Chapitre 16

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Les premières neiges étaient tombés beaucoup trop tôt dans la vallée, et même si la vague de froid perduraient depuis, la neige ne tenait pas plus pour autant sur les sommets environnant et les vieux du coin voyait ses premières neiges tomber à la mi-octobre comme un mauvais présage. Un hiver froid se préparait et si les neiges tombaient aussi tôt dans l'année même sans tenir... Ce n'était pas bon pour la saison à venir. Talia n'avait jamais trop prêter oreilles à ses vieilles peurs, pourtant depuis quelques temps, elle avait le sentiment que les choses allaient tourner au vinaigre. Comme toujours, elle était plus mélancolique à l'approche de la date de son anniversaire mais surtout de l'anniversaire de mort de ses parents... Sa mère et sa tante étaient décédée le 30 Octobre il y avait onze ans... et son père était mort exactement un an plus tard. Elle n'était donc pas forcément joyeuse et n'avait pas non plus hâte de « célébrer » son anniversaire. Elle n'avait pas forcément parler de ça à ses amis, ni même à Mickaël, Alban devait sûrement être au courant, mais elle n'avait rien dit. Ce matin-là en se levant, Talia avait une boule au ventre, les yeux brûlants de larmes. Elle prit les premiers vêtements qu'elle trouva dans son armoire avant de descendre et de crier qu'elle sortait sans même prendre le temps de manger un morceau ce qui était totalement inhabituelle chez elle. Cela inquiéta Alban mais il n'eut pas le temps de demander quoi que ce soit à la jeune femme qu'elle était déjà parti.

Talia se rendit à pied au cimetière après avoir pris le temps de s'arrêter chez un fleuriste prendre quelques fleurs. Elle s'engagea dans les allées, le cœur lourd. Elle s'arrêta ensuite près des tombes de ses parents, et déposa les fleurs à leur intention, les saluant silencieusement avant de faire de même avec celle de sa tante, elle s'assit à même le sol, fixant les tombes des yeux. Elle savait qu'elle n'irait pas en cours ce jour-là. Elle en était tout bonnement incapable, incapable de faire semblant d'aller bien. Et puis avait-elle le droit de s'amuser ? Onze putain d'années qu'elle était orpheline, onze ans que sa mère avait quitté ce monde, pourtant elle se souvenant d'elle avec une précision qui était étrange. Elle n'avait que cinq ans lorsque celle-ci était morte. Certes, elle voyait son esprit, son âme ? Elle ne savait pas vraiment comment appeler cela mais c'était différent, elle ne pouvait pas avoir de contact, pas de baiser, de câlins, elle ne pouvait pas interagir avec eux. Elle ne saurait jamais s'ils étaient fiers de la personne qu'elle devenait. Mais surtout, elle ne les avait plus vue depuis qu'elle vivait chez Alban. Pourquoi ? Pourquoi ne lui rendait-ils plus visite ? Elle avait l'impression qu'il lui manquait quelque chose, une part importante d'elle-même. Elle sentit les larmes couler le long de ses joues sans qu'elle ne puisse les retenir. Elle ne serait jamais comme les autres enfants, comment avait-elle pu penser pouvoir y arriver ? Elle n'aurait jamais de frères et sœurs, ne verrait jamais ses parents à sa remise de diplôme, son père ne la conduirait jamais à l'autel si elle se mariait un jour, sa mère ne lui apprendrait jamais des recettes de cuisine... Elle pensait à tout ce qu'elle avait manqué, tout ce qu'elle manquerait. Elle était juste incapable de faire semblant d'aller bien aujourd'hui. Tout comme elle se savait incapable d'expliquer pourquoi elle était là. Elle espérait juste que personne ne la verrait ainsi, que personne ne la chercherait...

C'était sans compter sur Alban qui s'inquiétait, de Mickaël ainsi que Samira et Samiael. Le tuteur de la jeune femme s'était directement rendu chez Mickaël lorsqu'il l'avait vu partir sans réussir à voir où elle allait. Mickaël ne savait pas, il avait contacter Samira, puis Samiael, mais aucun des deux ne savaient où elle avait bien pu se rendre. Mickaël avait alors questionner Alban, qui s'était finalement rendu compte qu'aujourd'hui était la date de mort de ses parents.

- Ils ont été enterré, dit Alban, elle est peut-être au cimetière. Samira et Samiael qui les avaient rejoint inquiets, ajoutèrent,

- Allons vérifier.

