La fête de la mi-automne

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La fête représente le partage, la convivialité. C’est le moment de se prendre dans les bras, abaisser les armes, et de déguster une paix bien méritée. Les festivités, en Chine, tirées du calendrier lunaire, se couplaient avec quelques célébrations occidentales qui s’immisçaient dans le quotidien des Asiatiques, telles que Noël ou Halloween. Pour le reste, c’était l’occasion de pénétrer dans les traditions et de reprendre d’anciennes croyances perpétrées de génération en génération.

Les fêtes du calendrier solaire, le nôtre, diffèrent du lunaire. Ce dernier, autrefois également utilisés par les tribus celtes avant l’arrivée du christianisme, du fait de son rythme propice à l’exploitation agricole, fluctue en fonction des années. Ainsi, les dates ne sont jamais fixées et varient parfois de plus d’un mois. Le Nouvel An, par exemple, phénomène devenu planétaire grâce à la diaspora chinoise, peut aussi bien être fêté un 23 janvier (2012) qu’un 19 février (2015). Même les Chinois ne gardent pas forcément trace des chiffres et, bien souvent grâce à la technologie, découvrent les dates en un clic une semaine avant.

La première fête traditionnelle que je vécus fut la mi-automne, le 15 septembre. Ce festival s’inspire d’une légende de guerre pour remercier la lune et apporter de grandes moissons. Elle aspire à apporter des récoltes fructueuses pour l’année suivante. En Corée, il s’agit du second événement le plus important de l’année (Chuseok[1]), après le Nouvel An.

Ces festivités permettent aux chinois de prendre quelques jours de repos. Les plus chanceux retournent dans leur famille, les autres se contentent d’errer sur le campus. Les échoppes de Zong He Lou restent fermées le jour de la fête, fait stupéfiant lorsqu’on a l’habitude de s’y rendre tous les jours pour prendre son petit-déjeuner. On se sent presque trahi par un vieil ami.

Lors de la mi-automne, aussi appelé la fête de la demi-lune, Li laoshi nous offrit des boîtes contenant des yuebing[2] : des biscuits arrondis et dentelés, au sésame ou à la pâte de haricot rouge. Ils étaient si bourratifs que, bien qu’adorés au départ, je ne pouvais plus les voir en peinture à la fin de la semaine. Leur goût pâteux s’immisçait dans votre gorge et vous narguait le gosier jusqu’à être décimé par une cascade d’eau dans l’œsophage. Traditionnellement, les gâteaux étaient fabriqués avec des caractères représentant la fortune, le bonheur ou la chance sur le dessus, pour souhaiter une excellente moisson à son prochain. Toutefois, les immondes productions industrielles que nous avions ne dessinaient rien d’autre que d’illisibles traits promettant diabète, cholestérol et maux de ventre.

La lune est un élément majeur de la culture de l’Extrême-Orient, jusque dans sa langue. Le terme de lune, « yue », désigne également les mois de l’année, tandis que le mot jour est, comme son équivalent français, transmis par le soleil, « ri ». Le cycle lunaire est célébré sérieusement et pris en compte dans toutes les décisions, même des jeunes chinois. La superstition persiste dans les esprits des étudiants et le timing pour se lancer vers un objectif requiert de s’en remettre aux croyances.

L’une des plus répandues et non exclusive à la Chine est celle du chiffre quatre. Semblable à la mort, également au Japon et en Corée, il est retiré de tous les ascenseurs et des chambres d’hôtels. L’étage existe néanmoins, il n’est simplement pas affiché, passé sous silence. À l’inverse, le chiffre sept est un porte-bonheur. « Lucky seven » nous disaient des amis coréens. L’importance de conserver ce calendrier ancestral et tous ces détails qui structurent le monde chinois est comme une sorte de quête pour la nouvelle génération, comme un trésor à protéger du joug du temps.

Il est difficile de pleinement saisir la part des festivités et des croyances chinoises sans y avoir été exposé et confronté. Ces jours précieux, bien que non baignés de religion, au sens où on l’entend, sont sacrés et codifiés. Les anciens enseignent aux novices les plats qu’il faut manger pour attirer le bon œil, les paroles à prononcer ou les couleurs à porter en cette journée providentielle. Fu, parmi d’autres, ne dérogeait à la règle pour rien au monde. Malgré certaines aversions et dissensions idéologiques, il n’en restait pas moins un Chinois fier de son héritage.

Juste après la mi-automne arrivait la fête nationale, le 1er octobre. L’université nous épargnait une semaine de cours afin de souffler après une rentrée éreintante. Ainsi, la plupart des étudiants avaient quitté le campus pour explorer les contrées chinoises. Pour l’occasion, Na, Ryu et moi décidions de découvrir la jumelle opposée de Dalian : Qingdao.

Le voyage se déroulait juste avant mon anniversaire, le premier en dehors de mon pays et loin de ma famille. Durant le séjour, mes deux compères m’offrirent un gâteau au chocolat, pour marquer l’événement. Seulement, le soir du cinq, une fois de retour entre les murs de ma chambre, seule la mélodie nostalgique des ombres de la solitude résonnait. Certes, certains de mes amis n’avaient pas chaussé leurs bottes de sept lieues et Maya, par exemple, m’avait offert entre autres une sublime écharpe en laine pour affronter l’hiver rude. Cependant, pour ce moment si intime, la présence chaleureuse et protectrice de ma famille me manquait.

[1] 추석= l’équivalent du Thanksgiving américain

[2] 月饼 = Gâteau de lune

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