56. La guerre est déclarée et l'armistice négociée

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Angel

Je regarde le message que vient de m’envoyer Morgan en patientant pendant que Rafaela se change dans les loges. Ma patronne a passé sa journée à m’ignorer la plupart du temps, ne me parlant que pour que je lui rende tel ou tel service, et franchement, je commence à en avoir un peu assez. On dirait qu’elle me reproche d’être intervenu alors qu’elle allait se faire violenter. Franchement, vive la reconnaissance. Je suis sûr que si c’était Ben qui l’avait fait, elle n’aurait rien dit. Ben… Le voilà d’ailleurs en photo sur le message de Morgan. Sans chemise, serrant mon assistante dans ses bras. Ils ont l’air heureux sur le selfie qui est joint au message. Ils se sont bien trouvés tous les deux et filent le parfait amour, ce qui me rendrait presque jaloux de leur situation. Parce que de mon côté, clairement, la femme qui occupe mes rêves et mes pensées n’a pas envie de vivre ce genre de choses avec moi.

L’assistante de Philippe vient me trouver et me remet un petit courrier à transmettre à Quinn. Elle m’explique que ça vient d’un type qui menace Patrick à cause de la scène de sexe hier. Elle l’a trouvé ce matin dans sa loge. J’apprends aussi que sa voiture a été vandalisée hier soir, a priori par la même personne. Je la remercie et dès qu’elle est partie, j’ouvre la lettre et comprends immédiatement qu’il s’agit du même fou qui écrit depuis quelques mois à Rafaela. Le danger se rapproche et cela me conforte dans mon idée que j’ai bien fait de la suivre hier. Il doit forcément travailler ici, et lui aussi, hier, l’a suivie. Comment se fait-il que je n’ai rien remarqué ? Ce n’est pas dans mes habitudes, ça. Je devais vraiment être perturbé par le fait de la voir avec Patrick, pas possible autrement. J’essaie de me repasser en tête les différents moments de la journée, mais non, rien. Je n’ai vu personne qui faisait une filature. Soit le type est très fort, soit j’étais vraiment trop à l’Ouest.

Quand Rafaela sort enfin, elle passe à côté de moi en me snobant totalement. Pas un regard, pas un geste, pas une parole. Toutou va suivre de toute façon. Et sans râler parce qu’il est payé pour ça. Je ne comprends vraiment pas pourquoi elle s’est mise dans cette position vis-à-vis de moi. Comme si j’étais un gamin à qui il faut apprendre une leçon. Franchement, elle abuse. Je lui emboîte le pas et nous montons ensemble dans la voiture que je conduis, en l’absence de Ben.

— Patrick t’a dit qu’il avait lui aussi reçu un courrier de ton fan barjo et que sa voiture avait été vandalisée ? finis-je par demander pour rompre le silence que je trouvais trop pesant.

— Quoi ? Non, il ne m’a rien dit… Tu es sûr que c’est la même personne ?

— Oui, c’est le même style, il parle de toi comme étant sa future épouse et il menace Patrick parce qu’il ta embrassée au restau et qu’il a failli coucher avec toi sur scène. Le type est là et te surveille, tu sais ? J’ai vraiment bien fait de rester près de toi, hier.

Je ne sais pas si c’est une bonne idée de lui parler de tout ça, si ça va l’effrayer ou la contrarier, mais j’ai besoin d’essayer de modifier son attitude à mon égard. J’avais raison de la suivre et de la protéger hier, quoi qu’elle puisse en penser.

— Eh bien, tu parles d’un fan… En gros, il m’a regardée me faire agresser sans bouger son cul ? C’est beau, l’amour.

— Vu comment tu réagis quand on intervient, il a peut-être préféré rester à regarder et je peux le comprendre, répliqué-je du tac-au-tac.

— Est-ce que tu te rends compte du côté intrusif de ton acte, hier ? C’est ça qui me gêne, pas que tu sois intervenu, bon sang !

