59. Big bisous !

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Rafaela

— Arrête de me regarder comme ça, ris-je en lui lançant mon tee-shirt.

Angel le récupère au vol et me sourit, tranquillement installé sur le canapé. J’ai l’impression d’être une glace qu’il crève d’envie de dévorer, malgré la fatigue, les cernes et le dos en vrac. Je me sens vieille, ce matin. Et peut-être que les parties de jambes en l’air nocturnes, aussi satisfaisantes soient-elles, n’aident pas. C’est même sûr. Je dors comme un bébé, en dehors de ces folies corporelles, et je suis incapable de réprimer mon envie. Dès qu’il me touche, qu’il m’embrasse, qu’il me caresse, je pars au quart de tour. Une vraie ado aux hormones en folie. Et lui ne m’aide pas à me satisfaire de peu. Il est inépuisable, c’est dingue.

— Je ne le fais pas exprès, tu sais ? C’est juste que tu es trop parfaite pour être vraie.

— Je ne suis pas parfaite. Si j’ai besoin d’un ostéo, toi il te faut un ophtalmo !

— Tu veux l’ostéo avant ou après un petit massage de ma part ?

— Tu crois que tu pourras faire des miracles ? Je dirais d’abord le professionnel, et toi après, pour les courbatures d’après séance, souris-je en enfilant ma robe. Qu’est-ce qu’elle est moche, je ne sais pas ce qu’ont foutu les costumiers pour ce truc…

— Ne t’inquiète pas, personne ne va regarder la robe vu la qualité de ce qui se cache en dessous. Et j’aime beaucoup l’ouverture qui dévoile ta jambe, cela me donne des envies de te mettre en retard pour la prise de vue.

Tyler m’a dit ça un nombre incalculable de fois et je n’ai jamais eu envie de défier l’horaire. Mais avec Angel… je serais prête à me pointer une heure en retard sans gêne. Pas bon, ça, si ?

— Plus vite j’y vais et plus tôt la journée sera terminée, lui dis-je en m’asseyant malgré tout sur ses genoux. Ce ne serait vraiment pas sérieux.

— Je n’aime pas quand tu es trop sérieuse. Et puis, avoue, tu as autant envie que moi, non ? répond-il en posant ses mains sur mes fesses.

— L’idée est tentante, mais vraiment, il vaut mieux éviter de mettre Allan en colère, sinon on va passer la soirée ici. Et je préférerais autant qu’on rentre tôt. Pas toi ?

— Moi, je suis là pour t’assister, pas te raisonner, répond-il en souriant alors que je sens son érection frotter contre moi.

— Tu es censé me rappeler les horaires et faire en sorte que je les respecte, tu sais ? Comment est-ce que je peux être à l’heure alors que tu me chauffes rien que d’un regard ? lui demandé-je avant de l’embrasser.

— Il est l’heure, patronne, chuchote-t-il à mon oreille, et moi, j’ai juste envie de te faire à nouveau l’amour.

— Peut-être qu’on pourrait déjeuner sur le pouce et profiter du reste de la pause pour assouvir ton envie ? Mais pour ça, il faut qu’on soit à l’heure.

J’essuie ses lèvres de mon pouce et me relève pour retoucher mon rouge à lèvres devant le miroir. Je sens ses yeux posés sur moi et souris sans pouvoir m’en empêcher. D’ordinaire, les regards appuyés sur mon corps m’exaspèrent… Il me fait faire et penser n’importe quoi, mon assistant.

— Pas de verre avec glaçons, ce matin ? lui demandé-je en regardant sur la petite table basse. C’est pas le tout de profiter du paysage, tu sais ?

— Ils ont tous fondu en te regardant, répond-il en souriant avant de se lever malgré tout. Mais je vais aller les chercher, patronne.

— Laisse tomber, je suis assez détendue pour m’en passer, ce matin. Enfin, il va sans doute m’en falloir dans la matinée, mais pour le moment, tout roule. Allez, au boulot, bel assistant.

Je lui envoie un baiser et sors de la loge pour gagner le plateau. Patrick est déjà installé à la table du café qui a été monté pour tourner plusieurs scènes, puisque nos personnages s’y retrouvent régulièrement. Il est tout beau dans sa petite chemise rose pâle et ne semble pas avoir la gueule de bois, aujourd’hui, ce qui est plutôt une bonne nouvelle. J’ai l’impression que son attitude de l’autre soir lui a fait un électrochoc, parce qu’il m’a l’air plus en forme depuis qu’il s’est confondu en excuses auprès de moi.

— Désolée pour le petit retard, je suis prête, souris-je en m’asseyant en face de lui. Mais pas Allan, apparemment. Ça va, toi ?

