65. Heureux qui comme Rafie va faire un beau voyage

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Angel

Lorsque j’arrive au bâtiment qui abrite mon bureau, je m’arrête quelques instants et j’ai l’impression que cela fait une éternité que je ne suis pas venu. C’est comme si je me faisais de plus en plus à ma vie avec Rafaela et j’ai vraiment le sentiment que je ne suis pas chez moi alors que je pousse la porte d’entrée. Tout est bien rangé et je constate que Morgan a refait toute la déco. C’est qu’elle doit pas mal s’ennuyer au quotidien quand même. Elle a mis des photos d’oiseaux et de nature un peu partout, sauf sur un mur dont je m’approche tout de suite.

Les photos qui sont affichées sont rangées avec toute une série d’éléments et de raisons pour lesquelles ils pourraient en vouloir à Rafie. Le travail est soigné, complet et j’essaie de me souvenir si j’ai pu croiser un de ces visages lors de mon séjour au Canada, mais aucune connexion ne se fait. Absorbé comme je le suis dans mon observation, je n’entends pas la porte s’ouvrir et je suis surpris quand une voix féminine m’interpelle.

— Salut Boss ! Vous ici, quelle surprise ! Tu vas bien ?

— Je vais très bien, oui. Je viens voir où tu en es et ce que je peux faire ici. J’ai ma journée de l’autre côté.

— Tu es sûr de savoir encore comment on fait ? Je veux dire… pour diriger, enquêter… plutôt que pour jouer l’assistant parfait.

— Tu en doutes ? demandé-je en m’asseyant à mon bureau. Diriger, je ne sais pas si j’ai déjà su le faire, mais enquêter, c’est ma vie. C’est là où je suis le plus compétent, non ?

— Je ne sais pas, moi. Dernièrement, tu as trouvé des infos ? Ça avance ? Ou tu comptes rester l’assistant de Rafaela encore longtemps ? Je veux bien que ça renfloue nos caisses, mais je me sens un peu seule, moi.

Je n’ai pas vraiment réfléchi à la question. Ces derniers temps, j’avoue que j’ai surtout profité de nos parties de jambes en l’air, de nos moments de complicité et d’échanges, sans penser au lendemain. Mais c’est vrai que ce n’est pas ma vie, ça.

— Je ne trouve pas grand-chose, non. J’ai l’impression que les indices sont juste sous mon nez mais que je n’arrive pas à les voir. Tu n’as pas accepté l’autre affaire dont on avait parlé ?

— Si. Je suis même allée jouer l’espionne. L’affaire est bouclée, le dossier sur ton bureau.

— Déjà ? Mais tu es… enfin, c’est fou ça.

Je regarde et suis ravi de voir le chèque de cinq mille dollars à mon nom au tout début du dossier. Je le parcours rapidement et constate que tout y est.

— Tu aurais dû m’en parler, j’aurais pu… je ne sais pas, moi, t’aider ?

— Tu étais à Vancouver, qu’est-ce que tu voulais faire, de là-bas, au juste ?

— Oui, tu as raison, soupiré-je avant de sortir mon carnet de chèques.

J’hésite un instant avant d’inscrire la somme de trois mille cinq cents dollars dessus et de le remettre à Morgan qui me regarde faire, intriguée, avant d’ouvrir de grands yeux en voyant le montant sur le chèque.

— Tu fais quoi, là ? C’est quoi, ça ?

— Eh bien, c’est la prime de réussite que ton patron décide de te donner suite à ton bon travail. Tu pourras acheter des trucs pour ta fille. Ne refuse pas, tu l’as amplement méritée.

— Je ne demande pas d’argent, Angel, ce n’est pas ce que je voulais dire par là, soupire-t-elle.

— Je sais, mais vois ça comme un signe de ma confiance à ton égard. Ça te dirait de devenir mon associée plutôt que ma secrétaire ? Maintenant que tu as des fonds, tu peux acheter des parts dans l’entreprise, tu en penses quoi ?

Je ne réfléchis pas à ce que j’exprime, je laisse parler mon intuition et, même si je n’ai pas planifié tout ce que je suis en train de dire, je suis convaincu que c’est la bonne chose à faire.

— T’es sérieux, là ? Tu penses vraiment ce que tu dis ? Je n’ai jamais fait ça, moi, jouer les détectives…

— J’y pense depuis un moment et oui, je suis sérieux. Tu as ça en toi. Donc, maintenant que c’est décidé, tu as des dossiers en attente ?