Le groupe se rendit donc au cimetière de la ville et errèrent dans les allées. Mickaël trouva finalement Talia, assise en boule devant deux tombes. Il voyait les larmes couler le long de ses joues, le soulagement le traversa, il envoya rapidement un sms aux autres pour prévenir qu'il l'avait trouver avant de la rejoindre, s'agenouillant derrière elle et l'enlaçant.

- Talia... murmura-t-il. La jeune fille sursauta en sentant et entendant Mickaël.

- Qu'est-ce... qu'est-ce que tu fais là ? Demanda-t-elle d'une voix cassée.

- On s'inquiétait pour toi, on t'a chercher tu sais...

- On ?

- Alban, Samira, Samiael et moi...

- Je... suis désolée... je... j'ai besoin de...

- Sht... dit le jeune homme en la serrant contre lui, il comprenait, cela ne devait pas être une journée facile pour elle, d'autant moins qu'elle ne lui avait jamais donné l'impression d'avoir fait son deuil, elle avait beau avoir grandit sans ses parents... Elle avait l'air de se souvenir beaucoup d'eux, et d'autant plus si elle vivait avec son oncle et que ce dernier vivait beaucoup dans le passé. C'était un peu le sentiment qu'il avait eu de lui, mais il ne voulait pas juger.

Les trois autres finirent par arrivés,

- Talia ! Dit Alban en voyant la jeune fille, tu aurais du me dire que tu voulais venir ici aujourd'hui ! Le soulagement se lisait clairement sur son visage, il avait eu plutôt peur pour la jeune fille.

Talia ne savait plus où se mettre, elle se sentait mal, avait l'impression d'avoir inquiété tout le monde alors que ce n'était pas son intention du moins pas à la base, elle voulait juste être seule. Elle avait toujours été seule, elle ne voulait pas imposer son humeur maussade, triste aux personnes à qui elle tenait.

- Je... Pardon... Je voulais juste être seule, je veux pas... imposer.

- Imposer quoi ? Tu as le droit d'être triste, de vouloir venir sur la tombe de tes parents, tu as tout ses droits Talia, dit Alban, comme celui de vouloir être seule mais la seule chose que je te demande c'est de prévenir, te voir partir comme ça... J'ai imaginé tout et n'importe quoi !

- Pardon..., bafouilla la jeune fille en essuyant ses yeux. Samira et Samiael s'étaient accroupi près d'elle.

- Pourquoi tu ne nous as pas dit que c'était aujourd'hui ? Demanda Samira d'une voix douce.

- Parce que je ne voulais pas... Je n'ai pas envie que vous soyez différents parce que c'est pas un bon jour pour moi...

- Tu as vraiment cru qu'on allait être différent ? Demanda Samiael, t'as cru que j'étais capable de pas faire le con ? J'aurais juste été encore plus sans filtre ! S'exclama le jeune avec un rire.

Talia eut un léger rire, essuyant à nouveau ses yeux. Elle n'avait jamais pleuré devant quiconque depuis des années, elle se sentait pas de pleurer ainsi devant eux, qu'ils l'aient surprise ainsi.

- Ne sois pas honteuse... Même si je n'aime pas te voir pleurer... C'est aussi cela qui te rends humaine p'tit ange, et puis même, c'est pas parce que tu pleures qu'on va te juger ou t'abandonner. Au contraire, on sera là pour toi, moi le premier, lui dit Mickaël, bien conscient qu'elle ne s'était jamais autant laissé alors devant eux. Talia serra les bras de Mickaël qui l'enlaçait, touchée par ses mots.

- Tu veux rester encore un peu ? Demanda Alban.

- Oui... dit Talia, je vais... surement être là toute la journée... dit la jeune fille.

- Tes cours.

- Je n'irais pas en cours.

- Talia...

- C'est pas comme-ci j'étais une mauvaise élève Alban...

- On lui prendra ses cours, dit Samira.

- Et je vais rester avec elle, ajouta Mickaël.

Alban croisa les bras avant de soupirer,

- Bien... Je te ferais un mot mais... Ne reste pas toute la journée ici, il va pleuvoir, dit Alban avant de dire, Samira, Samiael je vous dépose ?

- Si c'est possible c'est pas d'refus m'sieur, dit Samiael avant de regarder Talia, on est là si tu as besoin ok ? Même si t'as ton chéri... Si t'as besoin on est là d'accord ?

Talia hocha la tête remerciant ses amis avant de les regarder s'éloigner. Mickaël desserra son étreinte autour de Talia et lui passant son manteau autour des épaules.

