Prologue

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Une fenêtre ouverte. Le bruissement des feuilles. Le chant d'un oiseau. Le froissement d'une étoffe. Un autre jour qui commence.



Le réveil sonne avec entêtement, puis la radio se met à égrener son chapelet de nouvelles, bonnes et mauvaises. Surtout mauvaises. Je n'y prête guère attention. Les hommes s'entre-tuent depuis la nuit des temps. Pourquoi cesseraient-ils précisément aujourd'hui ? Ils ne sont ni plus lucides, ni plus intelligents que leurs ancêtres. Juste mieux armés.

Je chasse ces pensées désagréables. Aujourd'hui, rien ne doit venir me perturber. Rien ne doit faire disparaître ma joie. Je suis à la veille des vacances.

Je me redresse en m'étirant. Puis je jette un bref coup d'œil à la forme immobile enveloppée de draps de l'autre côté du lit. Mon petit ami du moment dort à poings fermés. Je souris en posant ma main sur ce qui doit être l'épaule du dormeur, et la tapote doucement. Comme tous les matins où nous sommes ensemble, un grognement émerge de l'amoncellement de tissus. Haussant les épaules, je me lève pour de bon et entre dans la salle de bain. La radio crachote toujours ses nouvelles en vain. Je les laisse au dormeur.

Les rues commencent à s'animer. Les filles de la nuit cèdent la place aux travailleurs du petit matin. Les noctambules croisent les éboueurs et leurs bennes bruyantes. Sur le trottoir devant l'immeuble, les containers sont vides. Avant que quiconque ne puisse y mettre quoique ce soit, un laveur automatique fera ruisseler sur eux une eau aseptisée et parfumée, suivant la loi de l'hygiène des grandes villes industrielles.

J'évite quelques excréments canins avant d'atteindre mon véhicule en maudissant les propriétaires d'animaux domestiques. Le moteur se met en route après quelques secondes d'hésitation. Demain, tous l'habitacle, hormis les deux sièges avant, serait occupé par des sacs, boites et valises. Demain, mon minuscule appartement serait vide et ma voiture pleine. Je souris à cette idée. J'ai tellement envie de partir.

La journée n'avance pas. Je ne vois le bout de rien et c'est harassant. Les heures sont autant de minutes, et les minutes autant de secondes que je compte inlassablement. Je vais rentrer plus tard que prévu et les sacs ne sont pas tous prêts.

La voiture est pleine à craquer. Nous ne sommes que deux pourtant. Devant son regard légèrement courroucé, je hausse les épaules. Je prétexte un coffre minuscule, un véhicule hors d'âge. Ma vie entière tient dans cette voiture. C'est vrai qu'elle est vieille et petite, mais elle devrait suffire pour entasser les maigres effets d'une existence d'étudiante. Elle devrait. Elle suffit à peine.

Je m'assoie sur le siège passager en écartant un sac à mes pieds. Je le laisse conduire. J'ai fini tard et il n'a pas confiance. Les hommes et les voitures. Un poème.

Je regarde la route défiler devant moi comme je regarde l'avenir : sûre et confiante.

J'avais toujours cru que je verrais la mort venir. Je m'étais trompée. Elle profita d'un moment d'inattention. Un moment où je fermais les yeux pour somnoler à l'avant d'une voiture. Elle frappa un coup bref et violent. Il y eut le crissement des pneus, une accélération du cœur. Mes paupières se sont ouvertes sur de la tôle déformée. Et puis, plus rien. Il n'y eut ni douleur, ni larmes, ni hurlement. Juste un grand froissement et le silence. Une mort heureuse en quelque sorte. Une vie tronquée après 19 ans d'une existence somme toute facile

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