— On a eu quelques appels, ces dernières semaines. J’ai commencé des dossiers pour trois affaires. Je… Tu es sûr de toi, Angel ?

— Trois affaires ? Eh bien, montre-moi tout ça, Partner, dis-je en insistant sur le mot pour lui faire comprendre mon sérieux sur ma proposition, que l’on voie où tu en es et ce qu’on peut mettre en place.

— D’accord… Je te montre ça… Ça va me faire bizarre de ne plus t’appeler “Boss”, tu sais ? sourit-elle en me tendant les pochettes.

— Ah non, ça, on continue. Il faut bien flatter mon égo, surtout si tu te mets à résoudre toutes les affaires sans mon aide.

Elle éclate de rire et nous passons la matinée à étudier ses dossiers. Elle a posé de bonnes bases mais il lui manque encore quelques réflexes pour faire aboutir le travail d’enquête et de recherche qu’elle a débuté. Je lui explique et lui donne de nouvelles pistes qui lui font comprendre que je n’ai pas trop perdu la main. Lorsque nous avons terminé d’étudier les dossiers, je constate qu’elle est déjà concentrée sur la suite et je décide de la laisser travailler pour rentrer chez Rafaela et continuer à explorer le dossier de la manière la plus pointilleuse possible.

— Tu n’hésites pas à m’appeler si tu as besoin. Promis, je vais faire un effort pour être plus présent à tes côtés, indiqué-je avant de lui faire un gros hug pour la saluer. Et ne fatigue pas trop Ben maintenant qu’il est rentré, on a besoin de lui en pleine forme.

— Il a quelques jours de congés, là. Il semblerait que votre patronne compte s’enfermer dans sa tour d’ivoire, donc je compte bien l’épuiser. A bientôt, Boss-Pas-Boss.

— Non, juste Boss, j’aime bien, ça me donne le sourire quand tu dis ça ! Et oui, Rafaela veut se prendre quelques jours de congés. Profite bien. A très vite.

— On verra, j’ai mon mot à dire sur ton surnom, maintenant, sourit-elle. Tu devrais en prendre aussi, des vacances, d’ailleurs.

J’aimerais bien partir avec elle, mais pour l’instant, je n’ai pas été invité, je ne sais même pas où et quand elle veut s’en aller. J’ai l’impression qu’elle a peur que je ne lui rappelle l’existence de ce pervers qui lui pourrit un peu la vie et qu’elle évite sciemment le sujet.

A mon arrivée, Ellen me sert un bon café et je retrouve ma patronne dans son bureau.

— Tout va bien ? Je suis rentré si tu as besoin d’aide. Tu n’hésites pas, hein !

— Hey. La sortie a été bonne ? Je n’ai besoin de rien pour l’instant, bel assistant, et tu devrais être en congés après m’avoir supportée aussi longtemps, je te rappelle.

— Ah, mais je ne veux pas t’abandonner non plus. Tu fais quoi sur ton ordinateur, là ? Tu es sûre que je ne peux pas t’aider ?

— Je cherche les coins les plus paumés de la Terre pour des vacances… sans qu’il y ait une journée d’avion à faire… C’est pas de la tarte, je te le dis.

— Ah oui, je vois. Tu veux que je parte en vacances pour pouvoir prendre les tiennes tranquillement. Tu devrais regarder au Mexique, il y a de beaux coins, ajouté-je, déçu qu’elle ne m’ait pas proposé de prendre ces vacances avec elle.

— Tu n’as vraiment pas de proches dans le coin, Angel ? me demande-t-elle en levant le nez de son ordinateur. Je veux dire… Après plus de deux mois au Canada, il n’y a personne que tu veux voir ici ? C’est pour ça que je te propose de prendre des jours, c’est tout.

— Non, non, personne. J’ai quelques cousins éloignés, mais personne de proche. Si tu pars, j’irai sûrement dormir chez un ami quelques jours, mais je n’ai pas de famille ici.

Je me demande ce que je suis pour elle qui veut tant me voir partir afin d’être tranquille. Elle a envie de profiter de ses vacances sans moi, j’avoue que je suis déçu mais c’est la vie. Les vacances, pour moi, c’était à Vancouver quand elle était dans mes bras. Là, je l’imagine aller se dorer les fesses au soleil et la jalousie qui m’étreint n’est pas du tout rationnelle. Il faut cependant que je me fasse une raison. Je lui ai annoncé mes sentiments et depuis, je la sens un peu sur la réserve et surtout, elle ne relève jamais mes petites remarques à ce sujet.

