66. Cuisine au restaurant

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Rafaela

Je sors de ma chambre en terminant de boutonner ma robe en jean et souris en voyant Angel à travers la vitre de la salle de sport, occupé à soulever des poids. Quel homme… C’est érotique à souhait. J’adore le reluquer pendant qu’il fait ses exercices, sans doute presque autant qu’il aime me mater quand je fais du yoga. Je crois que nous sommes deux bons gros pervers, en fait, toujours en train de se dévorer du regard et de profiter de la moindre occasion pour prendre notre dose. A la différence près que lui s’est dévoilé quand moi, je reste sur la réserve. Pourquoi d’ailleurs ? Sans doute parce que je suis sûre qu’il va vite se lasser de cette vie. Oh, pas la belle et grande maison, pas avec Ellen aux petits soins pour nous, pas du sexe qui est plus que satisfaisant, non. C’est tout le reste qu’il ne va pas supporter. J’aurais sans doute dû réserver des vacances dans un lieu où les paparazzi me trouveraient facilement, histoire qu’il voie ce qu’est vraiment la vie à mes côtés…

Je grimace en longeant le couloir et toque à la porte vitrée. Le sourire qu’il me lance appelle le mien, et il repose les poids avant d’aller baisser la musique.

— Un déjeuner au restaurant te tente ?

— Tu ne préfères pas rester ici et profiter de la journée au lit ?

— Tu plaisantes ? Bella va me tuer si je lui pose un lapin, ris-je.

— Bella ? Ah oui, on est lundi, tu as un déjeuner avec elle. Et tu voudrais que je vienne ?

— Pourquoi pas ? Elle est partante, elle, en tout cas.

— Je prends une douche rapide et j’arrive alors. Tu viens aussi ?

— Je suis déjà prête, moi, au cas où tu ne l’aurais pas remarqué. Je sais que j’ai une autre tête sans maquillage, mais quand même, souris-je en tournant sur moi-même. J’ai troqué le jogging, tu vois ?

— Je vois bien, oui, répond-il en s’approchant et en défaisant un bouton sans me quitter des yeux.

— Dépêche-toi, et arrête d’en profiter, voyons, sinon je vais aller remettre un jogging, moi. Et Bella déteste quand je suis en retard. Tu ne veux pas déchaîner la tempête, quand même ?

— Bien, patronne. Mais ce soir, il faudra rattraper tout ce temps perdu !

— On ne peut pas passer notre vie au lit, Angel, tu sais ? Aussi agréable que ça puisse être, ce n’est pas ça, vivre. Pas tout le temps, en tout cas, pouffé-je en déposant un baiser au coin de ses lèvres.

Il me sourit avant de me contourner pour gagner sa chambre, et je le suis évidemment du regard, profitant de la vue. Il faut que j’arrête de baver comme une limace à chaque fois que je l’observe, parce que j’ai l’impression d’être redevenue une ado dès qu’il est dans les parages, et Ellen ne se gêne jamais pour me le faire remarquer, d’ailleurs. Elle est douée pour me mettre mal à l’aise, en plus.

Angel ne tarde pas à me rejoindre en bas alors que j’ai le nez plongé dans un scénario qui me plaît bien. Ces derniers temps, et depuis la sortie du film “Une mère particulière”, je reçois de plus en plus de propositions qui n’ont rien à voir avec mes films de prédilection, ou du moins dans la branche qu’on m’a attribuée. Je suis contente de pouvoir envisager de me concentrer sur des expériences plus sérieuses ou dramatiques, sur des sujets plus sensibles ou qui interrogent. J’ai presque hâte de reprendre un nouveau tournage s’il ne signifie pas que je me retrouve en sous-vêtements ou en jupe courte.

— C’est bon, on peut y aller, bel assistant ?

— Oui, jolie patronne. Je suis prêt.

