Partie 2

3 minutes de lecture

Après une journée passée à s’installer, à faire des demandes de victuailles et de fournitures de première nécessité, sans parler de repérer les lieux sous le dôme principal, elle planta quelques graines terriennes sur la petite place devant chez elle. Elle savait que c’était aux habitants de gérer collectivement ce genre d’espace, or elle était seule dans celui-ci pour le moment – en plus d’être botaniste. Ses futurs voisins devraient faire avec des hortensias, des azalées et des pois de senteur. À plusieurs reprises pendant qu’elle plongeait ses mains dans la terre, elle eut la sensation d’être observée. Pourtant, aucun colon ne s’était avancé jusqu’à sa bulle.

La nuit suivante fut semblable à la précédente, à cela près que l’invisible présence sembla plus curieuse et plus palpable. Myriam se demandait si c’était un quelconque trouble psychologique pour remplir le vide laissé par la mort de ses parents, ou encore à cause du choix de vivre si loin de sa planète natale. Mais ses sensations nocturnes étaient si agréables qu’elle ne jugea pas nécessaire d’en parler lors de la visite médicale obligatoire. Les heures défilèrent sans que la jeune femme ne les voie passer tant il y avait à apprendre, à organiser et à démarrer. Les premiers colons devaient tout initier sur Titan et l’acceptation de leurs candidatures répondait sans doute à ce type de besoins.

Le soir venu, c’est presque avec impatience qu’elle rentra chez elle dans l’espoir de ressentir l’apaisement des nuits précédentes.

— Mais... Que ?

Elle s’était brutalement arrêtée en passant le sas de sa bulle-quartier, découvrant une forme évanescente penchée au-dessus du bac de terre, au centre de la place, où elle avait semé ses graines la veille. Sa voix claqua dans le silence et la silhouette disparut aussitôt, comme si rien ne s’était trouvé là. Myriam resta interdite un long moment. Troublée, elle se demandait ce qui pouvait bien se manifester ainsi, de jour comme de nuit. « Et comment ne pas passer pour une dingue si j’en parle autour de moi ? » songea-t-elle.

Cette nuit-là, elle sentit d’abord un regard posé sur elle alors qu’elle était profondément endormie. Puis ce fut la sensation d’une douce caresse sur son bras. Loin de l’effrayer, elle trouva cela agréable. Sensuel, même, dans son rêve. Elle se voyait soigner les plantes alors qu’une présence se tenait derrière elle. L’impression de sentir son souffle chaud dans son cou l’accompagnait encore quand le réveil sonna.

— Hmmm... Ma cocotte, ça devient de plus en plus palpable chaque nuit qui passe...

Elle gloussa. Tout cela lui plaisait décidément de plus en plus.

Myriam se regarda dans le miroir après son petit-déjeuner et sa douche matinale. Sa peau café au lait ne souffrait pas trop de l’atmosphère artificielle pour le moment. Alors qu’elle allait s’éloigner, un mouvement dans le reflet attira son attention, comme si quelqu’un venait de passer dans le couloir derrière elle.

— Il y a quelqu’un ? demanda-t-elle à voix haute.

Bien sûr, aucune réponse ne se fit entendre et, en partant travailler, elle constata que sa porte d’entrée était toujours bien verrouillée.

La journée passa lentement et Myriam fut peu encline à discuter avec ses nouveaux collègues. Les impressions depuis son arrivée sur Titan la préoccupaient. Elle avait bien une lointaine aïeule qui pratiquait le vaudou de son vivant, ou un truc surnaturel dans le genre, mais cela n’était vraiment pas son rayon.

À son retour chez elle, la même vision fugace d’un homme transparent penché au-dessus du terreau central la frappa. Elle mit quelques secondes de plus que la veille à disparaître. La jeune femme ne savait pas que penser.

Plus tard, lors de son dîner, elle s’accorda un grand verre de vin, dont la bouteille ferait un joli trou dans son salaire. Mais elle voulait détendre ses nerfs éprouvés par l’incompréhension de ce qui lui arrivait. Au final, une fois celui-ci achevé, elle se sentit même prête à de la provocation.

— Bon, OK, mystérieux visiteur ! Moi, c’est Myriam et je m’installe ici pour de bon. Alors si tu pouvais éviter de me filer les chocottes à chaque fois que je rentre chez moi, ce serait bien aimable de ta part !

Elle se coucha peu après, se trouvant un peu bête d’avoir alpagué ainsi le silence. Mais ses rêves furent encore plus intenses et précis. Elle était installée sur un des bancs de la petite place devant chez elle, quand la présence habituelle se manifesta dans son dos. Elle sentit clairement des mains se poser sur ses épaules et le contact lui fit un bien fou. Ce geste dénotait de tant de douceur et de tendresse !

— Myriam... souffla une voix masculine à son oreille.

La jeune femme goûta la chaleur avec laquelle son prénom avait été prononcé. Elle bascula la tête en arrière pour la poser sur le torse de l’invisible présence. Les yeux clos, elle sentit des lèvres se poser sur son front.

Annotations

Vous aimez lire Lalex Andrea ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0