1.

2 minutes de lecture

Je regrette le temps où je faisais semblant, à la terrasse des cafés huppés, le hall des hôtels luxueux, dans le train et l’avion. Mon esprit vagabondait, tandis que mon corps posait, composait, afin de paraître habité et cacher l’imposture qui me faisait vivre. Simuler en toute circonstance était agréable, confortable. Attitude désinvolte, gravée de gestes hypocrites ; du bolo-bolo tête haute, du vernis sur du faux. On me reconnaissait, on venait me voir pour me remercier, j’étais vraiment fier d’être un mystificateur. Mais la culpabilité a fini par l’emporter, ainsi que la honte de la page blanche.

Je ne t’apprends rien, mais je dois bien tenir cette histoire par un bout afin de la dérouler comme un vieux tapis dégoûtant. C’est bien cela que tu veux ? Alors, laisse-moi commencer comme je l’entends, depuis quand suis-je censé être construit, logique, talentueux ? C’est justement parce que je ne le suis pas que j’en suis là.

Après avoir paniqué, crié, pleuré, imploré, me voici donc à utiliser la seule bouée à disposition dans cet océan d’obscurité.

Depuis toujours les mots me font vivre, mais jamais je n’avais envisagé qu’ils pourraient un jour rédimer ma vie. J’aurais alors été plus constant, plus sérieux, moins lâche, afin que le moment venu, à l’heure de mon sauvetage, je sache m’en servir dignement. J’aurais aimé me trouver, face à la mort, paré de cet outil apprivoisé, de façon à optimiser mes chances, de manière à rire de cette situation grotesque. Je me sentirais maître d’armes : j’aurais les quatre As en main, le dé pipé, la petite épingle pour forcer le cadenas, la miraculeuse lame qui couperait mes liens. Et rirait bien qui rirait le dernier, car quoi, toute cette mise en scène, ce cauchemar bien éveillé, je saurais le combattre de mots puissants, placés au bon moment pour taper fort. Et le sésame s’ouvrirait, c’est certain.

Seulement pour gagner, il faut se battre, et pour survivre, il faut mourir un peu.

Tu as dû te dire que ça me ferait du bien d’être physiquement dans la souffrance de la page blanche. Qu’être dans le noir pour l’occasion serait cocasse, que l’inconfort contrasterait avec mon habituelle nonchalance, et que forcément, immanquablement, quelque chose finirait par en émerger grâce à toi. J’espère que si quelque chose ressort de cette situation insupportable, ce sera moi.

Annotations

Vous aimez lire Goji ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0