Prisonniers

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Ils se dégagèrent du boyau en file indienne, toussant les bouffées âcres de suie qu’ils avaient avalées. Leurs poursuivants avaient allumé un feu juste devant l’entrée du tunnel dans l’objectif évident de les déloger. L’un des trois chevaucheurs qui paraissait le plus gradé tenait fermement le bras de Mara. Le guérisseur et un troisième homme en armes les toisaient les bras croisés, visiblement agacés. Le gradé tira la jeune fille vers une cage qui siégeait contre une paroi. A l’intérieur se tenait immobile une espèce d’énorme libellule, dont les ailes avaient été coupées à un tiers de leur longueur. L’horrible insecte mesurait bien deux mètres des yeux à l’abdomen. Mara se débattait terrorisée. L’homme la força à passer son bras à travers les barreaux. Les villageois alentour initièrent un mouvement pour l’aider, mais furent stoppés net par le guérisseur. Gebri cria quelque chose à Mara.

Les moignons d’ailes de la libellule frémirent. Mara hurla, et essaya de se dégager en poussant contre la cage, et frappant de son autre poing l’homme qui la restreignait, sans succès. L'insecte se recroquevilla et bondit sur le bras de Mara. Il arracha un morceau de chair, sectionné net par deux mandibules démesurées. La plaie saignait abondamment, Mara convulsait de douleur. Son tortionnaire dégaina une épée et lui trancha de deux coups secs le bras au niveau du coude. La jeune femme s’effondra, sans connaissance. Le gradé fit signe aux villageois qu’ils pouvaient la ramasser. Des bruits de mastication répugnants émanaient de la cage où l’insecte engloutissait le membre amputé, rythmés par des vrombissements d’ailes avortés. Le gradé entama une tirade que Julie essaya de traduire.

  • Il est en train de menacer les gens du village, en leur reprochant d’avoir essayé de nous aider à nous cacher. Il leur parle de leur protection contre les « nocturnes », du respect qu’ils doivent avoir pour le royaume. Apparemment d'autres soldats arrivent, et ils veulent nous emmener quelque part.

Franck initia un geste de rébellion, stoppé net lorsque le gradé tira de sa ceinture une dague qu'il pointa directement vers la gorge du spéléologue. Franck leva les mains en déglutissant et recula lentement vers le groupe. Il chercha des yeux un soutien auprès des villageois, mais ces derniers fixaient tous leurs pieds. C'était joué.

Trois nouvelles ombres passèrent au dessus d’eux, trois griffons montés par des soldats en armures. Les soldats les firent avancer en vociférant vers les bêtes. Les autres étaient stoïques, mais Franck lui était au moins aussi excité qu'effrayé à l’idée de monter sur le dos d’un animal mythologique. Malheureusement la réalité fut toute autre. Les soldats les forcèrent à se serrer sur un filet dont ils nouèrent les coins aux selles des bêtes. Lorsque les griffons s’élevèrent, le filet les compressa les uns contre les autres, puis le sol s’éloigna de manière vertigineuse. L’expérience était à la fois incroyable et terrifiante, car rien ne les séparait véritablement d’une chute interminable et mortelle à part un fin treillis de cordes. Le paquetage humain volait à plusieurs dizaines de mètres du sol sans ceinture de sécurité, sans gilet de sauvetage, sans symbole lumineux pour les turbulences. L’un d’entre eux sanglotait discrètement, sans qu’aucun des autres ne puisse réellement identifier de qui il s’agissait.

Ils survolèrent une chaîne montagneuse, dont les chevaucheurs connaissaient clairement les meilleurs passages. « Ceux qui volent » traversaient les cols avec une aisance déconcertante, longeaient des vallées aux parois abruptes, tout en ménageant les efforts de leurs montures. La respiration des prisonniers se changea peu à peu en buée tandis que le sol se recouvrait d’une fine couche de neige au-dessous. L’air se rafraîchit progressivement, des flocons se collaient contre leurs vêtements avant de fondre rapidement. A mesure que le vent glacial lui fouettait les joues, Franck se mit à grelotter, collé contre le filet sans la protection dont bénéficiaient ses camarades chanceuses au milieu. Il entreprit de faire glisser son bras pour regarder sa montre. D’après sa boussole, ils volaient vers le Nord-Est.

Cette traversée dura presque deux heures, et s’acheva de l’autre côté de la chaîne de montagnes . Lorsque les animaux fantastiques franchirent le dernier col, une forteresse militaire franchement médiévale se révéla. Elle ressemblait aux châteaux forts de campagne français, avec de gros murs en pierre grise, parsemés de hautes tours. Les griffons piquèrent vers le fort, et freinèrent au dernier moment de leurs ailes gigantesques. Le filet s’ouvrit brusquement contre le sol, comme un sac soudainement dénoué. Les prisonniers prirent quelques instants pour réveiller leurs membres engourdis : Miguel faisait des moulinets avec ses bras, et Marie frappait ses pieds contre le sol pour faire revenir le sang.

D'autres soldats curieux commencèrent à affluer de tous les côtés et les observèrent comme des bêtes curieuses. Leur tenue était déconcertante. Franck se crut devant une série télé à petit budget. Tous portaient des armures en cuir sales, et paraissaient incroyablement jeunes, la majorité dans la vingtaine. Le chevaucheur gradé vociféra un ordre. Instantanément les soldats les encerclèrent, les restreignirent et ils furent jetés dans une cellule sombre et froide.

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