoins et calmer les inquiétudes.

 Le rapport que Marcus Ward avait expédié depuis la navette de rapatriement concernant les révélations de Terkoff, était parvenu à Moor en plein milieu d'une communication avec Démétrius Openwall qui désirait un point sur la situation.

 Tout en répondant aux questions, Moor avait rapidement parcouru le rapport de son infra et avait blêmi. Il n'avait pourtant rien dit de son contenu et avait continué à discuter. Dengen avait remarqué que le supra cherchait à écourter l'entretien sans pour autant en révéler les vraies raisons à Openwall.

 Quelque peu étonné, il décida néanmoins de soutenir Moor en détournant sur lui l'attention du chef suprême. Il somma donc le Commandeur de s'expliquer sur les décisions qu'il prenait seul sans l'assentiment du Haut-Conseil. En effet, Openwall venait d'ordonner l'envoi de Dashilester à la tête d'un contingent de kansikers pour soutenir le maintien de l'ordre dans le secteur-prison. Ce qui était pour le moins inhabituelle. Ce genre de mission aurait dû être assignée aux bersikers de Taglione uniquement, pas à un ancien, et certainement pas aux hommes dont la zone d'intervention se limitait à l'extérieur du dôme.

 Dengen, bientôt soutenu par Christophorus, pointa alors le manque de collaboration dans ses prises de décisions. L'incitant à réunir le Haut-Conseil au plus vite, il contraria fortement le Commandeur qui élevait de plus en plus la voix. L'animosité entre les trois hommes était palpable. Puis, brusquement comme pris d'une inspiration soudaine, le Commandeur avait capitulé en acceptant d'y penser d'ici la fin de la journée.

 Maintenant, les anciens suivaient Moor sans savoir pourquoi il était si important de se rendre au laboratoire central dans les plus brefs délais.

*

 Depuis le départ des anciens et des supras, la salle de surveillance paraissait vide. Les hommes qui s'activaient devant les écrans, le faisaient en silence. Les écrans diffusaient toujours leur lot d'images muettes. Les émetteurs enregistraient toujours les fluctuations des champs magnétiques. Pendant que dans cette pièce la vie poursuivait son cours, dehors le monde semblait chavirer. Aucun des occupants de la pièce n'aurait osé commenter ce à quoi ils avaient assisté depuis la veille. Pas devant Linus Dengen, en tout cas.

 Le jeune garçon avait laissé tomber les recherches demandées par son père, dès que ce dernier avait quitté la salle de surveillance. Il avait assisté avec beaucoup d'intérêt à toutes les conversations de cette matinée et avait été particulièrement attentif lors de l'échange entre Openwall et Moor. Linus aussi avait remarqué le comportement étrange du supra et il était curieux d'en connaître l'origine. Il s'installa donc à une console de réception pour obtenir la dernière communication transmise. Il savait qu'il n'en avait pas le droit, mais personne dans la salle n'oseraient rien lui dire. Être le fils d'un ancien avait parfois du bon.

 Il retrouva facilement la trace de ce qu'il cherchait. Moor avait détruit le rapport de transmission pour éviter sans doute que quelqu'un d'autre ne le lise. Cependant, il n'avait pas eu le temps de détruire le flux lui-même. Il n'avait pas songé qu'avec un peu d'habileté, il pouvait être détourné afin d'être réceptionné une seconde fois. Linus sourit. Il se trouvait qu'il était particulièrement pourvu d'habileté, surtout en ce qui concernait le piratage de données. Il appliqua discrètement le protocole qu'il avait lui-même inventé, et se mit à lire le rapport de Ward.

*

 Johansen observait l'infra de Moor qui, assis sur une table d'observation, était en train de se faire recoudre le flanc gauche par un infirmier à l'aide d'un repiqueur manuel. Marcus Ward avait refusé catégoriquement d'entrer dans une capsule de régénération, prétextant qu'il n'était pas encore temps pour lui de se reposer. Tork soupçonnait le jeune homme de ne pas apprécier l'engin lui-même.

 Marcus ne bronchait pas, mais le rictus figé sur ses lèvres en disait long sur l'intensité de la douleur qu'il devait supporter. Le couteau qui l'avait blessé était entré profondément à un endroit qui avait déjà dû supporter des coups répétés lors de la bagarre avec le pisteur à l'aube. Le bras gauche avait été touché par un laser et une longue éraflure balafrait sa joue droite et lui donnait un air particulièrement sinistre. Une fois la suture interne achevée, l'infirmier commença à agrafer les bords de la plaie. Marcus blêmit brusquement manquant de perdre connaissance. Johansen vint le soutenir juste à temps.

