Incendie

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Didon s'ennuie hélas, et déjà s'entrebaille

Sa bouche, largement, cependant qu'elle bâille.

Afin que le récit remplisse sa fonction,

Il est temps, pense Enée, d'y mettre de l'action;

Que d'un bras musculeux les actes glorieux

Impressionnent son coeur et ouvrent grand ses yeux,

Que de quelques sanglots ils agitent sa bouche,

Qu'enfin la demoiselle se montre moins farouche!

"Cependant, les remparts éclatent de douleur,

La ville n'est que cris, la ville n'est que pleurs.

Pour voir ce qui ainsi me tire de mon lit,

J'entr'ouvre la fenêtre et vois un incendie

Qui petit à petit dévore la cité,

Qui, montant jusqu'aux cieux, des moineaux dépités

Fait mille poules au pot. Bientôt le firmament

Le firmament entier n'est plus qu'embrasement,

Les rues ne brillent plus que de l'éclat des lames

Et les doux champs de blé deviennent champs de flammes.

Je comprends aussitôt qu'il n'y a plus de trêve,

Et comprends mieux dès lors les raisons de mon rêve.

Et tandis que j'entends les cris et les allarmes,

N'écoutant que mon coeur, je saisis quelques armes,

J'ai bien quelque scrupule à négliger Hector,

Mais négliger ma Troie me semble un plus grand tort,

Pendant que la cité devient un immense âtre,

Seul, je ne brûle que du désir de me battre

Et je songe un instant qu'un homme qui s'abat

Ne peut s'abattre mieux que s'abattre au combat.

Et si je dois mourir, si ce lot m'est promis,

Que je meure du moins en battant l'ennemi.

Voilà ce que je songe et mon coeur séraphique

Berce quelque pensée haute et philosophique.

Nous fûmes les Troyens, nous fumes glorieux,

Aidés par le destin et protégés des dieux.

Nous fûmes les Troyens sans qui nul n'eût vu Troie,

Et nous fûmes vaincus par un cheval de bois.

Se répandent des flancs des guerriers musculeux

Cependant que Sinon répand partout le feu.

Ce ballet meurtrier, au milieu de la danse

Porte à tous les regards une forêt de lances.

Les flammes dans le ciel se mêlent aux étoiles,

L'ennemi cependant, comme une humaine toile

Bloque toutes les rues, barre tous les passages,

Et dans chaque maison sanglote un enfant sage.

N'écoutant que mon coeur, je cours vers l'incendie

Suivi de quelques gonz, parmi les plus hardis.

Entre hommes disposés à se faire descendre,

J'ai vu furtivement l'amoureux de Cassandre ;

Quant aux autres guerriers qui moururent ce soir,

Ils sont bien trop nombreux pour ma pauvre mémoire.

Toujours est-il que par un discours bien senti,

J'ai fait brûler leurs coeurs d'une ardeur inouïe,

Nous marchâmes ainsi vers notre destin sombre

Cependant que la nuit nous portait dans son ombre."

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