6. Mauvaise Surprise

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Il fait beau ! Enfin façon de parler, dans l’espace, sur une station spatiale plantée au milieu de nulle part, cela ne veut rien dire ! Je puis vous assurer que dans tous les cœurs le soleil brille. La fête se prépare. Le seul qui ne rigole pas est le Capitaine. Il se sent patraque, il a mal au bras et est gelé.

Le prêtre de Dionysos qui fait office de médecin est très, très inquiet et troublé. Quelque chose ne va pas chez le Capitaine. Il sait que c’est psychologique et que son corps a (mal) réagi à la défaite pour son premier commandement. Piètre excuse ! Il est dévasté. Mais ce n’est pas suffisant pour le faire plonger dans cette léthargie profonde. Il reste dans un fauteuil dans l’infirmerie de la station, à regarder le ballet des navettes. Il attend.

Mais que peut-on attendre ? Il ne s’intéresse à rien. Ne discute avec personne. Il renvoie les membres de l’équipage venant lui tenir compagnie. Il sait qu’il a bientôt fini. Il ne veut pas laisser le souvenir d’une créature abattue et avachie, rongée par la maladie. Il préfère finir seul et rester vivace dans leurs esprits. Il se prépare au Grand Voyage, celui pour lequel, en général, personne ne pense. Sa décision est ferme et définitive. Il n’ira pas plus loin. Tout simplement parce qu’il n’en peut plus. Et parce qu’il a la chance d’être proche de la fille d’un Passeur… Il sait que ce sera un privilège qui lui est accordé, en récompense de toutes les nuits qu’il a gâchées, à réconforter son amie, son Stratège. Tout ce sommeil abandonné pour aider Sébeknefer à se remettre de cette souffrance terrible qu’est la perte d’un être cher.

Anubis passe beaucoup de temps avec lui. Ils discutent. Ils se taisent. Regardent les étoiles. Le Capitaine pleure soudain, perdant toute dignité. Le Grand Chacal est effondré. Il sait que l’autre a compris. Il n’assistera pas à la fête qui se prépare. Il admet que le nom choisi de "Indékuzas", le Hollandais Volant est bien nommé. Ce sera une cérémonie grandiose, pour la station. Mais qui sera gâchée par son départ.

- Ce sera rapide. Nous mettrons ainsi fin à ton supplice. Tu n’es pourtant pas responsable de ton échec. Je ne peux accuser Fatum (le dieu du Destin, de la Fatalité), mais c’est tout de même le hasard. Tu la portais en toi, cette maladie. Elle aurait fini par se déclarer.

- Je sais. Je n’accuse personne. Le médecin du temple dit que c’est héréditaire. Ma mère en est morte à ma naissance. On a mis ça sur le compte de la fièvre puerpérale… Ils ont fait l’autopsie et l’ont trouvée, tapie. Elle avait atrophié son cœur. C’est ce qui est en train de m’arriver. Je sens sa griffe qui comprime le mien, lentement, cruellement.

- Et tu as mal. Tu souffres.

- Je voudrais surtout que la douleur cesse. Je suis rassuré, avec vous, elle va s’achever. Avant la fin de la journée.

- Si tel est ton choix. Tu veux… Tu peux assister à la fête et je t’emmènerai avec moi ensuite.

- NON ! J’ai trop mal ! S’il vous plaît, libérez-moi ! Vous en avez le pouvoir. Sébeknefer comprendra. Je vais écrire une lettre que vous lui remettrez pour que son chagrin soit apaisé. Elle à perdu Lewis. Je ne souhaite pas rester plus longtemps. Je crois qu’elle s’attache à moi ! Je ne veux pas la faire souffrir ! Elle a eu son lot…

- Je respecterai ta décision, bien que je ne comprenne pas ce besoin qu’elle a de toujours s’attacher à des Mortels. Veux-tu choisir ta tenue ?

- Mon uniforme de cérémonie. Celui que j’ai reçu pour mon diplôme. Je ne souhaite pas partir avec mon arme. Pourrez-vous la conserver et la remettre à Sébeknefer au moment que vous déciderez opportun ?

- Je le ferai. C’est étrange de discuter avec un Mortel de son départ. C’est une première.

- Je l’ignorais. Mais pour moi, c’est très important. Je n’ai pas peur. Je serai en sécurité avec vous. Et je sais que vous veillerez sur le restant de mes camarades. Vous trouverez les mots pour les réconforter.

- Il est temps, fils, je vais t’aider à t’habiller et …

- S’il vous plaît, ne pouvez-vous pas procéder d’un claquement de doigts ? Le moindre mouvement provoque une douleur tellement atroce.

Anubis claque, effectivement, des doigts pour revêtir au Capitaine son uniforme d’apparat, avec la fourragère, le képi, les gants blancs. Il lui présenta le miroir pour qu’il puisse s’admirer une dernière fois. Il se trouve soudain très vieux : ses cheveux sont devenus neigeux. Même pas poivre et sel. Il soupire. Le dieu lui présente alors l’écritoire de campagne qui l’accompagne, un feuille et un stylo à bille.

Rédiger sa lettre lui prend un temps infini. Il y appose un cachet certificateur avec de la vraie cire et la pose sur le petit meuble en bois. Puis il s’étend. Il est prêt. Il va jouer un bien vilain tour à la douleur. Et à ses amis. Mais il est au bout du rouleau. Il pose les deux mains sur sa poitrine et sourit de toutes ses dents. Un vrai sourire de conquérant. Il est libre ! La souffrance est à son comble : sa main se crispe. Il rend son dernier soupir.

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