chapitre 3

6 minutes de lecture

Pendant de longues minutes, un silence de mort régna entre nous. Puis d’une voix chevrotante, Poe finit par demander :

  • Quoi ? Que dis-tu ? Rey a été kidnappée ? Mais comment ? Par qui ?
  • Je l’ignore encore, mais crois-moi, ce type ne sait pas ce qui l’attend ! Il va le payer ! Je vais le tuer!
  • Stop ! Stop ! Calme-toi s’il te plaît Ben ! La situation est difficile à supporter, c’est sûr ! Cependant, se laisser gagner par la fureur ne servira à rien. Pense à Rey, bon sang ! Sans toi, on ne pourra pas la retrouver ! houspilla Poe Dameron.
  • Mais…
  • Pas de « mais » ! Ne bouge pas, j’arrive !

Poe raccrocha. La rage continuait de déferler en moi et je peinais vraiment à reprendre mes esprits. Rey ! Rey était ma seule source de lumière, la seule raison pour laquelle j’avais accepté de porter le fardeau de la rédemption. Elle m’avait offert une nouvelle chance ! À moi, un ripou, un flic corrompu, manipulé jusqu’à l’os. Moi, la marionnette de Palpatine ! Je ne souhaitais vraiment pas la perdre. Et si pour la retrouver, j’étais obligé de pactiser à nouveau avec le diable, et bien je le ferai.

Le temps défilait, ma patience s’amenuisait. Si Poe ne pointait pas le bout de son nez sous peu, alors je remuerais ciel et terre, fouillerais chaque recoin, chaque égout de cette ville pour la ramener. La colère était une amie fidèle ; elle s’avérait d’une grande aide quand la situation échappait à mon contrôle. Or ; j’avais promis à Rey de me maîtriser, de ne plus y avoir recours. Mais le contrat ne stipulait pas sa disparition. Je tournais en rond comme un fauve dans une cage quand j’entendis le tintement de la sonnerie de l’ascenseur. Dans les secondes qui se succédèrent, un Poe énervé et angoissé déboula dans le corridor. Il accourut vers moi et posa ses mains sur mes épaules. Il souffla :

  • Ouf, tu es encore là, tant mieux ! Alors, dis-moi ?

Je lui tendis le mobile cassé de Rey et le sommai, d’un geste de la tête, de venir observer la scène du crime. Il obtempéra, puis me suivit dans le hall.

  • C’est ici que vous habitez, toi et la cacahuète ? Waouh ! Sympa, le loft, avec vue sur Central Park ! s’exclama Poe.
  • T’es sérieux ? Ma nana a été enlevée et toi, tu t’extasies devant notre maison ! râlai-je.
  • Mais quel rabat-joie ! murmura Poe.
  • Viens par là, je vais te montrer le carnage ! continuai-je.

Poe hocha la tête et m’accompagna dans la salle de bain. Je tirai le rideau, lui pointai les flaques douteuses et le fond d’eau.

  • C’est ici que j’ai retrouvé le téléphone de Rey. Devant la baignoire, tu peux voir des taches visqueuses. Rey m’a dit que tu étais sur la piste du kidnappeur d’Halloween, hier. Alors quand j’ai aperçu des similitudes entre son enlèvement et ce qu’elle m’avait raconté sur votre enquête, j’ai décidé de t’appeler.
  • Tu as eu raison ! Cette histoire est abracadabrante ! Je ne comprends même pas comment ces traces ont pu se retrouver sur les différents lieux de méfaits.
  • Ouais, moi non plus, je ne percute pas là. C’était calme il y a deux jours ! Kaydel était de garde cette nuit-là, pourtant elle n’a pas eu affaire à des conneries de ce genre. Et puis merde, pourquoi Rey ?
  • Ça… Tu ne te serais pas fait des ennemis parmi les équipes par hasard ? Ah mince ! J’avais oublié que j’avais en face de moi le loup de la criminelle…
  • Tu peux pas arrêter tes pitreries deux minutes, là ! Tu me fais vraiment chier avec tes bêtises ! Mais pour te répondre ; des adversaires, j’en ai des tas ! La moitié des malfrats de New York veut ma peau, la mafia souhaite ma mort et la brigade des affaires internes préférerait me garder derrière les barreaux d’une cellule de haute sécurité, ça te suffit ?
  • Oh joli pedigree, monsieur le commissaire ! ironisa Poe. En d’autres termes, on a pas beaucoup de choix dans les adjuvants !
  • C’est ça !
  • Et si on commençait par le commencement ? Retournons à l’endroit du premier enlèvement !
  • Allons-y !

