Chapitre 6.1

5 minutes de lecture

Au dîner, Tanysha a le plaisir de voir Axel et Antoine revenir main dans la main, le visage apaisé. Maddy s'échappe de la table et fonce dans les bras ouverts de la jeune femme, ce qui la fait tanguer. Axel s'approche de son amie, l'enfant sur la hanche, pour s'installer à côté d'elle, sourire aux lèvres.

- Je suppose donc que l'affaire est réglée ? susurre Tanysha.

La blonde a un léger hochement de la tête. Elle irradie de joie et de contentement.

- Axel ? intervient Maddy en tirant la manche de son aînée.

- Oui, canaille ?

- Tany a dit que je pouvais aller à l'école du village si tu veux bien, tu veux bien ?

Sa voix respire d'espoir. Axel sourit. Elle a commencé dès le début de leur fuite à lui enseigner les fondamentaux, ça distrayait la fillette, lui donnait une occupation, quelque chose à quoi penser. À seulement six ans, Maddy sait déjà parfaitement compter et est bilingue, avec quelques bases dans des langues secondaires. Elle trouve amusant le fait de parler différemment des autres. Son aînée doute que le ou la professeur a un niveau suffisamment haut avec ses élèves mais l'enfant a besoin de contacts humains, surtout de celui de jeunes de son âge.

Elle tapote le nez de la fillette.

- Bien sûr, ma chérie, tu peux.

Maddy passe les bras autour du cou d'Axel et, l'air heureux, plaque un bisou sur sa joue.

- Merci merci merci mon Axel !

Glissant à terre, elle s'enfuit rejoindre ses nouveaux amis à la table des enfants. Tanysha donne un léger coup d'épaule dans celle d'Axel, taquine.

- Alors, tu me racontes ta journée ?

- Hein ?

- Je vois bien les regards doux que toi et Joli Cœur vous vous échangez. Je suppose donc que la conversation s'est bien passée ?

- En effet.

Axel n'en dit pas plus. Son amie se tourne vers elle et remarque son visage rouge. Elle s'esclaffe.

- Pas si innocente que ça la conversation ?

- Tany !

La blonde arbore un air offensé mais elle ne peut s'empêcher de rire à son tour. Tanysha se penche en avant et chuchote :

- Vous l'avez enfin fait ?

L'hilarité de son amie reprend de plus belle. Elle repousse le visage de sa voisine.

- Tu ne penses vraiment qu'à ça ou tu aimes juste ton rôle d'entremetteuse ? Et pour te répondre, même si ce ne sont pas tes oignons, non, car nous sommes capables de parler, contrairement à toi apparemment.

- Je m'assure juste que mes très chers amis vont bien, profère Tanysha avec le ton emprunté d'un professeur.

Son air faussement sérieux vole vite en éclat. Axel se redresse sur sa chaise en contenant un nouveau rire. Elle lisse le devant de sa chemise.

- Bref. Et si tu me parlais de demain plutôt que de te mêler des affaires des autres ?

Tanysha soulève une mèche de cheveux sombres pour mieux voir son amie.

- Avec plaisir, trésor. Mais sache que tu es très pudibonde pour une fille de ton âge.

S'adossant à son siège et coupant sa viande, elle reprend :

- Demain, toi aussi tu fais ta rentrée.

- Je vais voir quel rôle me convient, rectifie la jeune femme.

- Ça revient au même, s'amuse sa voisine, tu vas essayer des trucs et apprendre d'autres choses. En quoi est-ce différent ?

- Vu de cette manière, c'est sûr que...

- Ha ha !

- Arrête de bouger comme ça tu vas mettre de la semoule sur la table.

- Gna gna gna, grimace Tanysha avant de rire quand le poing d'Axel atteint son épaule.

Cette dernière pose les coudes près de son assiette et pose la tête sur ses paumes ouvertes. Elle fixe son amie.

- Tu peux me rappeler ce qu'il y a comme boulots par ici ?

