chapitre 4

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Je déposai l’objet dans sa main, le laissant découvrir de quoi il s’agissait :

  • C’est une micropuce ça, bien joué Ben !
  • Tu crois qu’on peut en retirer quelque chose ?
  • Mais bien sûr, on va même peut-être avoir un visuel de l’auteur des méfaits.
  • T’as un moyen de lui faire cracher des infos ? demandai-je, redevenu impatient.
  • Pas sur moi, mais au bureau oui, sûrement. Confirma Poe.
  • OK ! Alors, direction l’agence ! En route, tonnai-je.

Poe soupira.

  • J’arrive.

Nous retournâmes au véhicule et cette fois-ci, je démarrai en trombe.

  • Ouhh, tu m’as l’air en forme, gueule d’ange !
  • C’est par où ? repris-je en tentant d’esquiver sa remarque

Rey m’avait expliqué que Poe possédait un sacré tempérament et n’avait pas sa langue dans sa poche ; que régulièrement il charriait son entourage, ironisait souvent. Je n’aurais jamais pu deviner que c’était à ce point-là, avant de me retrouver coincé avec lui dans un espace confiné, obligé de composer avec nos caractères respectifs, parce que la vie de ma femme en dépendait. Rey avait raison. Poe n’était, ni dénué d’audace, ni d’assurance. Enfin, pour le moment, je ne pouvais que compter sur lui.

— Il faut que tu sortes et une fois dans la rue nous ne serons plus très loin. Mon office est à deux pas d’ici.

  • OK.

Je quittai le souterrain à toute vitesse, réalisant un superbe dérapage en prenant le virage qui menait à l’avenue. Je suivis les indications de Poe à la lettre et arrivai devant le cabinet quelques minutes plus tard. Toujours énervé, je glissai et atterris dans une place de créneau. Je freinai brusquement et arrêtai la voiture. Je bondis hors du véhicule et rejoignis le trottoir à grandes enjambées. Poe, dans la berline, remuait le contenu de son sac, essayant de mettre la main sur sa paire de clefs. Au bout d’un petit temps, il finit par les attraper.

Devant la porte d’entrée de l’agence, je marchais de long en large. Les poings serrés, je me mordis les lèvres. Mon impatience grandissait tout autant que mon anxiété. Elle me manquait et plus les heures défilaient sur le cadran de ma montre en métal, plus je sentais le démon de la colère prendre possession de mon être. Rey comptait vraiment beaucoup pour moi. Pour la garder près de moi, j’avais dû renoncer à beaucoup de choses. Renier mon passé, faire amende honorable et lui prouver mon amour n’étaient que la partie mineure de ma longue liste. Pourtant, je ne le regrettais pas, bien au contraire. Ce choix m’avait coûté cher, mais ce n’était rien en comparaison de ce que j’y avais gagné. Une vie stable, douce et heureuse, une femme magnifique dont je ne savais me lasser et surtout une légitimité, tel était le montant de mes bénéfices. La perdre deviendrait synonyme d’échec, une éventualité que je souhaitais à tout prix éviter. Je ne pouvais concevoir une existence sans elle, sans sa présence à mes côtés, sans nos disputes et tout ce qui faisait mon bonheur. Je ne préférais même pas m’imaginer un scénario plus dramatique, dans lequel on parlerait de décès. Si elle mourait alors Ben Solo disparaîtrait avec elle. Faire face à son kidnapping était déjà trop pour moi. Cette horrible scène défilait en boucle dans mes pensées, me secouait. Mes yeux piquaient, les larmes approchaient à grands pas. Je tentai de me contenir un maximum, mais je ne réussis pas à les tarir entièrement. Une petite goutte d’eau salée coula alors le long de mes joues pâles. Au même moment, Poe, enfin à l’extérieur, se posta devant moi. Il me contempla silencieusement, un air effaré sur le visage. Il hésita un instant avant de formuler la demande qui lui brûlait les lèvres :

— Tu… Tu es sûr que ça va…

Je le dardai à mon tour, puis rétorquai avec véhémence :

— Oh oui ! J’ai une forme d’enfer, raillai-je.

