58. L’un s’envole, l’autre garde les pieds sur Terre

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Angel

La vie est belle, non ? J’ai presque envie de siffloter et de danser, mais je n’en fais rien. Je préfère rester silencieux afin de ne pas réveiller la merveilleuse femme qui est endormie, nue, contre moi. Ce n’est que la deuxième nuit que nous passons ensemble et franchement, elle se passe aussi bien que la première. Je n’ai juste pas envie qu’elle sorte des bras de Morphée car j’ai peur que cela signifie qu’elle quitte mes bras et, qu’une nouvelle fois, elle décide de tout arrêter et de ne pas nous donner une seule chance de vivre quelque chose de beau.

Son souffle est régulier et elle a l’air apaisé de la femme qui dort du sommeil du juste. Je l’ai rarement vue aussi détendue, elle qui est toujours stressée que quelqu’un viole son intimité ou qu’elle ne soit pas à la hauteur des attentes de ses fans. Ici, dans l’intimité de sa chambre, dans mes bras, on dirait que c’est une autre femme, une nouvelle Rafie que j’espère éprise et incapable de m’abandonner à nouveau après cette folle nuit d’amour et de passion.

C’est fou ce que c’est intense entre nous et jamais je n’ai connu une telle frénésie de désir, une telle intensité de plaisir. C’est un peu comme si jusque là, quand j’avais cru aimer, je n’avais fait qu’effleurer la notion d’amour. Et là, je touche du doigt une réalité encore plus merveilleuse que je n’aurais osé l'espérer. Enfin, du doigt, l’expression est mal choisie car c’est tout mon corps qui est contre le sien. J’ai peur que si je m’éloigne trop, je n’aurai plus ma place et je reste donc lové contre elle qui a posé sa tête contre mon torse et qui m’enserre tel un doudou. Ma main est toujours posée sur ses fesses et l’autre est dans son dos, comme si notre étreinte ne s’était pas terminée et continuait malgré notre assoupissement. Le bonheur est éphémère, j’en ai conscience, mais là, j’ai l’impression qu’il pourrait potentiellement durer et ne jamais se terminer. Il suffit pour cela que je m’arrange pour que la nuit ne finisse jamais. Facile à faire, non ?

D'où je suis, j’ai une belle vue sur la cambrure de son dos. Malgré l’obscurité, je distingue le papillon tatoué dont les ailes semblent bouger au rythme des respirations de la magnifique femme dont je partage la couche cette nuit. Je suis comme hypnotisé par le mouvement rythmique de ce léger battement d’ailes et j’ai l’impression que je m’envole dans les airs, porté par cette force magique et irréelle. Notre lit passe par la fenêtre et commence à s’élever dans les airs. J’admire la vue sur la ville de Vancouver sous nos pieds et suis à deux doigts de réveiller Rafaela pour lui faire partager la merveille du spectacle, quand tout à coup, le lit se met à tourner sur lui-même. La ville a disparu et nous avons atterri sur une petite étoile, juste assez grande pour notre lit.

Rafaela se réveille alors et sa bouche vient immédiatement s’emparer de la mienne. Je rouvre les yeux et réalise que je me suis brièvement rendormi et que l’agitation due à mon rêve étrange a mis fin au sommeil de la splendide créature dans mes bras. Elle a l’air bien décidé à profiter du jour qui se lève pour reprendre nos ébats là où nous les avions laissés, entre deux orgasmes. Elle me couvre de petits baisers tout en caressant mon visage. J’aime comme elle se frotte contre ma barbe entre deux baisers, comme si sa félinité avait besoin de ça pour se convaincre que je suis réel, qu’elle et moi, ce n’est pas qu’un rêve mais que nous sommes véritablement nus dans le même lit.

Lorsqu’elle sent que mon sexe se réveille sous elle, elle se recule un peu afin de le saisir entre ses doigts. Elle le caresse lentement et surtout en parcourant toute la longueur avant de l’enserrer. C’est un peu étrange de la sentir m’étudier ainsi, de manière méthodique, alors que sa bouche, au contraire, se montre déraisonnée et passionnée. J’ai l’impression qu’elle joue à m’exciter et que son désir augmente au fur et à mesure qu’elle parvient à ce que mon sexe durcisse et grossisse sous l’effet conjugué de ses caresses et baisers. Ce matin, la coquine semble vouloir étudier en détails sa capacité à m’exciter car elle parcourt mon corps de ses lèvres, en commençant par mes paupières, mon nez, ma mâchoire et sa descente inexorable se poursuit par mon cou, provoquant chez moi quelques frissons que je ne peux réprimer. Le tressautement de ma verge dans sa main lorsqu’elle a fait ça a l’air de l’amuser au plus haut point car elle recommence à m’embrasser en exerçant une pression plus forte sur ma virilité qui n’en peut plus de se tendre. Alors qu’elle sent que je suis presque au point de non retour, elle s’arrête et se lève, le sourire aux lèvres.

