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Shin, quarante ans, baillait dehors, sous la lune orangée. Ses yeux fatigués observaient le trafic incessant de la ville, et ces lumières multicolores qui scintillaient au lointain.

De sa poche, il sortit une cigarette, qu’il alluma avec son briquet. Dans cinq minutes, il devrait retourner dans l’hôpital désert, afin de surveiller ces couloirs vides où jamais rien ne se passe.

Il s’endormirait comme à l’accoutumée devant l’écran de son ordinateur, sans voir le fantôme dont lui parlait sa collègue Eiko. Elle prétendait l’avoir aperçu, non loin de la chambre 31 : une tâche de brume informe filmée par la caméra numéro 4. Elle l’avait enregistrée et il n’attendait qu’une chose : qu’elle se manifeste devant lui !

Sa cigarette consumée, il l’éteignit contre le mur et déposa le mégot dans une pochette en plastique. À cet instant, il entendit un bruit derrière les poubelles. Il frissonna.

Sans doute un chien errant, pensa-t-il.

Un autre bruit se fit entendre.

« Y a… Y a quelqu’un ? demanda-t-il d’une voix fébrile.

- Oui ! » répondit une femme en kimono, penchée sur le miroir trouble d’une flaque et qui, d’un coup, se redressa.

D’un pas lent, elle s’approcha de lui. Elle lui jeta un regard plein de langueur, à lui… lui que les femmes ignoraient. Elles le considéraient, parfois, pour aiguiser leur sens du dédain, de la moquerie. N’était-ce pas un miracle tombé du ciel ? Jusqu’à cet instant magique, aucune femme n’était encline à s’amouracher de sa stature ou de sa situation ! Et là ! Oui, là !

« Me trouves-tu belle ?

- Et comment ! s’excita Shin qui trouva enfin dans sa pénible nuit de labeur une lueur d’espoir, celle d’une vie qu’il n’espérait plus.

- Et maintenant, suis-je toujours aussi belle ? » minauda-t-elle en arrachant son voile.

Un cri pour seule réponse, et des battements forcené d’un cœur aux abois. Shin, effrayé, se mit à crier encore et encore sous les assauts entêtés de Kae, qui perforait sa carotide d’une paire de ciseau, et souriait de sa bouche distendue, gouffre d’ombre aux odeurs de mort. Sur le métal des deux lames, la lune se reflétait, tachée de gouttes de sang.

Ivre de sa vengeance, aérienne comme un courant d’air, Kae s’engouffra dans l’hôpital vide. Seule la mort offre un parfum de quiétude.

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