— Mauvaise journée, hein !

— On peut dire ça, oui, répondit laconiquement l'infra avant de poser les yeux sur le miroir central de la pièce.

 Ward songeait au sujet n°3. Il avait abandonné sa traque pour sauver Terkoff. Et ce qu'il avait mis à jour risquait de chambouler les priorités de son supérieur, il en était bien conscient. Johansen suivit son regard.

— Il n'en reste que trois... sans compter Alma qui court toujours.

— Alma ? C'est son prénom ?

 Marcus avait redressé la tête, et fixait le supra avec étonnement. Johansen prit conscience de son erreur. Le sujet n°3 ne devait pas avoir de prénom.

— Oui... enfin... Oui ! En fait, il m'est venu comme ça, bafouilla-t-il

— Alma, murmura l'infra pour lui-même sans prêter attention à la gêne su supra.

 C'est alors qu'une voix puissante clamant son nom le sortit brusquement de sa rêverie. Taddeus Moor venait d’apparaître à l'entrée du laboratoire central.

*

 Linus détruisit le rapport comme l'avait fait Moor, puis effaça le flux en s'assurant auparavant que personne n'avait fait comme lui. Les informations dont il avait pris connaissance ne devaient pas tomber entre toutes les mains. Savoir que certains androïdes étaient éveillés n'était pas une surprise pour lui, à cause d'EDEA. Toutefois, il pensait sa mère adoptive unique, ce qui était loin d'être le cas, visiblement.

 Par contre, apprendre que des androïdes n'avaient pas d'étoiles, et se mêlaient aux hommes. Et que tout ce petit monde fomentait un soulèvement. C'était incroyable ! Linus devait retrouver son père au plus vite.

*

 Après s'être entretenu avec son second un bref instant, le supra à l'ordre interne alla constater l'état de Ris Terkoff. Le caisson de survie avait été ouvert, et trois infras s'activaient autour du serrocole. L'un d'eux extirpa un objet de son poing et le donna à Johansen avant de poursuivre le traitement.

 Entre la vie et la mort, le vieil homme ne leur serait d'aucune utilité. Moor ne fit aucun commentaire et demanda à Johansen un entretien avec ses collaborateurs dans son bureau. Ce que le supra au développement médical accepta de bonne grâce, curieux de savoir pourquoi Moor s'était déplacé avec autant d'autorité jusqu'au laboratoire. Une fois à l'abri des oreilles indiscrètes, le supra à l'ordre interne formula une demande qui les étonna tous.

— Un scanner ? Un scanner de chacun de nous ... Mais pourquoi ?

— Je vous expliquerai tout, une fois que ce sera fait. Un scanner d'une partie du torse ou du bras suffira.

 Marcus, qui les avait rejoints, s'assit dans un coin de la pièce en silence. Johansen ordonna donc à l'un de ses hommes de lui apporter un scanner portatif. L'objet n'était pas plus grand qu'une tablette de communication. Il suffisait de la passer au-dessus d'un membre pour en voir sa composition osseuse ou nerveuse. Johansen commença par Moor, puis poursuivit avec tous les occupants de la pièce, y compris lui-même. Les résultats s'affichaient au fur et à mesure sur l'écran principal du bureau.

 Une fois que Taddeus Moor se fut assuré que personne autour de lui n'était un androïde, il s'assit lourdement sur le coin du bureau et s'adressa à ses interlocuteurs en les observant attentivement. Il n'oubliait pas que Ward lui avait révélé l'existence d'un chef parmi les instances dirigeantes de la Doshbat. Il ne pouvait pourtant pas se permettre de soupçonner ces quatre hommes-là.

 Au fil de son discours, les visages se figèrent, stupéfaits. Manifestement, personne ici n'était au courant du soulèvement programmé des androïdes. Et personne ne l'avait même imaginé. Toutefois, Moor remarqua l'air préoccupé que Johansen afficha une fois la surprise passée.

 Dengen, lui, s'appuya sur un meuble avant de s'affaisser lourdement sur un siège. Il était blême, et ses traits s'étaient crispés. Linus son fils entra précipitamment à ce moment-là. Peu lui importait que Moor ait demandé à ne pas être dérangé. L'adolescent au corps dégingandé se pencha sur son père avec sollicitude.

— Père !