Nous sortons et nous installons dans le SUV, où Jack, mon second chauffeur et garde du corps, nous attend derrière le volant. Il semble surpris de voir Angel à mes côtés, mais comme Ben, il ne joue pas le curieux et détourne rapidement le regard pour sortir de la cour. Il ne faut pas bien longtemps pour que son regard alterne entre la route et ses rétroviseurs, et je comprends que nous sommes suivis par ces foutus photographes. Il faudrait qu’on parvienne à s’organiser autrement avec Bella, parce qu’ils savent que mon emploi du temps du lundi est bien rôdé.

— Dis, tu ne penses pas que le fou pourrait être un paparazzo ? demandé-je à Angel. Je ne sais pas… Il faut être un peu dingue pour suivre les gens comme ça, après tout…

— Non, à Vancouver, on a été plutôt tranquilles et il y était… Je ne pense pas.

Je hausse les épaules et me replonge dans mon scénario durant le trajet, non sans avoir glissé ma main dans celle d’Angel. J’ai un peu trop besoin de contacts physiques constants avec lui, je crois que j’ai perdu goût à l’indépendance et ça me fait bizarre.

Lorsque nous arrivons sur le parking du République Restaurant, dont les spécialités françaises nous font toujours baver d’avance avec Bella, une partie de moi se demande si ma petite sœur ne va pas être trop chiante avec Angel, maintenant qu’elle sait que lui et moi fricotons. Je n’ai pas trop envie qu’elle le fasse fuir, surtout que je pense être suffisamment douée pour pouvoir le faire moi-même, si je continue à ne pas m’impliquer à cent pour cent dans notre relation.

— Prêt à passer tout un repas avec les filles Lovehart ? Tu peux encore changer d’avis, tu sais ?

— Non, non, je suis prêt. Je crois que si j’ai réussi à amadouer la Diva, je dois pouvoir affronter l’autre.

— Bien… Mais elle peut être très cruelle, tu couches avec sa sœur, ce n’est pas rien, elle a prévu de te cuisiner. Ne me regarde pas comme ça, bien sûr que je lui ai dit, ris-je.

— Eh bien, je croyais… Enfin, je pensais que c’était un secret. Mais vu qu’elle est au courant, si elle m’embête trop, je lui dirai que je t’aime et que le reste m’importe peu.

— Eh bien, tu te fourres le doigt dans l’œil si tu penses que ça lui suffira.

Je sors de la voiture et en fais le tour pour le rejoindre. Bella doit déjà être à l’intérieur, comme souvent lorsque nous nous retrouvons. Elle déteste voir les paparazzi et ne fait une exception que pour ce restaurant qu’elle adore, mais où les vitres donnent sur toute la salle.

Effectivement, lorsque nous entrons, je repère ma frangine au milieu de la pièce et me retrouve rapidement emprisonnée entre ses bras. Elle est belle comme un cœur, comme toujours, et j’ai du mal à la lâcher, trop contente de la revoir après plus de deux mois à Vancouver.

— Comment tu vas, petite sœur ? lui demandé-je en m’asseyant alors qu’elle enlace rapidement Angel.

— Je suis crevée, soupire-t-elle en s’installant face à moi. Les petits m’ont fait tourner en bourrique ce matin. Et en plus ils faisaient la tête parce que je te voyais et pas eux.

— Pourquoi vous ne viendriez pas un soir de la semaine à la maison ? Je pars en vacances samedi… Besoin d’air, mais ça me ferait plaisir de vous avoir avant.

— Il faut que je regarde, mais pourquoi pas. Cela me permettra d'en savoir un petit peu plus sur ce barbu bien silencieux aujourd'hui. J'étais sûre que tu allais craquer sur lui ! Musclé, barbu, intelligent, aucune chance de lui échapper ! déclare-t-elle en le scrutant.

— C’est que ce n'est pas facile de trouver sa place entre Miss Monde et Miss Univers. Je suis un peu impressionné, répond-il en souriant.