Nous sortîmes de la pièce et prîmes la direction du garage souterrain. Pendant la lente descente de l’ascenseur, je tentai de camoufler au mieux l’angoisse et les larmes qui montaient en moi. Pas question de se montrer lâche face à ce dragueur de Poe ! Ma réputation et ma fierté étaient en jeu ! L’élévateur s’immobilisa, les portes coulissèrent pour nous laisser la voie libre. Je franchis le seuil en premier, talonné de près par mon acolyte du jour. Je nous guidai vers la place de parking sur laquelle j’avais stationné mon véhicule et pressai un bouton pour l’ouvrir. La berline émit un petit couinement, signal qu’elle était déverrouillée. Je m’avançai vers le côté conducteur et Poe vers le côté passager.

  • Jolie caisse !

Il s’assit sur le siège et referma la portière. Alors que je m’installais au volant, Poe lança :

  • Et sinon, Rey et toi vous avez déjà…

Sa remarque m’agaça, me poussant à rétorquer sèchement :

  • Ça t’arrive de rester concentré de temps en temps ? Franchement Poe ! Rey a été…
  • Relax beau brun ! J’essayais de détendre un peu l’atmosphère ! T’inquiète pas, on va le récupérer ta Rey. Alors Rey et toi…
  • POE !! fulminai-je.
  • OK, OK j’arrête ! Il faut que nous nous dirigions vers le parking de la Ve Avenue, c’est là que les premières traces ont été retrouvées.

Je hochai la tête, démarrai la voiture et enclenchai la marche arrière. Je sortis ensuite du souterrain pour m’engager sur la route qui menait à la Cinquième Avenue. Le trajet fut court et nous gagnâmes rapidement l’endroit dans lequel nous devions nous rendre. Je me garai non loin dudit lieu et coupai le moteur. Je glissai mes clefs dans la poche de mon jean slim sombre pendant que nous descendions de l’auto. Nous avançâmes vers la scène d’enlèvement. Poe dézippa la fermeture éclair de son sac, le posa sur le sol, se débarrassa de son chèche qu’il enfouit dans une des innombrables pochettes, releva les manches de sa veste kaki, se baissa et farfouilla dans la cavité centrale de la besace en question. Au bout de quelques secondes, il sortit un carnet miniature et un appareil photo à gros zoom. Il se pencha sur la zone, l’inspecta. De mon côté, je regardai aux alentours pour essayer de repérer un indice, une preuve, enfin quelque chose qui nous avait échappé au premier abord. Au début, je ne détectai rien, puis une lumière attira mon œil. Je m’approchai du scintillement et m’arrêtai devant une petite meurtrière se trouvant sur le mur en face de moi. De mon blouson de cuir noir, j’extrayais un élastique noir, une paire de gants noirs ainsi qu’une fine pince de métal. Je nouai d’abord mes cheveux en chignon pour qu’ils ne me gênent pas, enfilai ensuite les gantelets et m’armai de la pincette. Je me collai alors au mur et glissai mon outil de fortune dans la fente afin d’atteindre la petite pièce brillante. Cette opération me prit un certain temps, mais je finis par réussir à attraper le truc et à l’extirper de sa cachette. Une fois entre mes mains, je manipulai l’objet microscopique à la recherche d’une réponse. Un détail capta mon attention : un circuit doré se trouvait sur l’autre face de la puce. À ce moment-là, je compris qu’il s’agissait d’une micropuce. Toujours sur les lieux de l’enlèvement, Poe continuait de ratisser la zone. Il passait au peigne fin toutes les traces, les éclats, les preuves. Cependant, cela ne semblait pas donner de résultats. Heureusement, de mon côté la pêche avait été meilleure. Ma découverte dans la main, je me tournai vers lui et le hélai :

  • Poe ! Regarde, j’ai du nouveau.
  • J’arrive.

Le détective se releva, retira ses gants, s’approcha de moi puis me questionna :

  • Alors beau gosse, t’as trouvé quoi ?

Je levai les yeux au ciel et les fermai, justifiant ce comportement comme moyen de garder le contrôle. Profondément irrité par sa remarque sur mon physique, je lui accordai néanmoins une réponse laconique :

  • J’ai déniché ça !

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