Chapitre 6

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Nous arrivâmes sur les docks à la nuit tombée. Avec l’aide de mon équipier, j’avais monté un plan afin de débusquer au mieux ce rat miteux. Dans l’ensemble, j’avais tenu compte de ses exigences : je portai un masque, l’argent dormait dans un sac noir. En revanche, je n’avais pas respecté la dernière consigne. Pas question de venir seul ! Poe m’accompagnerait. En tout cas jusqu’à l’entrée du hangar, ensuite il irait se camoufler un peu plus loin et se tiendrait prêt à intervenir si le besoin s’en faisait ressentir. C’était là notre accord tacite. Poe avait refusé de me laisser me débrouiller et avait insisté pour me prêter mainforte. Il prétendait qu’être plusieurs augmentait les chances de réussite de l’opération. Forcé d’admettre que la situation ne tournait pas à mon avantage, j’avais accepté son offre. Il gara la voiture entre deux immeubles et s’arrangea pour qu’elle devienne invisible. Il coupa le moteur et éteignit les phares. Je sortis de ma berline et enfilai mon masque. Puis je jetai le sac sur mon épaule et me dirigeai vers le bâtiment indiqué par le kidnappeur. Comme l’avait précisé l’inconscient qui avait osé enlever ma moitié, un vigile somnolait devant la porte d’entrée. J’approchai de lui et me raclai la gorge. Il ne m’adressa aucun regard. Je réitérai mon acte en y mettant un peu plus de vigueur. Le garde sursauta et leva les yeux vers moi. Sèchement, il me demanda :

  • C’est pour quoi ?
  • Je viens voir FN2187, j’ai quelque chose à lui donner.
  • Ah ouais ? Et c’est quoi ton petit nom ?

Je serrai les poings et allumai le dispositif que Poe avait installé sur mon téléphone précédemment.

  • Peu importe mon étiquette. Elle ne signifie rien pour toi. Ton pote retient quelqu’un que j’affectionne énormément. Il m’a donné des directives, je les ai respectées. Alors maintenant tu bouges ton petit cul et tu vas prévenir FN2187, sinon…
  • D’accord, attends là ! Je vais t’annoncer.

La sentinelle passa la porte et quitta mon champ de vision. Je patientai un certain temps avant de le voir réapparaître :

  • Il va te recevoir. Tu peux entrer. Il se situe dans la salle du fond.

Je hochai la tête, activai discrètement le micro de mon portable et me faufilai à l’intérieur. Le hayon se referma sur moi avec un grincement effrayant, annihilant toute source de lumière. La pénombre ne m’horrifiait guère. Au contraire, je l’appréciais. Quand elle m’envahissait, une sensation d’apaisement apparaissait. Je me sentais en confiance, au creux de ses bras. L’obscurité ne m’avait jamais trahi jusqu’à maintenant et je doutais qu’elle me piégeât un jour. J’avançai à pas feutrés dans les ténèbres, à l’affût du moindre bruit, du moindre mouvement. Or, seul le silence résidait dans la pièce. Mes pupilles noires s’habituèrent à la nuit et je pus me déplacer plus facilement. Au loin, je distinguai une ouverture. Allongeant les jambes, je m’y engouffrai sans sourciller. Le hangar était totalement désert. On ne voyait rien, on n’oyait rien à part le frottement régulier de mon jean sur ma peau diaphane. Je continuais de marcher, toujours aux aguets, et débouchai enfin sur un local éclairé. Une faible lumière traversait le seuil. La salle dans laquelle je devais me rendre se trouvait derrière cette porte. J’inhalai l’air lourd et posai la main sur la clinche. Celle-ci chuinta et se déverrouilla. Avant de pénétrer dans ce réduit lugubre, j’attrapai mon cellulaire et le plaçai dans la poche de mon blouson. Comme ça, Poe pourrait tout écouter et suivre le déroulement de la conversation.

Avec une mine renfrognée, je fis face au sot qui avait daigné ravir Rey. Je me postai devant lui et lançai le sac. Il atterrit à ses pieds et s’entrouvrit. L’homme masqué scruta la besace et redressa la tête vers moi.

  • Tu as ce que tu as demandé, maintenant rends-la-moi, vitupérai-je.

Le gars railla.

  • Bien joué, je n’en attendais pas moins du célèbre Ben Solo ! Mais vois-tu, l’argent que tu as apporté ne m’intéresse pas. Ce n’était qu’un moyen de t’obliger à venir ici. Tout comme l’enlèvement de ta chère et tendre.
  • Autrement dit, tu m’as tendu un piège grossier, ajoutai-je, surpris par sa révélation. Et je peux savoir la raison pour laquelle je suis là ?
  • Parce que…

A ce moment-là, un cri retentit. Cette voix ressemblait à celle de Rey. Abandonnant le type, je me ruai vers le fond de la pièce. Je n’avais pas encore atteint l’extrémité du mur, qu’un deuxième hurlement résonna. Mon sang ne fit qu’un tour et j’accélérai le pas. Mais avant de me lancer dans je ne sais quel plan fumeux, je contactai Poe et lui demandai de me rejoindre au plus vite. Entre temps, une silhouette fantomatique et titubante apparut dans l’unique halo de lumière. La personne menue et de taille fine s’approcha de moi en oscillant et s’écroula dans mes bras avec un grognement sourd. Je la maintins du mieux que je pus et me tournai vers le mec et vociférai :

— Putain ! Mais c’est quoi ce bordel ? Dans quoi est-ce que tu m’as fourré ? Sale petit…

— Ben stop ! s’égosilla Poe.

Je me figeai et braquai mon regard vers lui. Dans une main, il tenait l’homme et dans l’autre, le masque. Au même moment, la silhouette effondrée dans mes bras se releva et me fixa. Le visage blafard de Rey s’inscrivit sur ma rétine. Pris de panique, je la serrai et approchai son visage de moi. Elle avait les yeux fermés, la peau livide et des cernes sous les yeux.  Dans un tremblement, je murmurai :

— Que t’ont-ils fait sweetheart? Ils vont le regretter, je…

Cependant, je n’eus pas le temps de terminer mon discours, que le corps de Rey s’anima, FN 2187 et Poe approchèrent et des ombres se dessinèrent sur le mur du fond. Lorsque tout le monde fut à proximité de moi, le groupe cria en chœur :

— Joyeux Halloween, Ben.


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