70. Nearer to the truth

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Angel

— Le commandant de bord a allumé le signal et nous vous prions de bien vouloir attacher vos ceintures en vue de l’arrivée prochaine à l’aéroport international de Los Angeles. La température au sol est de quatorze degrés et le temps est clair et ensoleillé.

Je me tourne vers Rafaela dans le fauteuil à mes côtés et je constate qu’elle se réveille et cligne des yeux. L’avantage de voyager en première classe, c’est qu’on a tout le confort et qu’il est simple de pouvoir vraiment utiliser le temps de vol pour se reposer. Elle me sourit mais, comme depuis que nous sommes montés dans l’avion, elle évite tout contact physique et garde une relative distance afin que personne ne puisse se faire des idées sur notre relation. J’avoue que cela me dérange un peu car j’aimerais afficher au monde entier le fait qu’elle m’aime, qu’elle est mon amoureuse et qu’elle n’est plus disponible, mais je comprends aussi son souhait de me protéger. Je préfère le prendre comme une preuve supplémentaire de cet amour qu’elle m’a enfin déclaré plutôt que comme une marque de manque de confiance ou de doute sur notre relation.

Quand l’avion atterrit, je rallume mon téléphone et, tout de suite, il se met à bipper, recevant de nombreux messages que je m’empresse d’ouvrir. Ils sont tous de Quinn sauf un de Morgan que j’ouvre en premier.

Salut Patron. Je vois que les vacances étaient plus chaudes que prévues ! On continue notre mission ou on va devoir arrêter maintenant que tu es en haut de l’affiche ?

Qu’est-ce que c’est que cette histoire ? J’enchaîne avec les messages de Quinn qui nous informe que les journalistes nous attendent suite aux photos parues dans Nearer. Il ajoute toute une série de recommandations sur comment gérer les paparazzi à l’arrivée. Je me tourne vers Rafaela qui est aussi en train de lire les messages.

— C’est la merde, non ? demandé-je, inquiet de voir sa réaction.

— Il semblerait… Le coin n’était pas si secret que ça, marmonne-t-elle sans lever le nez de son téléphone.

— Toi qui as l’habitude de tout ça, on fait quoi maintenant ? On fait comme si de rien n’était ? On répond aux questions ?

— Surtout pas. Hors de question de leur donner satisfaction et de leur faire vendre davantage de papier. On fait comme d’habitude, et on ne leur donne surtout pas de biscuit. Si on décide d’en parler, ce sera de la façon qu’on le souhaite, et certainement pas à des paparazzi qui me pourrissent la vie depuis des années. Bienvenue dans le Showbiz, Angel… Génial, hein ? grimace Rafie.

— J’arrive pas à accéder à Nearer sur mon téléphone. Je me demande ce qu’ils ont écrit. On a été discrets quand même, je trouve.

— Ce qui m’inquiète le plus, c’est le genre de photos qui sont publiées, surtout… Bon, c’est sûr qu’il faut voir aussi les conneries écrites… Ouais, il aurait surtout fallu qu’ils s’occupent de leur cul.

— Allons-y. Les fauves nous attendent dans l’arène, mais tu sais quoi ? Je reste sur ce que je t’ai dit au restaurant : à deux, on peut tout affronter.

— Jusqu’à ce que tu n’en puisses plus de tout ça, oui, soupire-t-elle en enfilant ses lunettes de soleil. Je te suis.

Nous sortons de l’avion et parcourons en silence les couloirs qui mènent à la douane que nous franchissons sans difficulté après avoir récupéré nos bagages, et nous échangeons un regard inquiet avant de sortir dans le hall de l’aérogare. Dès que nous apparaissons, les flashs crépitent et les cris fusent. J’observe la scène avec incrédulité tout en essayant de rester sobre et calme dans mes réactions. C’est la première fois que je suis au cœur de cette agitation médiatique et cela me met un peu mal à l’aise, j’avoue. J’essaie de me dire que c’est parce que c’est nouveau, mais Rafaela est connue depuis des années et les paparazzi sont toujours dans la même frénésie la concernant.

Nous traversons la foule en silence et nous nous engouffrons dans la voiture que Ben a amenée au plus près de l’aéroport, dans un espace réservé aux VIP. Nous refermons rapidement les portières alors que les questions sur notre relation continuent à fuser. Ben nous sourit, un peu gêné.

— Salut Ben. Tu ne pouvais pas nous rater, au moins, n’est-ce pas ? demandé-je en essayant de faire un peu d’humour pour dédramatiser les choses.

— Effectivement, difficile de passer à côté de cet attroupement. Vous n’avez pas été trop ennuyés à l’intérieur ?

— Non, mais j’ai l’impression de voir encore des étoiles. Je comprends les lunettes de soleil, ris-je alors que Rafaela n’a pas l’air de se dérider. C’est quoi cette histoire ? Tu as le magazine ou pas, qu’on voie ce qui les a fait venir comme des mouches ?

— Oui, je suis allé l’acheter, soupire-t-il en nous le tendant.

— Ben voyons, autant participer à gonfler leurs recettes, marmonne la Patronne sans même jeter un œil au magazine que je récupère.

Je découvre que non seulement nous sommes dans Nearer, mais qu’en plus nous sommes affichés en première page. La photo est clairement prise depuis une longue distance, mais on nous y voit nettement, Rafaela et moi, sur la plage près du lac, au Brésil, tous les deux en maillots de bain. Il y a même une des photos où l’on me voit en train de l’aider à se relever alors qu’elle me sourit. Le titre est évocateur : La Star sous le charme de son Assistant ? Et le sous-titre ne l’est pas moins : Son cœur n’est-il plus à prendre ? On peut dire qu’ils ne font pas dans la dentelle.

