Rencontre avec la chose

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Comme l’avait prédit Arhidal, la créature apparut alors que les phalanges tombaient en poussière, se répandant aux quatre vents. Une brume noire accompagnait la mystérieuse sorcière et même le Soleil se voilait derrière quelques nuages passants.

— Vous voilà donc une femme faite, murmura la chose d’une voix grinçante, trépidante d’impatience.

Son ton familier perturbait la jeune Priuma.

— Nous nous connaissons ? demanda-t-elle d’un ton doucereux de peur d’effaroucher la créature.

Cette dernière avait réduit la distance qui les séparait et susurrait désormais aux oreilles de la nymphe.

— Je vous ai vu naître, et bien avant cela, je vous ai permis de vivre. Votre mère était mourante à cause de votre puissance. Vous absorbiez son essence tel un parasite, une horrible sangsue. Elle est venue quérir mon aide, elle et votre père et c’est comme cela que j’appris votre existence et que j’attendis patiemment votre naissance. Car en sauvant votre mère, votre vie m’appartenait et j’exigerai de vous le prix nécessaire pour essuyer votre dette.

— Je ne suis pas venue aujourd’hui pour cela ! J’étais...

— Je le sais. La solitude vous ronge, et les vôtres vous rejettent, tout comme vos parents avant eux.

— Je suis orpheline ! s’emporta Priuma tandis qu’une colère froide s’emparait d’elle.

La créature lui tournait autour tel un prédateur, un ricanement étrange s’échappait de sa capuche noire.

— Tendre enfant, vos parents ne voyaient qu’un monstre en vous. Ils allaient mettre fin à l’existence de l’anomalie que vous étiez dès votre naissance. Je les persuadai alors qu’un échange serait plus fructueux : la vie de votre mère contre la vôtre.

Alors qu’elle croyait trouver les réponses à sa solitude en haut de cette colline, Priuma s’effondra sous le poids des horribles révélations de la créature.

— Si ma vie vous appartenait, pourquoi avoir laissé le pêcheur m’élever ? N’aviez-vous pas peur qu’il m’emporte loin de vous ? que jamais je ne vous invoque ?

— Votre destinée est déjà écrite, vous ne pouvez combattre l’inéluctable. En outre, je n’aime guère le contact de l’eau et puis enfant, vous ne m’étiez d’aucune utilité.

Un sourire carnassier et difforme s’agrandit dans l’ombre de la cape en haillon.

— Savez-vous qu’il existe un peuple plus ancien encore que le vôtre dont l’eau est aussi un précieux foyer ?

— J’en sais peu de choses, ce que raconte les marins est si imagé qu’il est impossible de démêler le vrai du faux...

Les iris pâles de Priuma étaient pétillants de curiosité.

— Les sirènes existent bel et bien, mais elles ne sont guère aussi bonnes que semblent le répandre les Hommes. Leurs magnificences n’a d’égales que leur cruauté et leur faim vorace de chair fraîche. S’ils avaient eu le malheur de rencontrer leur chemin, ils ne seraient plus là pour s’en vanter. Sachez, que pourtant, un jour, un puissant mage réussit à dompter une des plus belles de ces créatures et de leur union naquit un enfant, mon enfant.

La nymphe s’éloigna d’un pas, puis de deux. Cette créature qui lui faisait face était donc une sirène ?

— J’ai perdu de ma beauté, il est vrai. Ce pourquoi j’ai besoin de vous, aujourd’hui.

— Qu’avez-vous à m’offrir ?

— Jeune sotte ! N’as-tu point écouté ? Ta vie est mienne.

— Oh si, je vous ai écouté, vieille mégère. J’ai aussi observé que vous ne faites rien pour me nuire, ce qui me conduit à penser que je dois vous servir de mon plein gré. Alors faisons un échange, si vous réussissez à m’offrir ce que moi j’ignore désirer, je ferai ce qu’il vous plaira.

Mécontente, la créature grogna, l’agrippa de ses longues mains craquelées, enfonça délibérément ses ongles crasseux dans la peau diaphane de Priuma avant de s’en éloigner promptement. Une marque rouge, dont le sang perlait par gouttelettes aux extrémités, y était désormais aussi visibles qu’un loup noir sur une plaine enneigée.

— Rencontrez ma chair et mon sang, il comblera votre existence et plus jamais vous serez seule. En contrepartie, vous m’offrirez votre premier et dernier né.

La sorcière lui tournait le dos, plus recourbé qu’à son arrivée.

— Comment savoir qu’il volera mon cœur ? Aucun mâle n’a pu animer la vie en mon sein, je ne puis...

La sorcière l’interrompit d’un grondement proche du tonnerre.

— Il vous ravira le cœur et l’âme, soyez en assurée. Et une fille... oui, une petite naîtra de votre amour, je la vois. Sachez que si vous acceptez ce marché, vous renoncez à l’enfant ainsi qu’à tout droit de vie sur elle. Vous ne saurez briser le lien qui vous attache au contrat sans quoi, j’abattrai les ténèbres sur vous. Alors, qu’en dites-vous ? demanda la chose d’une voix calme, curieusement satisfaite.

Priuma, la solitaire, acquiesça silencieusement. La chose disparut dans une brume noire, abandonnant la nymphe sur la rive des deux lacs, le regard lointain.

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