— Oui, ça va, j’ai échangé avec ma psy hier soir, ça fait du bien. Toi, tu rayonnes, ce matin. Comment je fais pour ne pas disparaître à l’écran avec une telle beauté à mes côtés ?

— Eh bien, tu joues ton rôle à la perfection et ça devrait le faire, non ? Ça ne devrait pas être difficile pour l’acteur élu trois fois le plus bel homme du monde, si ?

— Oui, c’est vrai, mais ça c’était avant, soupire-t-il en me dévisageant. C’est quoi, cette robe ? Heureusement que tu la mets en valeur parce que là, les costumiers, ils ont dû boire avant de choisir tes vêtements.

— On est d’accord pour la robe, ris-je, mais t’es sérieux pour le reste ? Vous, les hommes, vous vous bonifiez avec le temps, les rides vous rendent plus mystérieux et attirants, alors que nous on est cataloguées comme des fleurs flétries dès quarante ans… J’aimerais bien vieillir dans le cinéma comme toi, moi, mais on sait très bien que si j’ai un gosse, je me tire une balle dans le pied, et dès que j’aurai une ride ou deux… Enfin, je me tire déjà des balles toute seule en n’acceptant pas de rôles de femmes plus âgées, mais au moins c’est mon choix. Bref, pardon, ma féministe se réveille.

Je lui lance un sourire contrit en regardant Allan aller d’un cadreur à un autre avant que mon regard ne soit attiré par mon bel assistant, tranquillement adossé à un mur, en train de m’observer. Je lui souris sans m’attarder et me tourne à nouveau vers le réalisateur qui tape dans ses mains comme s’il appelait ses élèves en cour de récréation à rentrer en classe.

— Tout le monde est prêt ? On va pouvoir commencer ?

Je ferme les yeux quelques secondes et me recentre, prête à me mettre dans la peau de mon personnage. La première scène se fait rapidement, puisqu’il s’agit de l’une des premières fois où nous nous retrouvons au café. Patrick assure, comme toujours. Il est vraiment beau et bon, il en impose naturellement, et c’est moi qui en viens à me demander comment je vais pouvoir ressortir à l’image, tant il crève l’écran. Son personnage est un goujat, et le mien une nana sûre d’elle mais un peu nunuche qui ne comprend que la moitié de ses vannes et attaques… J’aimerais vraiment qu’elle soit moins cruche, moins stéréotypée nana simplette, mais c’est ainsi qu’elle est décrite et je joue le jeu.

Nous tournons la scène deux fois et passons à la suivante, qui n’est autre que celle du premier baiser. Je rejoins Angel rapidement et le remercie d’un signe de tête alors qu’il me tend ma gourde d’eau citronnée bien fraîche. Je bois lentement mes quelques gorgées avant de la lui rendre.

— Tu te souviens de la scène à venir ? Juste pour rappel, ce n’est que du cinéma, ne puis-je m’empêcher de lui dire tout bas.

— Je sais, je vais juste faire comme tous tes fans, je vais m'imaginer à la place de Patrick et cela devrait bien se passer.

Comme prévu dans le scénario, Patrick m’attend à la sortie du café, devant un fond vert et alors que des gouttes d’eau nous tombent dessus. Il déplie le parapluie au-dessus de nous et m’attire contre lui, entourant ma taille de son bras libre.

— Je croyais que j’étais trop jeune pour toi, James, lui dis-je sensuellement en posant mes mains sur son torse.

— J’ai beau essayer de lutter, j’en suis incapable. Tu m’attires et je n’arrive pas à résister. Et je n’en ai pas envie non plus. Je me fiche de ce que peuvent penser les gens.

Ouais, Beckman n’est pas très original dans les dialogues d’avant baiser. Mais, pour le coup, cette conversation me rappelle un peu trop celle qu’Angel et moi avons eue l’autre jour matin. J’ai dû lui sortir le même genre de phrases que celle que Patrick vient de me lancer.

Je suis presque surprise de sentir ses lèvres se poser sur les miennes, mais je me reprends vite et glisse l’une de mes mains sur sa nuque pour approfondir le baiser comme convenu lors de notre échange en arrivant ce matin au studio. J’aime bien que ces scènes-là soient cadrées avec l’acteur que j’embrasse, ça m’évite les surprises désagréables. Entre nous, ce n’est absolument pas le genre de scènes que je préfère tourner. Je déteste qu’on me touche sans que j’en éprouve l’envie. Là, je sais d’avance que Patrick renverse le parapluie pour laisser la pluie tomber sur nous, et surtout pour poser sa main sur mes fesses et me serrer davantage contre lui.