— Tout va bien, Linus, dit l'ancien en reprenant son souffle, je viens d'apprendre une nouvelle stupéfiante... mais ça va maintenant.

— Je sais, souffla Linus à l'oreille de son père, mais, je suis sûr qu'elle n'en fait pas partie, père... ça n'est pas possible.

 Basiléus Dengen fixa un instant son garçon en se rendant compte que ce n'était plus un enfant, qu'il avait grandi, et que son indifférence au monde qui l'entourait était sans doute feinte. Une carapace pour se protéger. Une coquille dont il avait lui-même entrebâillé la porte en cet instant fragile et précieux.

— Vous avez vraiment cru que nous étions des androïdes ? demanda Christophorus.

— Pourquoi pas ! Manifestement le chef du mouvement est quelqu'un d'influent dans la Doshbat. Pourquoi pas un membre du Haut-Conseil ?

— Et pourquoi pas le Commandeur, pendant qu'on y est ! cria Dengen.

 L'ancien avait du mal à maitriser les sentiments contradictoires qui l'animaient. Il ne savait plus que penser. Est-ce qu'EDEA savait ? Faisait-elle partie du plan ? N'était-elle qu'une androïde infiltrée ?

 Moor, Taglione et Christophorus se regardèrent, interloqués par la réaction de Dengen. Et pourquoi le chef suprême de la cité ne pourrait-il pas être à l'origine de cet incroyable plan ? Ne s'était-il pas entouré des années auparavant d'une garde rapprochée composée exclusivement des clones de son fils décédé ? N'essayait-il pas de monter les membres du Haut-Conseil les uns contre les autres depuis des années ? N'avait-il pas approuvé la politique qui introduisait des androïdes dans tous les services plutôt que des hommes ? Alors pourquoi pas ?

— Le rapport parlait d'un androïde qui a aidé Ris Terkoff. Ça veut dire que certains androïdes ne sont pas d'accord avec le soulèvement. Père. Elle n'est pas impliquée ! C'est sûr !

— De qui parle votre fils, Dengen ! s'exclama Moor.

 Le père et le fils se fixèrent un instant jusqu'à ce que le vieil homme baisse la tête, incapable d'avouer son secret. Linus affronta bravement le regard inquisiteur du supra.

— Ma mère adoptive est une androïde « éveillée ». Nous le savons depuis très longtemps, mais nous pensions jusqu'à maintenant qu'elle était unique. Elle ne nous a jamais incités à penser le contraire. Mais elle ne peut pas faire partie de ceux qui veulent anéantir les hommes. Ça, je n'y crois pas un seul instant !

 Linus avait les poings serrés et parlait avec gravité. En cet instant, il n'avait plus 14 ans. Il n'était plus ce jeune adolescent apathique qui ne s'intéressait qu'à ses ordinateurs. Il était le petit génie qui refuse de croire que ceux qu'il aime sont des mauvaises personnes.

— Elle pourrait nous être utile, lâcha Taglione en regardant Moor qui semblait perdu dans ses pensées.

— Peu m'importe pour le moment ! Nous en savons trop peu pour envisager de nous en servir. C'est avant tout une machine. Qui sait ce qu'elle pense vraiment et ce qu'elle serait capable de transmettre ? Nous avons un petit avantage pour le moment, car personne ne sait que nous sommes au courant. Cela peut nous aider à trouver le chef, répondit simplement le supra à l'Ordre Interne.

 Il fallait décapiter le mouvement le plus rapidement possible si l'on voulait le stopper à temps. Trouver le chef s'imposait comme une priorité, et il doutait qu'une simple androïde du niveau d'EDEA soit au courant de quoique ce soit.

— Vous soupçonnez un membre du Haut-Conseil ? Un ancien qui utiliserait des androïdes ? Comme Dashilester ? dit Taglione interrogateur.

— Ce pourrait être un androïde lui-même, laissa tomber Tork Johansen en réfléchissant.

— Mais c'est impossible ! Nous nous connaissons tous depuis le berceau ! Nous aurions remarqué un homme qui ne vieillit pas ! s'étonna Christophorus.

— Pas ou peu, continua Tork sur sa lancée.

 Tous se tournèrent vers lui, décontenancés par cette réponse énigmatique. Il semblait savoir quelque chose qu'eux ignoraient.

— Nous sommes capables de créer des androïdes adultes. Rien ne nous empêche d'en créer à d'autres stades d'évolution, poursuivit-il.