— Ouais, je sais. J’aurais mieux fait de te laisser gérer toute seule et tant pis pour toi s’il en avait profité. Je persiste à croire que j’ai bien fait d’être intrusif, tu vois, mais bon, tu n’as pas l’air d’être d’accord. Tu crois vraiment que tu aurais pu t’en sortir toute seule ?

— Et pourquoi pas ? Parce que je suis une femme ? Parce que forcément je suis une petite chose fragile ? Si Patrick n’a pas demandé mon consentement, tu n’as pas fait mieux, dans un autre contexte. Je t’avais demandé de rentrer, pas de m’espionner. Si je ne peux même pas te faire confiance, sur qui est-ce que je peux compter, moi ?

Là, j’avoue que je suis blessé. Elle remet en cause le fait qu’elle puisse me faire confiance ? Vraiment ? Après tout ce que j’ai fait ? C’est horrible, ça. Je n’arrive pas à trouver les mots pour lui répondre et m’emmure dans un silence protecteur, encore plus lourd que celui qui précédait cet échange.

Quand nous arrivons à la maison, elle me suit dans le salon et j’ai l’impression que pour elle, la discussion n’est pas close car elle m’interpelle à nouveau avant que je ne puisse me rendre dans ma chambre.

— Je veux bien entendre que ce fan fait flipper, Angel, mais te voir là-bas… Tu n’aurais pas dû être là, et si je te remercie d’être intervenu, je n’arrive pas à accepter que tu m’aies suivie comme ça, que tu te sois planqué pour m’espionner ou me protéger ou n’importe quoi, d’ailleurs.

— Tu n’aurais jamais accepté que je t’accompagne si j’avais demandé à le faire. Tu voulais être tranquille avec ton Patrick, alors j’ai fait ce que je croyais bon pour toi, c’est tout. Mais apparemment, cela a brisé toute la confiance que tu avais en moi, alors je me demande ce que je fais encore ici.

— Ben voyons ! C’est toi qui m’espionnes et c’est moi qu’on blâme ? C’est la meilleure, celle-là. Tu veux que je m’excuse d’être énervée que tu puisses me surveiller dans ma vie privée ? Tu n’en vois pas assez, peut-être ? Tu veux que je laisse la porte des toilettes ouverte, aussi ? Que je t’installe une chaise devant la douche ? J’aurais dû t’inviter à nous regarder baiser tant qu’on y est ? T’as pas l’impression que le fond du problème, c’est que ça te faisait chier que j’aille déjeuner avec Patrick ?

Le fond du problème est en effet ça. Je suis jaloux, je la veux toute pour moi mais jamais je ne pourrai lui avouer ça. Comment lui dire que le seul mec avec qui je veux la voir, c’est moi ? Impossible. Il me faut donc mentir.

— N’importe quoi. Je n’ai pas demandé à te regarder baiser, je me suis juste assuré de ta sécurité. J’ai bien compris que ton lit, c’était pas un endroit où j’avais le droit d’aller, ni même de regarder, tu sais. Je ne suis pas stupide. C’est juste que je tiens à toi et que je veux te protéger.

— Tu aurais au moins eu une bonne excuse, si ça avait été pour ça. Du moins si tu avais été honnête à ce sujet. Tu sais que tu es un très mauvais acteur au quotidien ?

— Ouais, eh bien, j’en ai marre de faire l’acteur. Je me casse. Tu n’as pas besoin de moi pour te protéger, j’ai bien compris. Je gêne et j’ai horreur de ça. J’appelle Ben pour qu’il revienne au plus vite, moi, je vais rentrer à Los Angeles. Ce sera mieux pour tout le monde.