Je lève les yeux au ciel et croise le regard de Bella qui se retient d’afficher son petit sourire niais. Je sais que depuis la naissance de Thomas, elle a un peu de mal à se sentir belle alors qu’elle est superbe, mais Angel en fait peut-être un peu trop, là, et si elle est touchée, elle n’est pas non plus dupe.

— Eh bien, on te laisse ta place. Dis-moi tout, je n’ouvre plus la bouche jusqu’à ce que je sois satisfaite de tes propos.

— Bella, ris-je. Dans le genre consigne évasive, tu es la reine. Tu m’étonnes que les petits t’en fassent voir de toutes les couleurs si tu leur demandes de ranger les jouets comme ça aussi. Laisse-le tranquille.

— Oh, ça va, Rafie, je ne l’ai pas encore menacé de lui couper les cojones s’il te fait du mal ou se sert de toi…

— Je ne compte pas lui faire de mal, tu peux être rassurée là-dessus. Enfin, sauf si elle me le demande, ajoute-t-il, hilare.

— Ouais… J’espère que tu éviteras de dire à la mauvaise personne que ma sœur aime la fessée au lit, grimace Bella. Je n’aimerais pas trop que mes enfants tombent sur un article qui explique combien ma frangine est adepte du SM.

— C'était juste un peu d'humour pour détendre l'atmosphère… C'est stressant de me retrouver là, en face de toi, sans vraiment avoir pu me préparer…

— C’était le but, sourit-elle, toute fière. Si tu as le temps de préparer ton petit discours lisse, ce n’est pas drôle. Allez, commandons. Il me faut un truc dans l’estomac pour pouvoir continuer à te cuisiner.

Elle met le nez dans son menu comme si c’était la chose la plus normale au monde, et moi je lance un regard compatissant à mon bel assistant, sans parvenir à masquer un début de sourire. Le pauvre, il est tombé dans une embuscade, mais il ne s’en sort pas trop mal. Même si Bella attaque à peine la serveuse partie avec notre commande.

— Et donc, tu ne connaissais vraiment pas ma sœur avant de bosser pour elle ? C’est quand même fou…

— J'avais juste vu une ou deux photos de loin. J'ai une ex qui était une vraie fan… mais moi, le showbiz, ça ne m'intéressait pas du tout. Toujours pas d'ailleurs, mais j'ai découvert que derrière tout le bling-bling, il y avait des gens vrais et simples dont le métier est d'offrir du rêve.

— Ouais, enfin, tout le monde n’est pas vrai non plus, grimace ma sœur. Et donc, cette ex… Pourquoi une ex ?

— Bella, ne pousse pas le bouchon trop loin non plus…

— Oh, ça va, je ne lui ai même pas encore demandé s’il avait déjà eu une IST, Rafie, laisse-moi faire, un peu.

— Parce que j'ai été attirée par une autre et que je n'ai pas voulu lui mentir et la tromper. Et ensuite, ta sœur est arrivée dans ma vie. C'est simple, c'est la vie et je n'ai rien à cacher. Même pas une IST !

— Vraiment rien à cacher, hein ? continue-t-elle en se penchant sur la table. Sûr ? Parce qu’on ne pardonne pas les mensonges, dans la famille.

— Allez, ça suffit, Bella, marmonné-je. Lâche-le maintenant, tu vas le traumatiser, le pauvre.

Je doute que ce soit ma frangine qui puisse le faire fuir, mais sait-on jamais. Je parie davantage pour ce showbiz qui ne l’intéresse pas du tout. Pour autant, il a eu l’air mal à l’aise face à l’insistance de ma sœur et je me demande si c’est son comportement qui l’a déstabilisé, ou s’il cache vraiment quelque chose. Toujours est-il que Bella arrête de jouer la détective, du moins en apparence, même si elle poursuit ses petites questions de manière plus discrète, entre deux conversations, sous couvert d’en apprendre davantage sur lui. Il assure, mon bel assistant, et il est vraiment trop mignon en plus.

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