D’aussi loin que je m’en souviennes, je n’ai jamais trouvé le sommeil facilement. Toute petite déjà, de terribles maux de ventre m’empêchaient de m’endormir. Je tenais ma mère éveillée jusque tard dans la nuit : elle me chantait de jolies chansons, me racontait de belles histoires et me caressait tendrement le ventre… mais rien n’y faisait. Les bras de Morphée ne m’accueillaient que lorsque la fatigue devenait trop grande pour que mon cerveau ne puisse y résister.

Et puis un beau jour, tout cela est devenu normal. Je ne me demandais plus pourquoi je n’arrivais pas à dormir : c’était une habitude. Mes parents ne me questionnaient plus sur mes inquiétudes et mes peurs non plus, ils avaient prit le pli, comme moi. On avait tous les trois appris à vivre avec, on avait trouvé un rythme et cela paraissait banal.

Alors j’ai grandit ainsi. Sans jamais chercher à changer quoi que ce soit. Avec le temps, j’ai même appris à tirer partie de ces insomnies — à leur trouver une utilité, une raison d’être et de perdurer. Je me souviens qu’à une époque, je m’estimais chanceuse de ne pas réussir à dormir car j’avais plus de temps dans ma journée que les autres enfants. N’est-ce pas profondément triste ?

Tout doucement, stress et anxiété se sont immiscer dans mes moindres faits et gestes; dans chacun de mes soupirs et chacune de mes pensées. Omniprésents et oppressants. Mais là encore, j’ai réussi à leur trouver une utilité, à leur insuffler de l’intérêt et à leur conférer des avantages. Jusqu’au jour où j’en suis venue à penser que sans mes insomnies, sans mon stress, mon anxiété et mes angoisses… je n’étais pas performante. Que sans eux, je ne m’en sortirai plus : que tout cela était indispensable à ma réussite; à ma survie, aussi. Et finalement, sans m’en rendre compte, je n’ai pas seulement accepter de vivre avec mais j’ai choisi de ne jamais chercher à m’en débarrasser. C’est probablement à ce moment-là, que tout a basculé. Et que mon autodestruction a commencé.