Chapitre 5

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Nous pénétrâmes dans un couloir sombre aux murs recouverts de papier vieilli. Une moquette verte tapissait le sol. Des relents de café froid et de cigarette émanaient de la pièce du fond. Poe me précéda, longea le corridor et déboucha sur une porte vitrée. Il l’ouvrit et m’invita à entrer dans le bureau. Cet endroit était l’archétype même d’une agence de détective privé. Un vieux téléphone dormait sur une table noire en bois ancien, des dossiers s’amoncelaient partout dans l’office et les étagères semblaient être sur le point de s’écrouler sous le poids des cartons. Poe n’en était pas à son coup d’essai. Il paraissait bien rodé, capable d’enquêter sur nombre d’affaires plus ou moins étranges. J’allongeai le pas en direction de l’écritoire et tombai sur le fichier du tueur d’Halloween. Je le pris, m’appuyai sur comptoir et entrepris de le feuilleter. Pendant ce temps, Poe s’était éclipsé dans la petite remise d’à côté. Des bruits de métal et d’objets que l’on déplace brisaient le calme qui régnait. Alors que je refermai la chemise contenant les informations nécessaires à notre investigation, Poe émergea du réduit, sa chevelure poussiéreuse et en bataille. Il revint vers moi, l’air triomphant. Il me montra un lecteur de carte et s’exprima :

— Je crois que ce truc va enfin s’avérer utile !

— Parfait ! Ne perdons pas de temps. Rey doit être morte de trouille à l’heure qu’il est ! Plus vite nous la récupérerons, mieux je me porterai ! Au travail !

Je posai le moniteur sur la tablette en bois, après avoir repoussé les dossiers vers les bords du bureau. J’insérai ensuite la puce dans l’orifice prévu à cet effet, branchai l’appareil et l’allumai. Un son métallique envahit la pièce, accompagné de bruits de vêtements froissés indiquant que la personne se mouvait. Pour le moment, seul un écran noir couvrait le mur. Puis une lumière olivâtre apparut et une silhouette se démarqua sur la vidéo. Grande, fine et relativement musclée, l’ombre à la peau brune se rapprocha de l’objectif et s’arrêta devant. De qualité médiocre, la bande visuelle permettait malgré tout d’obtenir de nouveaux indices sur la disparition. Le ravisseur ressemblait à un homme de couleur. Entièrement vêtu de noir, le visage caché par un masque en forme de Frankenstein,  la voix du drôle de type résonna :

— Tiens, tiens, tiens ! Qui voilà ? Ben solo en personne. J’espère que la récente décoration de ton appartement te plaît ? Ne m’en veux pas, ta chérie s’est plutôt bien défendue, alors j’ai dû la brutaliser. Ne te mets pas dans des états pareils, rassure-toi, elle est vivante. Enfin pour le moment. Et je te jure qu’il ne lui arrivera rien si tu obéis à mes ordres ! Regarde, voici ce que je détiens de ta petite copine ! ricana-t-il.

Le ravisseur exposa un morceau de tissu blanc et l’agita devant la caméra.

— Ça te suffit ? Alors, ouvre grand tes oreilles, Ben Solo — Skywalker ! Si tu veux revoir ta demoiselle en bonne santé, je te conseille de te pointer sans tarder dans le hangar désaffecté n° 45, dans les docks près de la rivière ! Amène-toi seul et sans ta fidèle arme, sinon je ne réponds plus de la vie de la fille ! Tu te présenteras au vigile à l’entrée et tu veilleras à prendre un masque avec toi. Personne ne doit te reconnaître ! Ah oui ! J’oubliais un détail ; tu m’apporteras un million en cash ! Pas d’entourloupe ! Une fois dans le bâtiment, demande à voir FN 2187. Si tu te comportes correctement, ta gonzesse ne risquera rien ! Je te dis à bientôt beau gosse !

La silhouette à la peau hâlée cligna de l’œil et coupa la communication. Un calme terrifiant s’installa dans la pièce exiguë. Je n’entendais plus que le son de mon cœur qui tambourinait contre ma poitrine, le râle bruyant de ma respiration rapide et le bourdonnement du moniteur. Dans l’idée d’ébrécher le silence oppressant, Poe tenta une parade :

— Il a bien dit « beau gosse », n’est-ce pas, girafe ? C’est ça ? Je l’aime déjà ce mec !

Je me tournai lentement vers lui et le fusillai du regard. J’inspirai profondément, essayant vainement de contenir la colère qui serpentait dans mes veines. Or, l’entreprise fut inutile. Sur le point d’éclater en sanglots, je libérais l’agressivité qui bouillait en moi, m’emparai de l’appareil et le fracassai violemment sur la dalle carrelée de la pièce. Il se morcela, émit une dernière plainte et se tut pour toujours. Je me saisis des dossiers et les envoyai valser. Des milliers de feuilles jonchaient à présent le sol. J’attrapai ensuite la chaise et envisageai de la lancer à travers la vitre, mais Poe interrompit mon geste. Il arracha le tabouret de mes mains et la remit sur ses pieds. Puis il agrippa mes bras et me poussa vers l’étagère.

— Ben arrête ! Reprends-toi ! Ne lui cède pas ! Ne réduis pas tes efforts à néant !

Malgré la force de mon coéquipier et les entraves qu’il m’avait installées, je finis par me dégager. Il me maintint contre l’armoire et serra davantage mes biceps. À bout de souffle, je m’immobilisai et le jaugeai. Le regard noir, des mèches folles qui tombaient sur mon front, la respiration saccadée, je ressemblai à un loup enragé. La colère s’estompa, pour être remplacée par la tristesse. Les pleurs que j’avais freinés un peu plus tôt ressurgirent. Je tremblotai sous le coup de l’émotion. Ma carapace se fendit et le jeune détective rencontra le véritable Ben Solo. Pas le commissaire indomptable, pas le type douteux, uniquement l’âme craquelée d’un homme qui souffrait atrocement. Il me relâcha et m’observa ; il cligna des yeux et s’efforça de cacher l’humidité que je voyais poindre aux coins de ses prunelles sombres. Il respira, souffla, puis murmura :

— Ce type est un imbécile et nous allons le trouver, je t’en fais le serment ! Pendant que tu écoutais sa tirade, j’ai programmé les coordonnées qu’il a indiquées sur le GPS. Et bonne nouvelle, l’endroit est assez proche de mon bureau.

— Alors, ne perdons plus de temps ! Allons-y, décrétai-je.


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