- Il y en a beaucoup.

Tanysha enfourne une bouchée et la mâche consciencieusement pour se donner le temps de réfléchir.

- Comme on ne fait rien venir de l'extérieur si ce n'est ce qu'on ne peut faire nous même, on tisse nos propres tissus. Du coup on a... des tisserands évidemment, qui les font, mais aussi tous les rôles d'avant, donc la culture du coton et du lin, la récolte, la purification, le filage. Vu que ça ne demande pas grand chose comme compétence une fois qu'on sait faire, on tourne tous pour ces rôles car ils sont pénibles et ennuyants. Pareil quant aux cultures alimentaires. On a... Du maïs et du blé principalement. Plus des patates et plusieurs grands potagers. Plus loin dans la vallée, je ne pense pas que tu y es déjà allée, on a notre propre petite ferme.

Elle compte sur ses doigts pour ne rien oublier.

- Des vaches pour le lait et la viande, principalement, mais aussi des moutons, pour leur laine et un certains nombres de cochons. Plus... deux ou trois chèvres et quelques chevaux pour quand on doit arpenter la montagne avec les troupeaux. Tu sais, pour éviter la pollution sonore. Et la pollution tout court. Ce n'est pas parce que l'Organisation sait qu'on est là qu'on doit leur agiter un drapeau rouge sous le nez. Bref. Du coup on a bien évidemment des gens pour s'occuper des bêtes, mais la plupart du temps, ils sont assez fixes sur leur rôle. Euh... Il manque quoi déjà ?

Tanysha ferme les yeux.

- Je suis sûre que j'oublie des trucs. Ah ! Si ! Évidemment, quelques administrateurs pour gérer les stocks, et aussi des liants, qui s'occupent des liens que l'on entretient avec dehors et notamment avec les externes. Tu sais, ceux qui veillent de l'extérieur à ce qu'il ne nous arrive rien et qui gardent constamment des documents de l'Organisation avec eux, pour qu'elle ne soit pas tentée de nous faire du mal. Ou sinon, à ses risques et périls ! Oh et puis on a des médecins, des techniciens divers, ce genre de trucs. Des questions ?

Axel lève la main comme une élève appliquée, retenant un sourire.

- Tu noies toujours les nouveaux sous une pluie d'informations ou c'est mon privilège ?

Tanysha éclate de rire et serre son amie dans ses bras.

- Ton privilège.

Je croisai plusieurs fois Dame Tanysha dans les jours qui suivirent. Je me faisais un devoir d'éviter son regard et elle ne cherchait pas à capter le mien, se contentant de passer à côté de moi. Quelques fois, j'étais démangée par l'envie de lui parler de mes doutes. Après tout, qui mieux qu'elle aurait pu les comprendre ? Mais chaque fois, je restais prisonnière de mes propres idées. On ne trahit pas facilement une éducation de toujours. Pourtant, quelques semaines plus tard, je fus amenée à participer à une nouvelle mission avec elle.

Dans la voiture qui nous amenait sur les lieux, le silence régnait. Dame Tanysha était assise dans son coin, plongée dans un nouveau livre. Je fixai le profil de la Main qui nous conduisait. Son visage me disait quelque chose sans que je ne sache le situer. La voix de Dame Tanysha s'éleva dans l’habitacle, me faisant sursauter :

- Je te présente Antoine.

Le visage toujours figé, la Main inclina doucement le chef sans quitter la route de ses yeux sombres. Une lumière s'alluma dans mon esprit. Le garçon que j'avais heurté par deux fois dans le Logis ! Ainsi il avait si rapidement grimpé dans les échelons qu'il pouvait déjà accompagner des missions. Il devait être doué. Je tournai la tête vers Dame Tanysha mais la sienne était penchée sur le livre, concentrée. J'étais perplexe : pourquoi cette prise de parole ?

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 3 versions.

Vous aimez lire Jo March ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0