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Libéré. Délivré.

Quand la porte de la cafétéria Herbert West Student Union se referme derrière vous, elle ravale sa brume, comme un fumeur ravale sa volute, avant de la recracher en ronds de fumée.

Le rond de fumée, c'est vous. Et vous allez maintenant polluer le parc de l'université.

La nature, c'est bien. Soi-disant. Vous, ça vous agace. Déjà, ça déborde de partout ; en poussant, c'est comme si ça vous poussait ; ça ramène vos allergies, rien que d'y penser déjà votre nez grimace ; c'est trop boueux l'hiver, harcelant de pépiements au printemps, trop clair l'été, trop encombré de feuilles mortes en automne ; les étudiants aiment y piqueniquer, ce qui est insupportable ; enfin, les insectes y pullulent, ce qui vous terrifie, car vous êtes maudit.

Oui, vous êtes maudit. Vous en êtes convaincu, malgré votre degré élevé de pragmatisme scientifique. Le petit Billy Kimwell, ce sale gamin de huit ans, vous a un jour jeté un sort parce que vous aviez refusé de faire son devoir de math à sa place. L'éthique, ça ne paie pas toujours. Il avait proféré sa sentence un beau jour de printemps, comme aujourd'hui. « Ah ça ? Et bien tu verras ! avait-il asséné à vos lunettes réfractant la blancheur du soleil. Tu me le paieras ! ».

A l'époque, vous ne saviez pas trop comment vous alliez « le payer ». Après, vous avez compris.

Oui, car depuis ce jour, ça n'arrête pas. Chaque fois qu'un insecte est dans le même espace que vous, il essaie de s'introduire dans votre oreille ! Ça ne rate pas. À croire que ces maudites bestioles se passent le mot "Hé, z'avez-vu, c'est le fameux Robert Smith ! Allons-y donc voir dans son oreille !" se zonzonnent-ils, les uns aux autres. Un vrai cauchemar, qui vous a poussé à délaisser le monde extérieur au profit du calme intérieur. Ce monde poussiéreux, où l'air ne circule pas et où vous êtes protégé par des tapettes à mouches.

Bref. Rejeté de partout, vous voilà prompt à aller rencontrer la verdure et ses nuisibles. Il faut ce qu'il faut.

Le parc Twisted Ouad, pour le commun des mortels, est un bel endroit. S'il porte ce nom auquel personne ne porte attention, c'est probablement à cause de ces arbre tortueux centenaires qui le peuplent bien moins que parce qu'il attire tous les tordus du coin. Ce titre vous convient très bien, car chaque visite de cette "vallée" - ce Ouad - vous tourmente jusqu'au plus profond de votre âme.

La nature est inquiétante.

Mais elle demeure la plus accueillante en dehors de la bibliothèque, la cafétaria ou votre chambre.

Chambre auquel vous n'avez pas accès la journée, car les Flemmington refusent que vous y restiez en leur absence. Ils sont comme ça les Flemmington. Ils sont confiants envers leur prochain. Même quand il paie.

Donc. Le parc étend ses tortillements devant vous. Déjà un bourdon tente de s'introduire dans votre conduit auditif. Vous l'esquivez, comme d'habitude. Et puis se pose la question :

Où s'installer ?

C'est bien connu, les amoureux se bécotent sur les bancs publiques. Il en est de même ici, en général. Pourtant vous en repérez un, vide. Si vous vous y ruez, tracez les nuages de pollen jusque là au 50

Si vous voulez prendre des risques, vivre dangereusement, allongez vous dans l'herbe au 51

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