11 Le crépuscule

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Quelques jours plus tard, l’incertitude berçait toujours Olivia. Se confier à Victor ne l’avait pas éclairée. Pour la première fois, elle regrettait même de lui avoir avoué son secret. Depuis, il s’était refermé, ne lui parlait plus aussi assidûment qu’avant, et était bien plus distrait. Pour sûr, quelque chose avait changé.
Même le doux air du mois de mai n’arrangeait rien. À cela s’ajoutait l’angoisse due aux examens qui approchaient, ainsi qu’à l’enjeu du choix de sa scolarité future. Les parents de la jeune fille avaient remarqué son attitude très tendue de ces derniers temps, mais ils ne se doutaient pas le moins du monde de ce qui tourmentait leur enfant. Elle était de nature très fermée, au grand dépit de ses parents qui auraient tant aimé connaître ses tourments et ses chagrins. Mais Olivia continuait de garder tout cela au fond d’elle, et d’autant plus maintenant qu’elle avait éraflé sa complicité avec Victor.

Un jour, il vint la trouver à la sortie du lycée. Étonnée qu’il vienne la voir, son pouls commença à accélérer car elle se doutait que cela ne présageait rien de bon. Une fois de plus, elle plongea ses yeux dans les siens mais cette fois-ci elle n’y reconnut rien. Il n’y avait plus d’étincelle, plus de chaleur, plus de compassion, plus de protection. Les yeux noirs de Victor étaient noirs de vide. Troublée, elle attendait une sentence, qui ne tarda pas à s’abattre sur elle lorsqu’il prit la parole :
– Salut Olivia, j’aimerais te parler. En fait, je… je suis désolé. Désolé pour tout. J’ai fait une connerie, on n’aurait pas dû s’embrasser ; on n’aurait pas dû…
Il laissa sa phrase en suspens. Il était très agité et semblait chercher les mots justes.
– Je veux pas te faire du mal, c’est juste que… Moi je voulais juste m’amuser… En fait, depuis le début, je te trouve incroyablement belle et attirante et… Je pense que c’est pour ça que j’ai voulu me rapprocher de toi. Quand on parlait tout le temps, j’ai découvert quelqu’un d’extraordinaire et j’ai adoré nos conversations. Maintenant on est allés trop loin, et comme je me rends compte que je ne veux rien de plus, je me dis que j’ai vraiment déconné. Je regrette pas ce qu’on a fait, ça aussi j’ai adoré ; je regrette juste que tu te fasses des idées. J’ai vraiment pas envie de te blesser, Olivia. Alors il vaut mieux qu’on en reste là. Je suis désolé.
Et il partit, la laissant là, seule. Il fallut un certain temps à la jeune fille pour réaliser ce qu’il venait de se passer. Lorsqu’elle réalisa, le monde s’arrêta de tourner.
Bien sûr qu’elle s’était fait des idées ! Comment le contraire serait-il possible ? Il lui avait tant donné l’impression d’être importante, de valoir quelque chose. Elle l’avait intéressé, il lui avait même fait perdre la tête. Elle lui avait tout confié : son histoire, ses rêves, ses secrets ; elle-même. Et lui partait avec tout cela, il partait avec une partie d’Olivia, sans pouvoir lui rendre quoi que ce soit. Plus qu’une désillusion, c’était une trahison.
Tout tanguait autour de la jeune fille. Elle ne pouvait pas bouger, un seul mouvement risquait de la faire sombrer. Sa vision devenait floue, elle crut qu’elle allait rester dans cet état pour toujours. Et puis un halo de lumière apparut. Elle aperçut, au loin, Camille. Et tout redevint net. Sans réfléchir, elle se dirigea vers elle. Lorsque cette dernière vit le visage blafard de son amie, elle écarquilla les yeux. Sans pleurer, Olivia se jeta dans ses bras. Camille lui caressa affectueusement le dos. Sentir son contact, sa chaleur et son amitié apaisa Olivia. Elles restèrent dans cette position pendant plusieurs minutes. À ce moment, Olivia ressenti en elle toute l’affection que lui portait son amie. Depuis leur rencontre, elle avait été là. Même lorsqu’elle ne s’en rendait pas compte. Elle l’avait fait rire, elle avait balayé sa solitude, elle lui avait ouvert les bras. Y être était comme la solution à tout.
Lorsque leur étreinte se termina, Camille sourit à Olivia. Cette dernière lui signa : « Je te raconte plus tard », avant de partir prendre le bus.

*

     De retour chez elle, Olivia prit le temps d’écrire un long message à son amie. Elle lui raconta tout. Elle se souvint que Camille voulait connaître son histoire, et qu’elle ne la lui avait jamais racontée. Elle l’avait livrée à un garçon qui ne voulait déjà plus d’elle, mais pas à une amie qui serait là beaucoup plus longtemps. Alors elle écrivit : sa cousine, le piano, le violon, Victor. Elle s’efforça de rester dans l’objectivité, de ne pas laisser trop de place à ses émotions. Ainsi, la lourdeur de ses aveux conservait une étonnante légèreté. Lorsque le message fut envoyé, elle soupira profondément. Elle était libérée d’un poids. La suite ne se fit pas attendre.
Camille apporta toutes les réponses qu’attendait Olivia. En premier lieu, elle lui dit de ne pas s’occuper de Victor. Elle était étonnée que le jeune homme, que tout le monde connaissait introverti et distrait, soit capable d’un tel comportement. S’il ne tenait pas à elle, il avait bien fait de mettre un terme à leur relation naissante. Selon Camille, il avait pris la bonne décision, et elle ne doutait pas qu’Olivia s’en remettrait. Et puis elle lui donna son avis sur le mystère musical… Elle avait certes du mal à croire une telle chose, mais elle lui faisait confiance. Elle comprenait parfaitement que son amie soit déroutée par cette situation si nouvelle, si effrayante. Mais la solution s’imposait d’elle-même :
« Il faut que tu en parles à tes parents. Tu peux croire qu’ils t’embrouilleront l’esprit avec ça, mais, si personne n’est au courant, le silence restera ! ».
Et la dernière chose qu’elle souhaitait maintenant, c’était que le silence reste.

Olivia passa la soirée à considérer les propos de son amie. Elle tournait et retournait ses arguments dans sa tête. Puis, ce furent les propos de Victor qui resurgirent. Trop plein d’émotions ; les larmes explosèrent. Pourtant, la jeune fille n’était pas triste. Elle était juste épuisée par tout. Elle regarda par la fenêtre et vit le coucher du soleil. Et soudain elle comprit que c’était ça, la vie. Parfois, le soleil se couche sans changer la couleur du ciel. D’autres fois, on assiste à une succession d’orange vif, de rose froid et de triste sombre. À chaque fois, la noirceur de la nuit – des fois étoilée, des fois vide – vient oppresser la terre.

Mais, ce qui ne change jamais, c’est que le soleil finit toujours par revenir.

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