- Mais... tu vas avoir froid, s'inquiéta Talia.

- T'inquiète pas pour ça, la seule qui est frigorifiée ici c'est toi Talia.

Talia serra les pans de veste contre elle alors que Mickaël se réinstallait derrière elle, l'enlaçant à nouveau.

- Parle moi d'eux... demanda-t-il après un moment.

- Que... veux-tu savoir ? Répondit la jeune femme.

- Tout ? Dit-il, Talia resta silencieuse si longtemps qu'il crut qu'elle n'allait pas lui répondre et puis sa voix s'éleva doucement.

- Ma mère s'appelait Catia... elle était institutrice en maternelle... Elle était incroyable... Très douce... Tu l'aurais beaucoup aimé je pense, dit Talia en sentant sa gorge se serrer. Mon père... Alexandre, était chercheur... spécialisé dans les mythes anciens. Je les aimais beaucoup tout les deux... Ils ont été les meilleurs parents du monde, sur le peu de temps que j'ai pu profité de leur présence, dit-elle d'une petite voix, les larmes roulant à nouveau sur ses joues.

Mickaël l'écouta avec attention, la serrant contre lui comme s'il pouvait chasser toute la peine de la jeune femme ainsi. Talia resta silencieuse quelques instants avant de reprendre.

- Ma mère est morte dans un accident de voiture avec ma tante... il y a onze ans aujourd'hui... Mon père un an plus tard... dans l'exposition de son lieu de travail... Un fuite de gaz et une étincelle aurait tout provoquée... dit la jeune fille. Je... Ils me manquent tellement... souffla-t-elle.

- Je suis désolé... murmura Mickaël en enfouissant son visage dans le cou de Talia. Je ne peux même pas imaginer... Je peux juste te dire que je serais toujours là pour toi...

- Ne fais pas des promesses comme ça Mickaël...

- Pourquoi ? Tu as peur que je ne la tienne pas ?

- Tu ne seras pas toujours là... Il y a un jour où tu en auras marre de moi, où je te fatiguerais, je te lasserais...

- Non Talia. Jamais. Je t'aimeras jusqu'à ma mort... Et même là encore je t'aimerais. Je serais toujours là pour toi, tant que tu voudras de moi je serais là Talia.

La jeune femme se retourna dans les bras de son petit-ami, prenant son visage entre ses mains, trop émue.

- Mickaël..., elle déposa un baiser d'une infini douceur, qui contrastait avec tout les sentiments qui tourbillonnait en elle, pourquoi ? Pourquoi moi ?

- Parce que c'est toi, tu es toi, tu m'attires, m'intrigues, il n'y a pas que ton physique qui me plaît, la personne que tu es à l'intérieur aussi, et avec toi... C'est comme une évidence, c'est naturel, j'ai envie de prendre soin de toi, de te rendre heureuse, de te protéger... Tu m'as volé cœur et âme Talia.

Mickaël caressa la joue de sa petite amie, il sentait à quel point elle était émue, sentait à quel point elle était chamboulée parce ce qu'il lui annonçait. Elle se serra contre lui, l'embrassant à de nombreuses reprises. Elle était chamboulée, complètement, ils restèrent un moment, enlacer. Talia lui parla à nouveau de ses parents, racontant des souvenirs, lui expliquant qu'elle les voyait jusque récemment encore sous forme un peu spectrale sans jamais avoir pu discuter avec eux, elle les entendait parler mais ne savait pas s'ils l'entendaient elle. Elle lui raconta les jeux que son père avait fait avec elle, les pâtisseries, tout ce qui avaient bercé sa petite enfance, elle ne savait pas comment elle pouvait s'en souvenir aussi bien, peut-être parce que c'était les seules souvenirs qu'elle avait avec eux ? Après un moment la pluie commença à tomber en petite bruine,

- On ferait mieux de rentrer Talia... Si tu tombes malade c'est moi qu'Alban va... dégommer, dit-il essayant de ne pas trop jouer sur les mots de peur de la froisser.

- Je... d'accord, dit-elle un peu résignée. Elle n'avait aucune envie de partir, mais savait qu'Alban en voudrait à Mickaël. Elle le laissa donc la ramener chez elle, et sentit l'angoisse la gagner au fur et à mesure qu'ils approchaient du lotissement.

- Mickaël... murmura-t-elle

- Oui p'tit ange ?

- Tu... restes avec moi ?

