chapitre 10 - Jay

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Éva me regarde avec ses grands yeux marron puis baisse rapidement la tête. Je sais que je plais aux filles, mais savoir qu'Éva me mate à un goût différent pour moi. Elle a toujours clamé haut et fort qu'elle détestait les mecs dans mon style. Elle a toujours été intéressée par des mecs genre intello, propre sur lui, réservé, gentil. Le type de mec où tu sais tout de suite où tu vas. Sauf qu'à chaque fois, elle est tombée sur des enfoirés.

Elle ne mérite pas de souffrir et c'est pour ça qu'on doit éclaircir ce qui s'est passé entre nous. Je ne veux pas qu'Éva change d'attitude avec moi juste parce qu'on a passé un peu de bon temps ensemble.

On marche côte à côte, elle devant vers moi, un peu en retrait. J'ai tout le loisir d'observer son léger déhanchement. Elle est délicieuse, ses formes sont parfaites, moulées dans son jean avec son t-shirt ajusté. Elle est habillée sans artifice, mais reste torride. Je n'arrive pas à détacher mon regard de ses fesses quand elle monte les marches d'escalier.

- Arrête de mater mon cul, ok ?

- Je fais ce que n'importe quel homme ferait devant un si beau fessier, dis-je en prenant un ton innocent.

Elle soupire pour toute réponse et on rentre dans l'immeuble, pour s'engouffrer dans l'ascenseur. Je surprends le regard d'Éva sur moi. C'est vrai que l'espace est petit, mais les multiples miroirs collés au mur me donnent une excellente vue sur elle, et j'ai bien vu cette lueur dans ses yeux.

- Tu me reluques, mouton ?

Elle se mord la lèvre et plisse les yeux, tout en m'assassinant du regard. Je ne sais pas pourquoi, j'adore la faire enrager.

- Je ne te regardais pas.

- Tu me dévorais des yeux, je réplique pour la taquiner, et le regard de tueuse qu'elle me lance me donne bien envie de continuer.

Pour le coup elle rougit jusqu'aux oreilles de cette jolie couleur rose sur sa peau hâlée.

Je joue un jeu dangereux et ce n'est pas du tout le chemin que je voulais prendre pour cette conversation... mais j'adore la provoquer.

- Que cela soit bien clair. Je ne suis pas attiré par toi ! vocifère-t-elle en se précipitant hors de l'ascenseur. Ce qui s'est passé entre nous était un moment d'égarement ! Je n'aime pas ton ego surdimensionné, comme tes muscles, tes mains, tes lèvr...

Elle se coupe dans sa phrase, expire brusquement et reprend.

- Il n'y aura rien entre nous, ok ? Nous deux, c'est impossible.

Un point pour elle, mais elle a beaucoup trop dévoilé de ses sentiments, et franchement, ça me galvanise. J'adore lui faire perdre son assurance.

- J'ai des souvenirs bien nets de ce moment et j'ai pas la même version, dis-je en m'approchant d'elle, la bloquant contre la porte.

Son souffle se fait plus court et je la sens se tendre. Il suffirait que je la touche pour que l'élastique craque et qu'elle sombre, mais je ne le ferai pas, car c'est la sœur de mon pote.

- T'inquiètes pas mouton, dis-je en faisant exprès d'utiliser ce surnom qu'elle déteste tant. Je vais éviter que tu ne deviennes accro à ça, dis-je en montrant mon corps.

- Tu ne t'es jamais pris de râteau, Jay ?

- Un quoi ? Je demande en me penchant vers elle. Désolé, je ne fais dans le jardinage, mais plutôt dans le ramonage, ajouté-je avec un sourire salace.

- Je ne veux pas en savoir plus, ok ?! Rassure-moi, tu as décalé ton train à quand ?

- Tu veux déjà te débarrasser de moi ?

- Je veux juste ne pas finir en taule pour homicide involontaire. Tu es juste... vraiment...

- Beau ? Incroyable ? sexy ?

- Insupportable ! Et un accident est si vite arrivé Jay, me dit-elle avec un sourire espiègle.

- Tu t'en prendrais à mon corps ?

- Laisse tomber, soupire-t-elle en levant les yeux au ciel, dis-moi juste quand tu pars.

- Mon billet n'était pas échangeable. Il faut que j'en prenne un autre.