Ah, les baisers de cinéma… bien loin de ceux que j’ai pu échanger avec mon bel assistant. C’est tellement plus torride avec lui, si intense et excitant… C’est beaucoup plus agréable et ça me donne envie de me lover dans ses bras pour l’expérimenter à nouveau. Sentir son impatience, sa langue caresser mes lèvres, venir jouer avec la mienne.

— Wow, mollo, Rafie, qu’est-ce que tu fais ?

Je grimace et dois rougir jusqu’aux oreilles alors que je détourne le regard. OK, je me suis peut-être un peu emballée, là. Je pensais à Angel, à nos étreintes, et je me suis carrément téléportée à la maison, à l’abri des regards, en tête à tête avec mon bel assistant.

— Pardon, j’étais totalement ailleurs, grimacé-je.

— Oui, eh bien, ne me fais plus ça, tu sais bien que j’en pince déjà un peu pour toi, alors si en plus tu me provoques, se moque gentiment mon partenaire.

— C’était parfait, je trouve ! intervient Allan qui sourit de toutes ses dents. On aurait vraiment cru un vrai baiser ! Bravo, ma petite Rafie !

— On peut faire une pause, Allan ? Juste deux minutes, s’il te plaît, l’imploré-je quasiment, bien mal à l’aise alors que lui semble satisfait de la prise.

— Si tu veux, ma Belle. En tout cas, c’est bien que vous vous soyez rapprochés tous les deux. Pour le film, il n’y a rien de mieux que de mettre un peu de réel derrière le jeu d’acteurs, c’est ce qui le rend plus véridique.

— Je suis désolée, Patrick, murmuré-je à mon partenaire en fuyant littéralement le plateau pour regagner ma loge.

Angel s’y engouffre à ma suite, suivi de près par la maquilleuse que je renvoie d’un geste. J’aurais peut-être dû en faire de même avec mon amant, parce que mon reflet dans le miroir me fait à moitié peur. J’ai les joues rougies et mon rouge à lèvres a bavé, et je m’empresse de m’essuyer la bouche sans oser le regarder, vraiment mal à l’aise de ce qu’il vient de se passer. Et moi qui lui ai rappelé il y a quelques minutes que ce n’était qu’un rôle, qu’un jeu d’acteur…

— C’était quoi, ça ? Tu voulais lui manger la langue ou quoi ? me demande-t-il, visiblement agacé. Le baiser du restau ne t'avait pas suffi ?

— Je jouais un rôle, rien de plus… Tu es jaloux ? C’est trop mignon.

— Jaloux ? Ben, il y a de quoi, non ? Tu as vu comment tu t’es jetée sur lui ? J’ai eu l’impression que s’il ne t’avait pas repoussée, tu serais en train de lui faire l’amour devant les caméras !

— J’y peux rien… Je trouvais ça tellement mécanique, je me suis dit que comparé à nos baisers c’était fade et sans âme, et… bref, j’ai pensé à toi, tu vois ?

— Tu as pensé à moi et c’est ça le résultat ? s’étrangle-t-il presque. Tu ne peux pas plutôt te concentrer sur ton jeu et me réserver ta passion ? Parce que si tu embrasses comme ça à chaque fois que tu joues, je ne vais jamais survivre, moi.

— Tu sais que tu es encore plus mignon quand tu es jaloux ? souris-je en l’enlaçant. Je suis désolée, mon cerveau a assimilé les bisous à toi et moi, tu vois ? Mais… ça ne se reproduira pas, je vais faire attention, promis.

— Ce que je vois, c’est que tous tes réalisateurs vont te demander d’embrasser comme ça, grommelle-t-il en souriant avant de poser ses lèvres sur les miennes.

J’agrippe sa nuque de mes mains et approfondis ce baiser en glissant ma langue entre ses lèvres. Voilà, ça, c’est un vrai baiser, de ceux qui te retournent autant le cerveau que les tripes.

— Mille fois plus agréable, je le jure, monsieur le juge. Pardon, je ne voulais pas te contrarier.

— Je sens que je vais galérer désormais à te voir jouer toutes ces scènes avec tous ces beaux mecs. Tu es sûre que tu ne veux pas devenir fermière dans un ranch au fin fond du Dakota ? Loin du monde, juste avec moi ?

— Jouer me manquerait trop, mais c’est une proposition tentante, ris-je. Allez, on y retourne avant qu’Allan ne s’énerve.

Je dépose un dernier baiser sur ses lèvres et me dépêche de sortir de la loge avant de finir toute nue et vraiment en retard. Il a quand même vraiment le don de m’exciter sans rien faire ou presque… L’attirance est bien là et pas sur le plateau où m’attend Patrick, aucun doute à ce propos !

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