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Je ne saurai pas vraiment dire à partir de quand j’ai commencé à douter de tout et à craindre le pire en toute circonstance. A l’instant même où j’ouvrais les yeux, le matin, j’imaginais ce à quoi ressemblerait ma journée. Et le soir, je passais des heures entières à la rejouer et à imaginer ce que j’aurai pu faire différemment, et à ce que cela aurait bien pu changer. Toute petite déjà, j’analysais le comportement de celles et ceux qui m’entouraient, et j’essayais de m’y adapter au mieux, en permanence. Je me triturais le cerveaux, continuellement, en quête d’idées pour répondre aux exigences de tout à chacun. Parce que je ne voulais pas être seule; je ne voulais pas finir seule. Je n’avais pas cinq ans, mais je redoutais l’instant où je serais seule. Abandonnée. Sans personne avec qui jouer, avec qui parler et rire. C’est incroyablement déconcertant pour une enfant de cet âge.. mais c’est tristement vrai.

En primaire déjà, je vivais au gré des sautes d’humeur de celle que j’appelais ma meilleure amie. Le fait est que ce n’était qu’une gamine pourrie gâtée, qui changeait de copine comme de chemise. Un jour elle ne voyait que moi et le lendemain, c’est à peine si j’existais. Mon quotidien était alors rythmé par ses caprices. Elle faisait la pluie et le beau temps, tantôt responsable de mes rires les plus fous et tantôt la source de mes larmes de crocodiles. J’entends encore ma mère s’agacer de me voir pleurer tout mon sous pour elle : « Mais impose toi, bon sang ! Tu vaux mieux qu’elle ma chérie, montres lui que tu te fiches bien de l’intérêt qu’elle te porte ou non ! »… et ce n’est que bien plus tard, aux portes du collège, que j’ai su saisir mon courage à deux mains pour le lui prouver. Et pour mettre un terme à son emprise sur moi.

Au collège, justement, mon incapacité à faire passer mon bien-être avant celui des autres m’a mener à des situations impossibles, où je terminais inlassablement perdante. Quand mon meilleur ami et mon petit ami ont commencé à se chamailler, j’ai vainement tenter de tout arranger… et j’ai finis par y perdre le dit petit-copain, qui a par la suite fait de ma vie un véritable enfer, car blessé. Ma volonté d’aider tout le monde m’a attiré bon nombre d’ennuis, heures de colle et exclusions à l’appui. Et ainsi se résume ma vie : une robin des bois des temps modernes, qui ne pense jamais à elle et qui enchaîne les faux-pas qu’on ne lui pardonne pas. Moi, élue miss univers du pardon, j’ai appris à mes dépends qu’on peut pardonner les pires horreurs à nos amis, sans qu’ils nous renvoient forcément la pareille.

Au lycée, j’en suis même venue à cacher mes sentiments et mon histoire d’amour naissante à mes amies pour ne pas blesser l’une d’entre elles. A l’arrivée, tout m’est retombée dessus : la dite copine n’a jamais pu me le pardonner, mais les autres non plus et je me suis retrouvée seule.

Finalement, je crois que je n’ai jamais vécu autrement qu’à travers les attentes d’autrui, privilégiant systématiquement le bien-être des autres au mien. J’ai toujours sacrifié mes sentiments, mes émotions, mes envies et mes besoins pour ceux de mes amis. Acceptant de souffrir le martyr, si cela permettait à l’un d’eux de sourire de toutes ses dents. Et d’aussi loin que je m’en souvienne, rares sont ceux qui m’ont jamais connu telle que j’étais réellement. Parce que la peur de décevoir et la peur de l’abandon étaient plus fortes que tout — plus fortes que moi.

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