Chapitre cinq

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Cela faisait maintenant deux ans que Godric vivait dans la forêt. Il s’était rendu trois fois dans un village, autre que son village natal, pour échanger des herbes médicinales et des baies contre des vêtements, une hache et une couverture, par exemple. Mais pour avoir tout ça, il fallait apporter beaucoup d’herbes et de baies.

Une nuit, il rêva qu’il rencontrait une jeune fille d’environ son âge aux cheveux pâles, flottant librement sur ses épaules, et aux yeux d’un marron chaud. Elle portait une robe marron et des bottes de la même couleur, soigneusement lacées. Sa tenue, d’une couleur quelconque et habituelle, paraissait magnifique sur elle. Malgré le temps et les changements, Godric reconnu immédiatement cette fille. C’était sa sœur. Lucie. Il l’a vit égorger un chat et l’entendit murmurer “C’est Godric qui a égorgé le chat. Ce n’est pas moi.”. Godric ne pouvait ni bouger ni parler, comme statufié. Puis il vit sa sœur serrer un loup dans ses bras, qui lui lécha la joue. Plus tard, il la vit se battre avec le loup, tous deux sans pitié ou remord, ils se battaient férocement et sauvagement. Puis il vit deux oiseaux. L’un était noir et l’autre blanc. Une aura argentée émanait de l’oiseau noir tandis qu’une aura dorée émanait de l’oiseau blanc. Et, Godric ne savait pas pourquoi, mais il était sûr que le cœur de l’oiseau noir était bon et pur alors que celui de l’oiseau blanc était sec et ne connaissait pas l’amour. Il savait aussi qu’il pourrait caresser l’oiseau noir, si il pouvait bouger, ce qui n’était pas le cas, mais que l’oiseau blanc lui pincerait le doigt. Puis Godric se réveilla.

Godric fit plusieurs fois ce rêve. Il le faisait souvent, en fait. Ça le faisait repenser à ses parents et sa sœur, au village. Et s’il regardait le village, caché sous les arbres pour ne pas être repéré ? Car les villageois devaient s’efforcer de l’oublier, de ne jamais parler de lui, mais il était certain que personne ne l’avait oublié. Et ses parents et sa sœur n’étaient pas sa famille. C’étaient les animaux, sa famille. Le loup était son frère, la chouette sa sœur.

Il décida d’aller voir le village, tout en restant couvert par les arbres, par simple curiosité. Et de toute façon, dans la forêt, le loup le suivrait comme son ombre. Il ne serait pas seul s’il avait des soucis. Il prit la direction du sud, là où était son village. Le loup son frère, que Godric avait nommé Yawa, trottait non loin de lui.

Il arriva en vue du village après un jour et demi de marche. Il y avait au-dessus un amas rocheux d’où on pouvait voir sans être vu, et c’est là qu’il se rendit. Le village n’avait guère changé depuis son départ. Il y avait toujours le même le nombre de maisons et les champs avaient l’air d’aller bien. Il contempla le village un long moment, puis il dû s’assoupir car c’est Yawa qui le réveilla d’un coup de museau. Le jeune loup jeta un coup d’œil anxieux à son frère puis disparu derrière les arbres.

Quelqu’un venait. Quelques minutes plus tard, quelqu’un apparu devant Godric.

- Mince, la place est déjà prise, il me semble bien.

Ce n’était personne d’autre que Lucie. Elle portait la même tenue que Godric lui avait vue en rêve. Ne serait-ce pas une coïncidence ?

- Tu me dis quelque chose, mais… qui es-tu ?

- Bonjour, Lucie.

- Godric ? souffla-t-elle, surprise.

- Cela fait longtemps.

- Que fais-tu ici ? Je pensais que tu ne reviendrais plus.

- Moi aussi, je le pensais.

- Tu es parti le soir. Le lendemain matin, les villageois t’ont cherché partout. Même dans la forêt. Mais elle est tellement grande, c’est impossible de la fouiller entièrement. Puis comme ils ne te trouvaient pas et que tu ne revenais pas, ils ont abandonné. Tout le monde essaye de t’oublier, personne ne parle de toi. Mais je pense que personne n’arrive à t’oublier. Mais… où étais-tu passé, tout ce temps ?

- Je suis parti loin. Tout va bien, sinon, au village ?

- Oui. La boulangère a eu un bébé la semaine dernière. C’est une fille, et ils l’ont appelée Emilie. Ça change, parce que comme ils ont déjà trois fils…

- Le bébé va bien ? Et la mère ?

- Le bébé va bien, mais la mère est malade. On espère qu’elle va s’en sortir.

- J’espère aussi. C’est une brave femme. Et sinon, rien d’autre ?

- Il y a eu trois autres bébés au village. Eric, Henry et Emma. Oh, et le vieux Marc est mort voilà trois mois.

- Ah bon ? À l’époque où je suis parti, il me paraissait vieux, oui, mais en bonne santé aussi. Je l’aimais bien, le vieux Marc. Et chez vous ?

- Chez nous, tout va bien. Maman travaille toujours à la parfumerie et papa aux champs. Tout va bien. Ils disent que “je dois songer à me marier”. Et que ça ne va pas être compliqué, vu que j’ai “tous les garçons collés aux basques”.

- Et aucun ne te va ?

- C’est ça.

- Même Sam, le fils du forgeron ? Il est gentil pourtant.

- Même Sam. Aucun ne me convient.

- Personne ne convient à Lucie la belle.

- Et toi, mon frère, as-tu fais la connaissance de quelqu’un… ?

- Je ne suis pas ton frère.

- Quoi ?

- Je n'ai pas de famille. Père...non, ton père, m’a dit clairement que je n’était pas...plus son fils. Que si je revenais il me tuerait.

- Il a vraiment dit ça ?

- Oui.

- Non, je ne te crois pas.

- Crois ce que tu veux, mais moi je dit la vérité.

- Pourquoi es-tu venu ici ?

Lucie s’assit gracieusement en face de Godric.

- Pour observer le village sans être vu. Et toi, pourquoi es-tu venue là ?

- J’aime bien cet endroit. J’y viens souvent, pour être tranquille.

- Il est vrai que l’on a une belle vue.

- Oui. Tu n’as pas répondu à ma question. As-tu rencontré quelqu'un ?

- Non. Je ne me suis épris de personne, après ma… fuite du village.

- Oh, vraiment ? Pourtant, tu es beau, les filles devraient te suivre partout, dans les villages.

- Je ne suis allé que trois fois dans un village et très sincèrement, je n’y ai pas fait attention.

- Oh. Mais il faudra bien que tu te maries, un jour. Tu ne peux pas rester seul.

- Et pourquoi pas ? De toute façon, qui voudrait de moi ? Je ne suis plus considéré comme un Homme.

- Seulement des gens de nôtre… mon village, répondit Lucie.

- Je ne sais pas.

- Il doit bien y avoir quelqu'un qui peut t’aimer. Pas moi.

- Mais si !

- Tu ne me connais pas, murmura-t-elle.

- Si. Bien plus que tu ne le crois. Sur ce, au revoir, Lucie la belle inconnue des autres !

Godric se leva et, comme elle ne répondait pas, partit. Le vent souflait et, dans la forêt, on entendait le bruissement des feuilles qui murmuraient, chantant une chanson dans une langue inconnue. Si Godric avait eu l’oreille aussi fine que celle de Yawa, il aurait entendu Lucie dire d’une voix triste et basse “Au revoir, mon frère bien-aimé.”.

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