- ok ! Et bien, t'as pas grand-chose à faire, là ? Si tu en faisais ta priorité de la journée ?

- là, tu me vexes, mouton !

- à d'autre... tu as un ego trop surdimensionné pour être vexable.

- Tu me comprends tellement bien, lui dis-je en faisant un clin d'œil.

Elle lève de nouveau les yeux au ciel en poussant un profond soupir faisant lever sa poitrine pressée dans son t-shirt.

- Je vais prendre une douche, tu nous prépares quelques choses à manger ?

Ma belle métisse lève un sourcil amusé.

- Vraiment ? Tu me prends pour ta mère, Jay ?

- Quoi ? réponds-je faussement vexé. Je m'en vais bientôt. Tu peux bien faire ça pour un vieux pote. Si j'étais en état, je cuisinerais volontiers pour toi, mais là je pue le fennec.

- t'as raison, dit-elle en plissant le nez, ça pue.

- j'aurai sûrement besoin d'aide pour la douche !

Je désigne ma cheville plâtrée avec un sourire confit.

- trouve-toi une pouliche blonde qui serait prête à le faire.

- D'habitude, j'en ai toujours une à portée de main, mais là je fais dans le mouton, et celui-ci est du genre récalcitrant.

Elle m'adresse son majeur pour toutes réponses et se dirige vers la cuisine. Je rigole devant son air outré et vais dans la salle de bain. Je rentre dans la pièce et reste quelques secondes tétanisées. Je remercie le ciel d'avoir eu une douche a prendre et qu'Éva n'ait pas eu à voir ça. Écris en caractère majuscule sur le miroir avec un rouge à lèvres parme " Pute ! suceuse ! Tu vas crever !"

Une personne en veut à Éva et cette personne a un double des clés de Q. Rapidement, j'efface le message et réfléchi à toute vitesse. Se pourrait-il que ça soit une groupie de Q qui ignore que Éva est sa sœur et non sa nouvelle petite copine ? Cela ressemble bien à une de ces dingues de filles qui suivent le club. En tout cas celle-ci est vraiment complètement frappée. Un seul détail me tracasse, car jamais Q n'aurait laissé un double de ses clés à un plan cul... et il n'a que des plans cul. Je dois dès que possible téléphoner à Q pour en avoir une explication.

***

Éva

Je fulmine alors que je rentre à mon tour sous la douche. Cet imbécile a décidé de rester et pourquoi ? Parce qu'il a deux ou trois trucs à faire à Paris. Je vois très bien les trucs qu'il a à faire : me pourrir la vie et baiser deux, trois pétasses. Ce n'est qu'un enfoiré d'égoïste. Il ne se rend pas compte des sacrifices que j'ai faits. Je me savonne rapidement, lave mes cheveux et ressors pour manger avec Jay.

- Tu es toujours fâché ? me demande Jay en repoussant une mèche blonde de son visage.

Il les a le plus souvent attachés, soit par un bandeau, soit par un élastique. C'est rare de voir sa tignasse blonde autour de son visage aux traits virils. Mince, il est vraiment canon. Mon coeur redouble d'efforts et je me mets à parler pour oublier mon stress grandissant.

- Je ne comprends pas pourquoi tu veux rester. Je t'ai expliqué que j'avais ma thèse à terminer. C'est très important pour moi !

- Je n'ai pas l'intention de t'importuner, tu ne remarqueras même pas la présence !

Je lui offre un haussement de sourcil pour toute réponse. Avec son mètre quatre-vingt-dix de muscles, il est impossible de ne pas remarquer Jay, mais jamais je ne lui avouerai ça. Il s'en vanterait trop.

- De toute façon je n'ai pas le choix, je réponds en soupirant.

On débarrasse le délicieux poulet au coco que j'avais préparé dans l'espoir d'amadouer Jay. Je me suis souvenu que c'est son plat préféré.

- Merci pour le repas. Tu commences à surpasser ta mère.

- Elle a enfin voulu me donner ses ingrédients secrets quand je lui ai dit que tout le monde trouvait mon poulet coco infect. La réputation de la famille était en jeu.

Il pose sur moi ses yeux verts qui me parcourent comme une caresse. Jay m'a toujours fait cet effet-là et je sas qu'il fait cet effet-là à toutes les filles. Sauf que moi je suis trop fleur bleue, trop amoureuse et je ne m'en remettrai pas si Jay me brise le cœur. C'est surtout pour ça que je veux qu'il s'en aille.