— Je vais laisser la porte de la salle de bain déverrouillée, au cas où tu souhaiterais me rejoindre sous la douche… A toi de voir, minaude-t-elle en se dirigeant vers la porte, balançant outrageusement les hanches.

Je reste quelques secondes interdit, étonné qu’elle abandonne en route ce qu’elle avait si bien commencé. Mais son invitation est claire, elle souhaite que je vienne terminer ce qui a été commencé sous l’eau chaude de la douche. Je ne me fais pas prier et bondis hors du lit pour la retrouver dans la salle de bain où, mutine, elle s’est installée, les mains contre le mur, pliée en deux, les fesses en l’air et les jambes bien écartées. Elle tourne la tête vers moi et son regard est empli d’un désir insensé.

— Tu as oublié d’allumer l’eau, me moqué-je en m’agenouillant derrière elle et en empoignant ses fesses avant de déposer mes lèvres sur son si joli postérieur.

— Je t’ai dit sous la douche, pas sous l’eau, à ce que je sache, rit-elle. Mais si tu veux l’eau, je te la mets, bien évidemment.

J’adore le gémissement qui l’interrompt alors que ma langue s’introduit entre ses lèvres afin d’y recueillir ce nectar au goût si particulier, témoin de l’état de son excitation. Je me fais un plaisir de poursuivre mes caresses jusqu’à ce que les ondulations de son corps soient trop prononcées pour que je puisse continuer à me délecter ainsi. J’ai envie d’elle. Une folle envie de provoquer encore et encore chez elle des orgasmes qui sont pour moi une promesse qu’elle ne pourra plus s’en passer. J’allume l’eau de la douche qui commence à couler sur nous, d’abord très froide puis brûlante, mais nous ne ressentons ni l’un ni l’autre, trop occupés à nous unir à nouveau. Je l’ai en effet pénétrée d’un geste ample et possessif et mes grognements de plaisir se joignent à ses gémissements pendant que nos corps se répondent dans une étreinte où elle s’offre totalement à moi. Je vois mon sexe entrer et sortir d’elle tandis que l’eau commence à nous inonder autant que son intimité peut déjà l’être. Nos mouvements accélèrent et lorsque j’empaume ses seins, les vannes de notre plaisir s’ouvrent et nous nous retrouvons dans une jouissance à l'intensité dévastatrice. Je la sens se contracter autour de ma verge et je me déverse en elle, incapable de résister aux ondes de plaisir qui nous submergent et nous font voyager bien au-delà des endroits où mon rêve étrange m’avait emmené. La réalité est incommensurablement plus forte que n’importe lequel de mes rêves les plus fous.

— Je signe où pour que tous les matins du reste de ma vie ressemblent à celui-ci ?

— Y a pas de contrat qui peut garantir ça, désolée pour toi. Un matin ne fait pas l’autre, beau gosse, rit-elle.

Je tique un peu à sa remarque car j’avais espéré qu’elle soit dans le même état d’esprit que moi. Là, sa remarque me ramène tout de suite à la première fois où nous avons craqué l’un pour l’autre. Pourquoi me rappeler ainsi à la réalité éphémère de notre relation ? Je préfère ne pas lui répondre et me contente de me désengager de notre étreinte avant de récupérer le shampoing que je dépose sur ses cheveux avant de lui masser la tête. Je m’occupe ainsi de ses longs cheveux bruns en silence jusqu’à ce qu’elle se retourne et m’enlace en m’embrassant. Cette sensation de se retrouver alors que l’eau continue de s’écouler autour de nous est vraiment un plaisir et je la serre le plus fort possible contre moi. Comme tout à l’heure, quand j’étais au lit, je voudrais stopper le temps, l’empêcher de s’écouler pour ne pas la laisser filer entre mes mains.

— Pour toi, c’était donc encore une fois juste un matin parmi tant d’autres ? Un matin où l’on se fait plaisir et après, aussitôt passé, aussitôt oublié ?

J’ai horreur de m’entendre lui parler avec un ton si suppliant, presque désespéré. Je me sens tel un enfant à qui on a promis un jouet qu’on lui fait essayer avant de lui reprendre en disant qu’il coûte trop cher, qu’il est trop beau et qu’il va falloir qu’il s’en passe. Je trouve que c’est encore pire que de ne jamais avoir vu le jouet ou de ne jamais y avoir goûté.

— Heu… Je voulais juste dire que je n’étais pas aussi réveillée tous les matins, c’est tout. Maintenant, si tu veux discuter sérieusement de tout ça, c’est habillés devant un café et un petit déjeuner, parce que tu vas me déconcentrer, sinon.

— Je te déconcentre plus en faisant comme ça, demandé-je en lui savonnant les seins, ou plutôt comme ça ?

