Chapitre un

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Un jour, on avait retrouvé le chat des voisins, pendu devant la fenêtre de la chambre de Godric. Personne ne s’était posé la question, c’était lui qui était l’auteur de ce spectacle macabre, sans doute possible. On lui avait fait nettoyer, creuser dans le jardin des voisins un trou assez grand pour le chat, envelopper celui-ci dans du tissus qu’on lui avait donné, l’enterrer et sculpter une croix en bois, qu’il dû dresser au-dessus de la tombe.

Ou encore, un jour où lui et sa soeur jouaient dans l’une des rues du village, une maison avait pris feu. Lucie avait quitté son frère quelques minutes pour aller chercher une poupée chez eux, et quand elle était revenue, la maison face à son frère était en train de brûler. Là aussi, on avait reconnu Godric comme celui qui avait mis feu à la maison.

Il y avait encore pleins d’autres incidents comme celui-ci. Godric était méprisé de tous, et les mères disaient à leurs enfants “Ne t’approche pas de Godric si tu ne veux pas qu’il ne t’arrive malheur. Fuis-le comme la peste.”. Si les gens s’écartaient sur son passage, ce n’était pas par admiration mais par crainte et mépris. Il se réfugiait souvent vers les animaux, qui l’adoraient, mais personne ne le savait.

Par contre, tout le monde adorait Lucie et chérissait chacun de ses éclats de rire et faisait tout pour qu’elle ne connaisse pas les larmes. Des couronnes de fleurs lui seignaient souvent la tête. Elle se promenait dans le village et souriait à untel ou unetelle.

Un jour de printemps, alors que Lucie et son frère, qui devaient avoir une dizaine d’années, se promenaient au bord d’une rivière dans la forêt, ils trouvèrent un bébé oiseau qui avait dû tomber de son nid. Godric voulait l’emporter avec lui pour le soigner, mais Lucie voulait le noyer car il devait avoir très mal. Chacun essayait de ranger l’autre à ses arguments, mais ils n’y arrivaient pas. Lucie finit par s’énerver et gifla son frère, qui perdit équilibre et s’agrippa à sa soeur pour éviter de tomber. Finalement ils tombèrent tous deux dans la rivière et s’écorchèrent sur les pierres. Il ressortirent tout boueux et égratignés et Lucie en voulait à son frère, qui l’avait entraînée dans sa chute. Elle partit en courant vers le village, l’abandonnant. Godric, lui, resta soigner le petit oiseau et le posa délicatement sur un petit nid de feuilles sur la branche d’un arbre. Quand il arriva chez lui, sa mère l’attendait sur le pas de la porte. Il aperçu Lucie qui jouait avec sa poupée, derrière leur mère.

- Pourquoi es-tu couvert de boue ?

- Je suis tombé, mère.

- Tu as giflé ta sœur, qui est tombée, et tu es tombé en perdant l’équilibre, oui. Tu devras t’occuper du linge de la maison pendant deux semaines, en guise de punition. Et Lucie m’a aussi dit que tu as noyé un bébé oiseau et que tu as abandonné son corps à la rivière.

- Mais, je…

- Il n’y a pas de “mais” ! lui répondit sa mère.

- J’ai soigné le bébé oiseau ! Puis je l’ai laissé sur une branche. Je ne l’ai pas noyé ! C’est…

- Alors je te suis, montre-le moi ! le coupa sa mère.

Il reparti vers la forêt et ils marchèrent jusqu’à ce que Godric reconnaisse l’arbre où il avait laissé le petit oiseau. Mais celui-ci n’était plus là.

- Je l’avais laissé là. Mais il n’y est plus. Il a dû s’envoler. Ou alors…

- Je ne crois pas à tes histoires, soupira sa mère. Tu as menti.Tu commets toujours des bêtises, aussi macabres et uniques soient-elles. Je ne veux plus de toi sous mon toit. Mais je ne peux pas t’abandonner. À présent, tu dormiras avec les animaux, tu ne mérite pas que l’on te traite comme un Homme.

Sur ces mots durs et douloureux, la mère partit, laissant son fils rentrer seul. Quand il rentra, le visage de son père exprimait le dégoût et la tristesse.

À partir de là, Godric dormi avec les bêtes et était la plupart du temps ignoré, sauf quand il devait accomplir des tâches ou quand sa sœur lui demandait de jouer avec elle. Mais malgré tout, Godric ne protestait jamais.

Et il y eut aussi cette foi-là, la dernière, vers ses quinze ans, où on l’accusa d’avoir tué un homme, un ivrogne. On avait vu Godric se promener à côté de la taverne et on avait retrouvé l’ivrogne, un couteau planté en plein cœur peu de temps après. Ce soir-là, le père de Godric affichait un profond dégoût pour son fils, en plus de la tristesse et de la crainte.

- Tu n’es pas mon fils. Tu ne peux pas l’être. Mon fils est mort ! Le démon que tu es l’a tué. Tu n’as rien à faire ici, tu nous as causé bien assez de malheurs ! Vas-t’en ! Je. Ne. Veux plus. Te revoir. Sous mon toit ! Va-t’en, démon ! lui cria-t’il. Ne reviens plus jamais, ou on aura ta peau !

Il chassa Godric, claqua la porte derrière lui et mis le verrou. Le garçon traversa le village au pas de course, et, passant devant la boucherie, il entendit le boucher dire à sa femme ”Demain matin, on ira l’chercher. On construira un bûcher d'misère, on l’y attachera, et on le f’ra brûler. Y’a assez longtemps qu’ça dure.”, et sa femme répondre “On aurait dû l’faire quand l’était p’tiot. À l’époque, on savait d’jà qu’c’était un démon.”.

Godric baissa la tête et couru vers la forêt.

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