Avec un soupir, je vais me brosser les dents. Jay me rejoint quelques minutes après. J'essaie de ne pas prêter attention à son corps si imposant plié en deux à côté de moi. Je pose ma brosse à dents alors que lui commence tout juste. Voir ce bout de plastique remplir et parcourir sa bouche fait réagir mon corps. Je deviens folle ! Complètement dingue... Je fantasme sur une brosse à dents. Je tourne les talons et me faufile dans mes draps. Jay revient de la salle de bain et s'installe sur le canapé, éteint les lumières.

Très bien. Une nouvelle nuit dans un même lit serait catastrophique, mais une pointe de déception point au fond de moi.

- Éva, tu dors ?

- Non...

- Je sais que ça te saoule que je reste ici, mais sache que c'est vraiment important, ok ?

- ok...

Je ne comprends pas pourquoi il me dit ça et je ne vois pas ce qui peut être plus important que ma thèse et mon futur job, mais il est trop tard et je suis trop fatiguée pour discuter. Je m'endors rapidement d'un rêve peuplé de bouches aux lèvres sexy et de brosse à dents.

À mon réveil, une douce odeur de café me chatouille les narines, semi-cotonneuse je me lève et vois Jay afféré à préparer notre petit déjeuner.

- J'espère que tu as faim, me dit-il en retournant un pancake dans la poêle.

- Je t'avais pas dit que je ne déjeune jamais le matin ?

- Ce n'est pas le souvenir que j'avais de toi.

- Les gens changent, tu sais.

- Je vois ça...

Mais l'odeur du café est trop tentante. Je prends mon mug, me verse une bonne rasade du liquide noir fumant et le porte à mon visage en le humant de plaisir, lorsque j'ouvre les yeux et vois Jay qui m'observe un sourire moqueur aux lèvres.

- Qu'est-ce qu'il y a ? Dis-je un tantinet agressive.

- Rien. Tu es sûre que tu ne veux pas goûter aux pancakes ?

Je soupire. Il s'est vraiment donné du mal pour préparer ce petit-déjeuner.

- T'as de la chance, j'ai horreur de gâcher, je réponds en mettant deux pâtisseries dans une assiette.

On dévore ensemble. J'observe Jay et me demande à quoi il joue. Il s'impose ici puis prépare le petit déjeuner pour se faire pardonner. Un coup d'oeil à l'horloge du micro-ondes m'indique que je suis en retard. Je file dans la salle de bain pour me préparer et en ressors dix minutes après, prêtes.

- à plus, lui crié-je en claquant la porte.

***

Jay.

Il faut procéder par étapes.

J'ai expliqué brièvement la situation à Q, sans lui parler des menaces au fond de la culotte de sa grande soeur. Il aurait carrément pété les plombs. J'ai un peu censuré mon histoire, je voulais juste qu'il me donne l'adresse de Luc. Malgré cela, il a longuement hésité sauter dans un avion pour me rejoindre, mais il n'aurait pas pu être là avant plusieurs jours. J'ai dû le raisonner, car Q est un sanguin. Il a tendance à foncer tête baissée, des fois, ça fonctionne, et d'autres pas.

Moi, la vie m'a appris à peser chaque geste, chaque mot. Alors ce qui s'est passé avec Éva était de la pure folie, une totale perte de maîtrise. Dormir avec elle était une première mauvaise idée, et de la caresser était une autre foutue erreur.

Depuis toujours j'évite de faire une connerie avec Éva, un truc que je pourrai regretter. Q est mon meilleur pote. J'adore sa famille, et je ne veux pas leur faire du mal. Je n'ai pas de temps à consacrer à une histoire d'amour. Mais ce soir-là, elle avait besoin de moi.

***

Enfin arrivé devant le fameux immeuble, je monte quatre à quatre les marches, impatient de régler cette affaire. Je sonne. Aucune réponse. Je sonne de nouveau quand la porte s'ouvre sur un mec suintant l'alcool et portant encore ses vêtements de la veille.

- T'es qui ?

- Le nouveau mec d'Éva.

Ouais, ça m'est venu d'un coup, mais je suis plutôt satisfait du résultat quand je vois sa réaction.

Il me toise quelques secondes et son visage se durcit.