— Qu’est-ce que tu penses du Brésil ? C’est joli, le Brésil, il y a de belles plages, et je crois que Patrick connaît un hôtel perdu en bord de mer, très discret avec plage privée.

Ah oui, ça ne m’étonne pas. Et peut-être même qu’il y sera aussi, comme par hasard. Et une chose en entraînant l’autre, l’assistant sera vite oublié. Il faut que j’arrête de ressasser ce type d’idées dans ma tête car ça me mine intérieurement.

— Oui, pas l’endroit le plus sûr du monde, mais ça doit être joli, si Patrick le dit. Tu me préviendras avant de partir, quand même, hein ? Que je sache à quel moment je serai vraiment libre.

— Tu vas bien ? Tu m’as l’air… amer, Angel. Un problème ?

— Non, pas de problème. Tu me dis si tu veux que je te prenne des billets et pour où. Et si tu veux que je contacte l’assistante de Patrick pour vous coordonner, je peux le faire aussi.

— L’assistante de Patrick ? Oui, bonne idée, il me faut l’adresse de l’hôtel. Je vais le faire, ne t’inquiète pas. Une semaine, c’est bon pour toi ?

Une semaine ? La vache. Elle a vraiment envie de mettre de la distance entre nous, et pas que physique.

— Je ferai avec, oui. Tant que tu me préviens quand tu rentres que je puisse me tenir prêt.

— Tu ne veux pas venir avec moi ? me demande-t-elle en tournant l’écran de son ordinateur dans ma direction. Sable fin, chaleur, maillot de bain… hôtel cinq étoiles, plage privée… discrétion… Non, tu veux vraiment rester à L.A ?

— T’accompagner pour tenir la chandelle ? Non, non, ça va, merci. Je suis fou mais pas maso.

— Je n’ai pas prévu de tête-à-tête avec mon vibromasseur, aux dernières nouvelles. Je pensais plus à une petite semaine tous les deux, mais si tu ne veux pas venir avec moi, je comprends…

— Tous les deux… avec moi ? Pas avec Patrick ?

— Je peux savoir ce que Patrick vient faire dans la conversation ? Je ne comprends pas, là. Je n’ai jamais insinué que je comptais partir avec lui, qu’est-ce que tu racontes, bel assistant jaloux ?

— C’est toi qui as dit que tu voulais partir dans son hôtel, je ne l’ai pas inventé, ça. Et tu es libre de le faire, si c’est ce que tu veux.

— J’ai dit qu’il connaissait un hôtel, pas que je partais à l’hôtel avec lui, rit-elle en venant s’asseoir sur mes genoux. Tu pensais que je voulais partir sans toi, vraiment ?

— Eh bien tu veux me renvoyer dans de la famille, presque me forcer à prendre des jours… J’ai cru… que tu voulais prendre de la distance, c’est tout. Mais si tu m’invites, je ne pense pas pouvoir te dire non. Tu es la patronne, quand même !

— J’aimerais bien que tu me dises que tu as envie de partir avec moi, pas que tu le fais parce que je suis la patronne, tu sais ?

— Envie de partir avec toi ? Franchement ? Rien ne me ferait plus plaisir. Je… Vu les sentiments que j’éprouve pour toi, j’aimerais ne jamais avoir à me séparer de toi, même pour quelques minutes. Mais je ne veux pas m’imposer, non plus. Je suis comme ça, désolé.

— Bien, donc on part tous les deux ? Parce que j’en ai envie aussi, moi.

— Au Brésil ou au Mexique ? Peu importe en fait. Je m’en fous de toute façon, je suis ton homme !

— Brésil, si ça te va. Ça me tente bien, et l’hôtel est sympa. Je demande à Patrick le nom et je te montre. J’ai trop hâte, sourit-elle avant de m’embrasser avec passion.

Je suis vraiment un con car la simple évocation du prénom de Patrick me fait un pincement au cœur alors qu’elle est en train de m’inviter à passer une semaine rien qu’elle et moi. Il faut que je l’oublie, cet acteur, et que je ne me consacre qu’à ce bonheur qu’elle veut bien me donner. Je sais que je l’aime et que suis condamné à attendre son bon vouloir. Il y a pire comme torture, non ?

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