- C'est pas une option, rit Mickaël, je reste avec toi toute la journée, même cette nuit si tu veux.

- Merci...

Le couple descendit de la voiture une fois garée et entrèrent dans la maison de Talia. La jeune fille se dirigea vers la cuisine avant de préparer des chocolats chaud, de sortir du pain d'épice, du beurre ainsi que du pain blanc et du beurre de cacahuète. La jeune fille prépara pour deux, elle était un peu comme si elle était monté sur automate, elle préparait par réflexe mais sans avoir vraiment faim. Elle savait juste qu'il fallait qu'elle mange. Mickaël regarda Talia,

- Tu veux un coup de mains ? demanda-t-il en la voyant s'affairer.

- Non, ça va aller, j'ai presque fini... Tu veux regarder un Miyazaki ?

- Pourquoi pas, tu as quoi ?

- Le voyage de Chihiro ou le château ambulant ça te dit ?

- Château ambulant, je ne l'ai jamais vu.

- C'est mon préféré... dit-elle, avant de finir de mettre de qu'elle avait préparer sur un plateau et se diriger vers le salon avec Mickaël. Elle posa le plateau sur la table avant de lancer le DVD.

Mickaël s'installa dans le canapé avant d'attendre que Talia le rejoigne et de l'attirer contre lui. Il prit la tasse qu'elle lui tendait avant de boire une gorgée, caressant la nuque de Talia. Ils passèrent la journée devant la télé à regarder des films qu'adorait Talia. Mickaël lui en fit découvrir quelque uns de son cru, cela occupa l'esprit de Talia toute la journée, et le soir lorsqu'Alban rentra, ils mangèrent ensemble. Alban et Mickaël meublèrent un peu la conversation Talia, qui habituellement n'était pas bavarde, le fut encore moins, elle les écoutait parler un peu amorphe. Et puis, ils montèrent se coucher. Talia enfila son pyjama après avoir pris sa douche et alla se mettre sur son lit. Elle effleura la photo de famille du doigt, elle était toute petite à l'époque à peine trois ans. Mais c'était la seule photo de famille qu'elle avait avec tout les membres de sa famille. Elle inspira profondément. Ils lui manquaient terriblement. Mickaël s'assit près d'elle, et caressa doucement son dos.

- Viens dormir, tu en as besoin.

- Je sais... Mais je n'ai pas envie de dormir pour le moment, dit Talia.

- Qu'est-ce que tu veux faire, qu'est-ce que tu fais d'habitude ?

- Je lis... mais je ne sais pas...

- Et bien fait comme d'habitude, dit-il, comme si je n'étais pas là.

Talia fronça les sourcils.

- Tu es là, je ne vais pas faire comme si tu n'étais pas là ! Dit-elle un peu indignée, je ne sais pas, qu'est-ce que tu veux faire ?

Mickaël embrassa doucement son cou,

- J'ai bien quelque idée, mais... Je ne pense pas que ce soit le jour pour. Tu veux regarder un autre film ? J'en ai encore quelques uns à te faire découvrir.

- D'accord, dit Talia en allant chercher son ordinateur, elle l'installa sur le lit entre eux et laissa Mickaël lancer le film. Le dernier Samouraï ?

- Oui, tu ne l'as jamais vu ? Demanda le jeune homme surpris

- Non, tu sais je regardais peu la télé, et le peu de film que je connaissais je l'ai vu parce que ce sont des choses que l'on m'a conseiller.

- Et bien, je vais te le faire découvrir !

Ils regardèrent son ordinateur jusque tard dans la nuit, Mickaël se tourna vers Talia et la regarda avec tendresse avant de dire,

- Joyeux anniversaire Talia...

- Mais...

- Il est minuit, nous sommes le 31 Octobre, joyeux anniversaire p'tit ange.

Talia le remercia un sourire doux se dessinant sur ses lèvres, avant de l'embrasser avec tendresse.

- Merci Mickaël... murmura-t-elle, en l'embrassant à nouveau. Merci pour tout.

- Il n'y a pas à me remercier.

Talia se serra contre lui, l'enlaçant avec beaucoup de tendresse. Mickaël déposa l'ordinateur sur la table de nuit avant de serrer Talia contre lui. Il l'embrassa avec tendresse, la câlinant

- Dors je suis là...

- Bonne nuit Mika, murmura-t-elle se serrant contre lui, la fatigue la frappant avec force.

Mickaël la regarda dormir, attendri avant de finalement s'endormir à son tour en caressant le dos de la jeune femme.

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