J’ouvre le magazine et vais lire l’article qu’ils ont écrit sur nous. Rafaela reste elle dans son mutisme et affiche une indifférence forcée en faisant mine d’être absorbée par le paysage, même si je doute que toutes ces autoroutes et ces fast-foods qui défilent soient vraiment ce qui occupe son esprit. L’article est typique de ce genre de magazines qui a peu d’informations mais qui sent qu’il pourrait y avoir un gros truc à découvrir. Ils ont interrogé beaucoup de monde au Brésil et finalement obtenu peu de réponses, ce qui prouve au moins la discrétion du staff de l’hôtel, mais ils font tellement d’extrapolations que l’on peut tout imaginer en les lisant, du simple voyage où j’ai rempli mon rôle d’assistant à l’enlèvement que j’aurais réalisé pour abuser d’elle sexuellement. Ils sont fous.

— Purée, j’en reviens pas. Ils en arrivent même à dire que je t’ai contrainte à partir en vacances avec moi pour que tu réalises tous mes fantasmes. Mais où vont-ils chercher tout ça ? murmuré-je en tournant la page pour tomber sur toute une demi-page me concernant.

Inquiet, je lis ce qu’ils ont écrit sur moi et découvert. Pour l’instant, pas grand-chose, a priori. Je reste un personnage mystérieux et Quinn leur a répondu le discours officiel sur le fait que j’étais compétent, que Rafaela semblait heureuse des services rendus et qu’il n’y avait rien de plus à dire. Je ne sais pas comment ils ont fait mais ils savent que je n’ai pas de famille et suggèrent que je me suis fait embaucher par Rafaela pour m’emparer de son argent. Ce qui m’inquiète le plus, ce sont les dernières phrases de l’article qui indiquent qu’ils vont poursuivre leur travail d’enquête et qu’ils reviendront vers les lecteurs avec plus d’informations prochainement. Et ils demandent à tous ceux qui le pourraient de les contacter pour leur communiquer des faits me concernant. C’est la merde, ça. Je vois déjà Jenny, mon ex, les appeler et avoir ses cinq minutes de célébrité en racontant toute ma vie.

— Tu es sûre que tu ne veux pas le lire ?

— Pourquoi faire ? Il y a quelque chose d’intéressant ? Des vérités ? Je connais ma vie, je te connais, toi, ça ne m’apportera rien que je ne sache déjà, j’imagine. Tu as envie de fuir, ça y est ? me demande-t-elle en se tournant finalement vers moi.

Je suis surpris que la première chose qu’elle me demande, c’est de savoir si je veux la quitter juste parce qu’il y a des photos de moi dans la presse. A sa place, j’aurais plutôt lu les articles et essayé de savoir ce qui était vrai ou pas.

— Ils posent juste des questions et se demandent qui je suis. Et à quel jeu tu joues avec moi, si c’est juste pour attiser la convoitise de plus grosses prises ou si ton petit cœur s’est vraiment fait avoir par moi. Rien d’exceptionnel, mais c’est surprenant, un tel emballement. Je ne pensais pas que ça irait si loin, si vite, c’est vrai, mais je n’ai pas envie de fuir. Je connaissais les risques avant de t’avouer mes sentiments, tu sais ?

— Il y a une différence entre connaître les risques et vivre les choses… Ce n’est que le début, ça… Je te l’avais dit. Ils vont fouiller tout ce qui peut l’être et chercher à savoir ce qu’il en est pour nous. Tu peux dire au revoir à tes petites sorties tranquilles, ils vont épier tes moindres mouvements. Ça peut vite virer au cauchemar, et… je suis désolée qu’être avec moi implique tout ça.

— Rafie, ne me parle pas comme si tout était déjà terminé entre nous ! Je… je sais que ça va être compliqué mais ça ne me dérange pas. Pour toi, je suis prêt à ces sacrifices, rien ne m’empêchera de continuer à t’aimer.

— Si tu es sûr de toi… J’espère vraiment, mais je ne veux pas que tout ça te mine, que tu en souffres. C’est vraiment oppressant comme vie.

— Fais-moi donc un peu confiance et arrête de t’inquiéter, voyons. Je crois vraiment qu’à deux, on peut tout affronter. Et tant pis si ma vie n’a plus rien à voir avec celle d’avant. Tu es là, à mes côtés et c’est tout ce qui compte, non ?

— J’espère que tu penseras encore comme ça quand ils auront retrouvé tes ex et déformeront leurs propos pour faire le buzz, ou quand ils retraceront ta vie comme si tu étais un sujet d’étude, soupire-t-elle en attrapant ma main qu’elle serre dans la sienne.

Le regard que me porte Ben dans le rétroviseur est perçant et je crois qu’il essaie de me faire comprendre qu’il vaudrait mieux que je parle à Rafaela dès maintenant des secrets qu’ils vont découvrir sur moi, comme le fait que je suis un détective privé embauché pour enquêter sur le fan qui la menace depuis plusieurs mois. Mais je n’arrive pas à franchir le pas. J’ai l’impression qu’elle est rassurée par mes paroles et si je lui sors ça maintenant, tout ce que je vais faire, c’est l’éloigner de moi. Je ne peux m’y résoudre… Je ne veux pas la perdre et je pense réellement tout ce que j’ai dit. On verra bien la suite des événements, mais si on parvient à ce que ça ne joue pas sur notre relation, on pourra surmonter toutes les épreuves. Il faut toujours garder l’espoir, non ?

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