— Qui aurait pu faire ça ? Qui en aurait eu les moyens ? demanda Moor, brisant le silence pesant qui s'était installé depuis l'annonce de Johansen.

— Je connais au moins un homme qui aurait pu. Qui en a eu les capacités. J'ai travaillé sur ses recherches à une époque. Mais je ne vois pas pourquoi il aurait fait ça.

— Qui est-ce ?

— Qui était-ce ? Il est mort depuis un moment maintenant. Il s'appelait Bjor. Bjor Volk.

— Le père de Jabr ?!! s'écria Christophorus.

 Dengen ne trouvait pas ça si étonnant. Alors qu'il voyait mal Dashilester dans le rôle d'un androïde - un homme qui avait été kansiker pendant si longtemps n'aurait pu dissimuler sa vraie nature - Volk, lui, paraissait un choix tout à fait plausible. Secret, solitaire, ombrageux, méprisant, Jabr Volk faisait un bon candidat, mais il aurait été injuste de le juger uniquement sur ces traits de caractères. Dongala et Tanaka aurait pu, eux aussi, être soupçonnés. Sauf qu'eux n'avaient pas eu de père généticien de génie, et spécialiste en bio-technologie.

— Peut-être que le leader de ce mouvement n'est pas aussi haut dans la hiérarchie, murmura Taglione déjà en train de chercher des indices dans le comportement des supras.

— Qui dit soulèvement, dit infiltration. Comment aurait-il eu accès à tous les services sans que personne ne soupçonne la moindre chose... Non, C'est forcément l'un d'entre nous, insista Christophorus.

— Si Terkoff pouvait nous en dire plus...

— Terkoff ne peut nous en dire plus. Mais peut-être que ceci nous éclairera !

Johansen tenait entre ses doigts l'objet qui avait été retiré de la main de Ris au moment des soins.

— Une puce ?

— Pas n'importe laquelle. Celle de l'androïde qui nous a aidés, murmura Marcus Ward en s'approchant.

— Il nous faudrait un des programmeurs du supra Hirsh pour la lire.

— Pas besoin ! Je peux le faire si vous le voulez ! dit Linus en ouvrant sa sacoche pour en extirper un petit ordinateur personnel, l'ingénierie androïde, c'est ma spécialité au centre d'éducation, je te signale, ! ajouta-t-il vers son père qui le regardait surpris.

 Johansen lui mis son bureau à disposition, et quelques minutes plus tard, les images enregistrées dans la mémoire de SEITO défilaient sur l'écran principal du bureau.

— Regardez ! Là ! L'un des gardes du corps de Volk ! s'écria Christophorus en désignant Sven sur l'image.

— C'est Volk ! Ce ne peut être que lui. Il a été à l'origine du projet incitant l'utilisation de main d'œuvre androïde dans la tour lors des dernières grèves. C'est lui qui a donné l'ordre de transfert pour Terkoff. Les capacités de son père... Et maintenant ça ! Les faisceaux convergent tous vers lui, laissa tomber Moor, avant de s'adresser à Johansen, serait-il possible de réaliser des analyses de Volk à son insu ?

— Je peux invoquer une contamination de l'eau. Il ne pourrait pas éviter une prise de sang. Je le scannerai sans qu'il le sache.

— Ok, Johansen ! Il nous faut aussi tous vos scanners portatifs ! Taglione, allez prévenir Hirsh qu'il doit inspecter prioritairement les usines chargées de la fabrication des androïdes. Scannez-le avant, bien sûr. D'ailleurs vous tous, scannez tous vos interlocuteurs et désactivez tous les androïdes que vous rencontrerez ! Nous ne sommes à l'abri de rien. Ward ! Si votre état le permet, retournez dans le secteur 11 et neutralisez toutes les machines que vous trouverez !

— Et pour l'Élue ? demanda Ward d'une voix mal assurée que son supérieur mit sur le compte de son état physique.

— Elle attendra. De toute façon, il n'y a pas eu d'interférences depuis un moment. Nous la pisterons depuis la cellule de recherche. Peut-être qu'en relâchant la surveillance, elle commettra une erreur.

 Moor, satisfait, s'apprêtait à sortir lorsqu'il fit volte-face pour ajouter :

— Je vous demande à tous de ne rien révéler de ce qui se trame pour le moment. Essayez d'être discrets. Nous ne savons pas à qui nous pouvons faire confiance.

— Y compris au Commandeur ? demanda Christophorus.

— Y compris au Commandeur, lâcha Moor d'une voix lugubre.

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