Je pose mes mains sur ses fesses et l’attire contre moi pour lui rouler une galoche d’anthologie. J’ai l’espoir un peu fou que si je l’excite et la rends folle de moi, elle ne va pas m’abandonner à nouveau. Et le pire, c’est que si elle me demande de rester pour n’être que son assistant, je suis presque sûr que je vais dire oui parce que j’aurai toujours l’espoir qu’une nouvelle nuit me soit offerte, même si c’est dans un an ou plus.

— Les deux ensemble, c’est l’idéal, sourit-elle. Il faudrait savoir ce que tu veux, par contre. Soit on discute… soit tu te poses mille questions et je fais de même, et on n’avance pas.

— Parce que toi aussi, tu te poses des questions ? J’ai l’impression que si je te laisse sortir de cette douche, tu vas simplement m’échapper et que je vais une nouvelle fois me retrouver tout seul et abandonné, avoué-je en lui ôtant les cheveux qui se sont glissés devant ses yeux.

— Bien sûr que je me pose des questions, Angel. On est deux, là-dedans, et… je ne peux pas m’empêcher de me demander ce que tu cherches vraiment, avec moi.

— Ce que je cherche ? Mais c’est facile, dis-je. Juste à ce que tu continues de m’empêcher de faire ma valise, que tu continues à me montrer que tu ressens la même attirance que moi à ton égard, que… Je n’ai pas envie de n’être qu’un simple assistant, Rafaela, ce rôle ne me convient plus et il me faut davantage pour être heureux. Si je te dis que depuis que je suis réveillé, je fais tout pour que ces moments ne cessent jamais, tu me prends pour un fou ?

Et puis, ce rôle en est vraiment un, en réalité. Même si je remplis toutes les missions de l’assistant, je n’en reste pas moins un détective embauché pour enquêter sur son fan. Si je parviens à découvrir son identité, est-ce que je vais vouloir rester dans mon rôle à ses côtés ou vais-je préférer retrouver mon vrai travail ? Et pourquoi est-ce que c’est si facile de lui mentir ainsi sur mon vrai travail ?

— Il va pourtant falloir aller bosser à un moment, soupire-t-elle avant de déposer un baiser sur mes lèvres. Je vais balancer ta valise par la fenêtre, ça évitera que tu la fasses en cachette. Et… il faut qu’on reste discrets, Angel… Si on se retrouve dans les médias, tout va changer pour toi et je doute que tu veuilles que les journalistes fouillent ta vie de fond en comble.

— Tu as honte de t’afficher avec moi, c’est ça ? Je ne suis pas assez connu pour toi ? demandé-je, un peu blessé par ses réponses qui n’en finissent pas de me ramener à la dure réalité de l’impossibilité de notre relation sur du long terme.

— Mais non, voyons ! Je n’ai pas du tout dit ça, soupire-t-elle. Tu interprètes, encore une fois. Stop ! Ça n’a rien à voir avec ta non célébrité, je m’en fous totalement de ça. Mais toi, t’es prêt à devenir célèbre ? Et j’entends par là, devenir le mec de Rafaela Lovehart ? Te retrouver en une des magazines people ? De… Je n’ai pas honte, je m’en fous de ce que peuvent penser les gens de mes relations, c’est ma vie. Mais ça risquerait de tout changer pour toi.

— Et si moi je suis prêt à tout changer pour toi ? Depuis que je suis à ton service, c’est déjà ce que j’ai fait. Alors, un peu plus, un peu moins, ça ne me fait pas peur. Je me fous des magazines, de la télé et de tout ce showbiz, tu le sais bien. Pour moi, tu es Rafaela, la femme dont j’ai toujours rêvé et le reste importe peu.

— Tu ne te rends pas compte de ce que ça implique, murmure-t-elle en éteignant l’eau. Sortons de là, je crois qu’on a suffisamment abusé de la terre pour ce matin. Et je crois qu’on doit y aller mollo, quand même. Est-ce que tu es si sûr de toi pour être prêt à te retrouver exhibé dans les journaux d’ici deux jours ? Prêt à être appelé “le mec de Rafaela” dès qu’on te reconnaîtra ? Tu n’as pas envie qu’on prenne notre temps ? Qu’on en parle à nos proches nous-mêmes avant que ça ne sorte de manière officielle ?

— Si, prenons notre temps et allons-y mollo, comme tu dis. Je m’adapterai parce que tu as sûrement raison.

Et ça vaut mieux que de me faire jeter au petit matin, non ? Ce n’est pas super satisfaisant, je voudrais avoir tellement plus. Mais quoi, au juste ? Je suis si accro que ça, déjà ? Si je veux être honnête avec moi-même, il faut que j’admette que je suis tombé follement amoureux et ça me fait peur de vouloir tant alors qu’elle parvient à rester les pieds sur Terre. C’est un peu comme si nous étions sur deux mondes différents, unis et rassemblés par une même passion, une même envie mais éloignés par la réalité de nos deux mondes qui ne peuvent que se télescoper. C’est grave, Docteur, si je préfère fermer les yeux et ne pas penser à ces lendemains qui déchantent pour me concentrer sur ce présent qui m’enchante ?

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