Handler: SILV

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La lumière redevient rouge.

Je lâche un petit cri, cette fois-ci, c’est la bonne. Je me colle de nouveau contre le mur, j’ai déjà le souffle court et les joues rouges. Un pan un peu en dessous du milieu de la porte s’ouvre. Large d’un peu plus d’un mètre et haut de vingt centimètres, un plateau se déplie, formant une table suspendue au mur.

Je dois me rappeler de respirer, tellement je retiens mon souffle. Ça y est, la porte à cesser de bouger. De l’autre côté, j’entends des froissements d’étoffe et le bruit étouffé d’un métal qui grince. Il vient de s'asseoir, j’en fait immédiatement de même.

Assise sur un tabouret, mon cœur est au bord de ma cage thoracique, tout prêt à éclater d’anticipation, je me retiens de me pencher pour regarder à travers l’ouverture. Si celle-ci est trop basse pour que j’aperçois la personne derrière, je peux tout de même voir un bout de la table de l’autre côté de la porte.

Puis, enfin, sa voix surgit sans crier gare.

– Bonjour.

Mes sens prennent un moment pour encaisser ce simple mot. La voix grave qui le porte vient m’effleurer avec ce mélange de délicatesse et de fermeté. Calme et précise, chaque lettre est un bonheur à écouter et me laisse affamé pour plus. Je sens mes lèvres qui s’agitent, qui cherchent les mots d’usage bégaient et cherchent quelque chose d'intelligent et de subtil.

– Hey.

J’ai envie de me fracasser le crâne contre le mur.

J’entends les froissements d’étoffe alors qu’il change de position. Il doit être large d’épaule, je décide, avec sur le dos très certainement un costume parfaitement ajusté. Après tout, en tant que plus-un, il doit avoir accès à tout ce qui faut pour faire de l’exercice et avoir des vêtements taillés pour lui. Une série de sons me ramène à l’instant présent, je me remets juste à temps pour rattraper une de ces remarques.

- J'ai entendu dire que tu avais marqué un très bon score aujourd’hui. Mes félicitations.

Il sourit. Je pense. Ça rend l’éloge d’autant plus savoureuse. Je rougis jusqu'à n'en plus pouvoir, encore une fois mon thermostat interne doit exploser. Et puis, il sait, il s’est renseigné sur moi avant de venir, il a fait attention à moi. Sur le moment, je me dis que j’ai réussi ma vie, si c’est pour qu’un homme comme ça me félicite.

Puis il avance l’une de ses mains. Aussitôt mon attention se déconnecte. Il a une main toute fine qui sort du bout d’une chemise blanche cachée sous un costume beige, sa peau à un teint chaud et plaisant au regard. Sublimé en plus par une lourde et élégante bague qu’il porte à l’index. Il pose d’abord sa tablette d’admin au contour élégant et fin sur le plasmetal froid et grossier de la table. Ses longs doigts glissent élégamment sur la surface de son écran, délicats comme cinq danseurs rythmiques. Sous eux, il y a la tablette, bien plus petite que ma lourde machinerie de fer et de cuivre qui trône dans un coin de mon bloc, elle renferme pourtant une infinité de pouvoir en plus. A l'intérieur il y a l'accès à tous les protocoles et informations qui régissent cet endroit, en tout cas c’est ce qui est dit sur les patchboards. Mais, même la perspective de voir à l’action un objet qui pourrait changer ma vie d’une touche me paraît dérisoire, à la place, je prends une mesure mentale de la largeur de sa main et la superpose à la mienne. Je déglutit avec difficulté, il pourrait l'envelopper entièrement.

Puis j’entends un mot clef.

– Une… une récompense?

– Exactement, tu as fait du très bon travail et tu sais que nous aimons faire plaisir à ceux qui nous font plaisir.

Il rit. Très légèrement, ça a l’effet d’un petit oiseau qui bat des ailes, j’imagine encore une fois son sourire s’élargir, dévoiler ses dents blanches et parfaitement alignées. Juste au-dessus d'une mâchoire anguleuse. Parfois même sa voix quitte le registre très bas pour revenir un peu plus haut. Peut être est il quelqu’un de fin et élancé au final? Je reviens finalement dans la conversation, quand il donne les détails de cette récompense.

– Cela va faire un moment que tu es avec nous, et tu dois arriver à un âge où tu vas découvrir de nouvelles choses sur toi.

Les restes de mon thermomètre interne viennent de re-exploser. A cette température là, même les ventilos de ma machine ne suffirait pas à faire redescendre la température, et il y a toujours ces picotements en bas de mon ventre que je ne comprends pas.

– Je veux être là pour t’aider dans ces moments.

Il veut m’achever. Il a avancé sa main de quelques centimètres. La bouche à moitié ouverte, je n’arrive pas à quitter des yeux ce morceau de chair si proche. Je me reprends juste à temps pour attraper ma propre main et la coller contre mon corps avant qu’elle ne fasse une bêtise. Les restes de ma conscience parviennent à me reculer sur le bord de mon tabouret.

Mais au fond de ma cervelle, il reste cet océan de certitude, froid et glacé avec ces immenses icebergs qui ne fondent jamais. Il est interdit de toucher un plus-un. Jamais. Enfin, je commence à sentir la chaleur redescendre, refroidie par la véracité que rien de plus qu’une discussion ne peut arriver. Par précaution, je reste quand même au bord de mon siège et tente de reprendre le fil.

– J’ai personnellement fait la demande à ce qu’on t’accorde un nouvel outil. Tu le recevra très bientôt, tu as ma parole. Et quand ça arrivera, amuses- toi bien.

Il m’a fait un clin d'œil, ça j’en suis persuadé, mais surtout, j’entends de nouveau des froissements, il se déplace pour de bon cette fois ci. C’est bientôt terminé. Mon cœur s’écrase dans ma poitrine, et je sens aussitôt les larmes me monter au yeux. C'était beaucoup trop court, comme toujours. Je voudrais bondir sur la vitre et gueuler de toutes mes forces que j’ai droit à plus, que c’est la seule personne à qui j’adresse la parole!

Je me rapproche de la table, j’ose même y poser de nouveau ma main. Petite, mal entretenue. Et d’une voix ridiculement faible, je lui dit: “Merci.” Même ça, il arrive à bondir de mes deux syllabes pour les transformer en or.

– Tu sais que je suis là pour toi, et toi seulement.

C’est décidé, dans peu de temps, j’allais me découvrir.

Puis la table se rétracte et la porte se referme.

Je me retrouve toute seule dans mon univers de plasmétal.

Toute la tension s’en va d’un seul coup, me laissant le souffle court et les muscles en coton. Je m’écroule sur le matelas posé à même le sol, et je me contente de rester là, sans bouger dans mon corps brûlant de cette chaleur qui descend bien trop lentement, alors je l'apprécie, tant que l’euphorie dure et qu’un sourire me reste coller sur le visage sans le moindre effort, je me baigne dans ce sentiment de bonheur.

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