Poe se frotta la figure, promena son regard alentour espérant y trouver la réponse adéquate. À l’évidence, personne ne l’aiderait. Après une énième exhalation, il balança :

— Tu as envie d’en parler ? Il s’agit de l’enlèvement de Rey ?

Je dodelinai de la tête tout en essuyant mes yeux.

— Je crois comprendre qu’elle est très importante pour toi n’est-ce pas ? Enfin, c’est ce que j’ai entendu. Continua-t-il sur un ton doux que je ne lui connaissais pas.

Cette tendresse inattendue abaissa la muraille secrète de mon cœur. Ma langue se délia, m’obligeant à me confier à la dernière personne à qui j’avais envie de raconter mes tourments.

— Au moins, je n’aurais pas besoin de mentir ! Je ne suis peut-être pas le mec idéal et encore moins celui dont tu rêvais pour Rey et je n’ai pas du tout l’intention de me justifier pour mes actes passés. Je ne me confesserai pas à toi. Ceci dit, je peux quand même te certifier une chose…

J’inspirai et déglutis. Dévoiler les sentiments que je nourrissais pour Rey restait un sujet délicat pour moi, presque tabou. Or, j’étais dévoré par l’inquiétude. Les crocs de la vengeance me taillaient l’estomac en pièce, morcelaient mon cerveau, envahissaient la moindre parcelle de mon cœur. L’angoisse, la peur et le manque contrôlaient mon esprit. Dans les ténèbres de mon for intérieur, une lumière s’était mise à briller. Poe me tendait une main secourable, qu’il me fallait attraper avant d’être englouti par la folie, qui s’emparait peu à peu de moi depuis le début de cette sombre affaire. Sans réfléchir et pour la première fois de ma vie, je saisis cette opportunité :

— Je… Je suis éperdument amoureux d’elle, Poe. Je ne peux plus envisager de vivre sans elle ! Je suis prêt à tout pour elle ! Même à porter ce putain de fardeau, jusqu’à ce que je retourne à la terre. Et chaque minute passée loin d’elle me tue à petit feu. Les abîmes desquels je suis sorti n’attendent qu’un seul faux pas de ma part ! Je suis sur le fil du rasoir depuis ce matin. Et si elle ne me revient pas, je ne survivrais pas !

Poe blêmit devant ma révélation. Ses yeux, habituellement pétillants, devinrent vitreux. Sa bouche remuait sans émettre le moindre son. Après un long blanc, il secoua la tête et s’écria :

— Waouh ! Qui aurait pu dire que le terrible Ben Solo était en fait un grand sensible ! Maintenant, de toi à moi je me fiche de ce que tu as pu faire par le passé, de savoir dans quels trafics tu as pu tremper ou encore combien d’innocents sont tombés sous ta hargne ! Mais si Rey t’a choisi, c’est qu’elle a vu ce que tu caches aux yeux de tous. N’importe quel être humain recèle une part d’ombre en lui. Je n’ai pas non plus toujours été celui que tu as en face de toi ! Si tu l’aimes tant, alors me voilà rassuré ! Mais ne t’avise jamais, au grand jamais de la faire souffrir ou pleurer ! Car tu le paieras, c’est clair ?

— Nous avons un point commun ! Blesser Rey n’est pas dans mes projets ! ripostai-je.

— Dans ce cas…

— Bon, on entre ou…

— Oui mon chou…

— Et dernière chose : arrête avec tes sous-entendus, rageai-je.

— Oh ? Tu n’apprécies pas les surnoms, beau gosse ? Dommage, ils te vont si bien !

— Poe ?

— Ferme-la !

Le détective privé haussa les épaules et inséra les clefs dans la serrure.

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