- Elle n’a pas perdu de temps, cette salope.

Je le prends au col et le plaque contre la porte. Son dos percute violemment le bois et il pousse un juron de douleur.

- Je n'aime pas ta façon de la harceler. Tu vas arrêter tes conneries, ok .

Je resserre ma poigne et il grimace.

- Je ne vois pas de quoi tu parles, mec.

Je ne crois pas un mot de ce qu'il me dit.

- Tu vas t'éloigner d'elle et ne plus chercher à la revoir, ok ?

Il hoche la tête et je relâche ma prise. Il se laisse aller contre la porte en se massant le cou, là où une trace rouge apparait.

- Écoute, ça fait des semaines que je n'ai pas vu Éva. Elle est venue récupérer ses dernières affaires le mois dernier, et j'ai bien compris que tout était fini. Je ne suis pas le genre à courir après les filles, c'est plutôt le contraire, ajoute-t-il avec un sourire entendu.

- Tes histoires de cul ne m'intéressent pas. Laisse Éva tranquille !

- Je ne sais pas ce qu'il lui arrive, mais ça ne me concerne pas. J'ai rien à voir dans tout ça.

Il a l'air sincère.

Cela me pose un nouveau problème. Si ce n'est pas ce petit con qui harcèle Éva, alors qui ?

***

Je lui ai promis de partir et finalement je reste. Je me frotte le visage, agacé. Elle me déteste, c'est sûr, alors que je fais ça pour elle. Pour la protéger d'une ou d'un taré(e), qui ne rêve que de mettre sa tête sur une pique. Elle a sa thèse à finir et elle a vécu une récente rupture. Je ne souhaite pas l'angoisser davantage. Déjà, il faut que Q me dise à quelle dingue il a laissé ses clés. Je regarde l'heure. Il doit être en train de se préparer pour l'entraînement. Comme j'aurais aimé être avec lui. Je lance l'appel sur mon téléphone. Q répond de suite.

- yo! Deux appels en moins de deux jours ! Je commence à te manquer, mec ! Comment va ta cheville ?

- ça va. Je pense pouvoir enlever le plâtre bientôt et commencer la rééducation.

- Super mec, avec les gars on t'attend. Tu vas courir plus, pomper plus.Tu vas en chier. Prépare-toi,mec ! Du coup, tu reviens quand ?

Ok, c'est le moment de tout lui avouer.

- Je reste ici, dis-je après un moment d'hésitation. Chez toi, avec ta sœur.

- Allez balance, tout. Ça s'est mal passé avec l'autre demeuré ? Je prends un avion et je viens lui exploser le crâne moi-même !

- Garde ton calme,Q. Je ne pense pas que ça soit l'ex, mais il se passe des trucs bizarres dans ton appart. Quelqu'un a le double de tes clés. Je veux savoir à qui tu les as laissés.

- Uniquement a des personnes de confiance ! Tu me prends pour qui ? Il n'y a que toi, Éva et ma voisine qui avez un double. Ma voisine, Jacqueline est une vieille dame à la retraite et garde une clé au cas où je perde la mienne. Quand je suis là, je vais lui apporter des courses, lui faire un peu la conversation. Elle est plutôt cool. Je ne la vois pas vous faire des ennuis.

- C'est peut-être une groupie, une fille que t'as rencontrée et qui n'aura pas supporté que ça soit fini entre vous. Après je me demande comment elle a eu un double de tes clés ?

- Aucune idée. Mais ça me fait flipper qu'il y ait un double de chez moi qui circule surtout si le ou la propriétaire de cette clé visite mon appart sans mon accord. Je prends le premier avion et arrive demain.

- Ne fais pas le con ! Tu es en pleine saison et je suis là pour assurer tes arrières. Je veillerai sur ta sœur et je vais coincer celui qui a fait ça.

- C'est un truc de dingue, Jay. T'es comme un frère. S'il arrive quoique ce soit ma sœur je ne me le pardonnerai jamais. Jure-moi de prendre soin d'elle. Surtout, tiens-moi au courant et s'il y a quoi que ce soit, je rapplique.

J'entends un brouhaha à l'arrière.

- L'entraînement va commencer Jay.

- ok.

- Merci, mec. Je te laisse.

Après avoir raccroché. Un pressentiment me dit que je vais devoir rester là un plus longtemps que prévu. Éva va être furieuse.

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