Je ne lui laisse pas le temps de réagir et file vers ma chambre où je récupère ma valise que je lance sur mon lit, à peine la porte franchie. Je suis un mauvais acteur, c’est sûr, mais je ne vais quand même pas lui dire que je suis détective, que c’est ça mon vrai métier ? En même temps, si je me barre, autant tout lui dire, non ? Comme ça, je continue et finalise mon enquête maintenant qu’on sait presque qui c’est. Franchement, elle abuse de m’engueuler comme ça juste parce que j’ai fait mon boulot. Je sais bien moi, qu’elle n’est pas une pauvre femme sans défense. Mais quand même, ça ne lui a pas fait un tout petit peu plaisir que je prenne sa défense ?

Ma porte s’ouvre alors à nouveau derrière moi pendant que j’entasse mes sous-vêtements dans ma valise. Je me retourne et Rafaela débarque dans ma pièce en furie.

— Hors de question que tu partes, je te l’ai déjà dit, Angel, pas au beau milieu d’un tournage, pas… Non, non, tu ne pars pas. Je ne t’ai jamais dit que tu gênais, merde ! Tu détournes tout ou tu ne comprends rien, j’en sais rien, là, mais tu ne peux pas partir comme ça sur un coup de tête !

— Ce n’est pas un coup de tête, Rafaela. Depuis que j’ai fait l’erreur d’intervenir devant Patrick, tu me traites comme un minable. Pas un mot, que quelques ordres par ci, par là. Et tu me reproches cette intervention comme si c’était la pire chose qui t’était arrivée alors que moi, j’ai bien cru qu’il allait te violer. Je n’aurais pas supporté qu’il te touche, tu sais. Déjà que le baiser que j’ai surpris entre vous était assez difficile à vivre pour moi, je n’ai rien fait parce que tu avais l’air d’apprécier. Mais là, c’était juste pas possible pour moi… Il vaut mieux que je parte, tu vois, c’est déjà assez le bordel comme ça.

— OK, on va se calmer tous les deux, soupire-t-elle en refermant ma valise avant de monter sur le lit pour s’asseoir dessus. Tu n’étais pas censé voir ça, justement… Personnellement, j’aurais tout fait pour éviter de te voir embrasser quelqu’un, moi.

— Je peux t’assurer que ce n’est pas ce que je voulais voir, qu’il n’y avait aucune curiosité malsaine de ma part, Rafaela. J’étais vraiment là pour te protéger. Je ne suis pas garde du corps, mais Quinn m’a quand même demandé de veiller sur toi et je suis désolé de t’avoir désobéi, mais j’ai l’impression que j’ai cette responsabilité-là aussi envers toi dans le cadre de mes fonctions. Surtout quand Ben n’est pas là. Je ne supporterais pas que quelque chose t’arrive. Et jusqu’à ce que Patrick dépasse les bornes, tu ne m’avais pas remarqué, c’est que j’étais assez discret non ?

— Si Quinn veut tant que ça que je sois en sécurité, il n’a qu’à venir lui-même. Aux dernières nouvelles, c’est moi qui te paie un salaire, non ? Je… Il m’emmerde depuis plus d’un an pour que je sorte plus protégée, et il me colle un mec pour assistant, alors te voir jouer le garde du corps, forcément ça me fait me poser des questions. Bref, ce n’est pas vraiment le sujet, mais… je crois que je ne voulais simplement pas que tu me voies avec lui. Je ne voulais pas te blesser…

— Comment tu sais que ça me blesserait ? demandé-je avant de réaliser que la question aurait plutôt dû être “pourquoi”.

Mais bon, au point où on en est, est-il encore nécessaire de cacher mes sentiments à son égard ?

— Parce que je vois comment tu me regardes, Angel… et parce que si je te voyais en embrasser une autre, je serais sans doute blessée, moi aussi. C’est stupide parce qu’il n’y a rien entre nous, ce serait trop compliqué, mais… c’est comme ça.

— Toi, tu peux être rassurée, je n’ai envie d’embrasser qu’une seule femme, et elle est là, assise sur mon lit, en train de m’empêcher de faire la seule chose raisonnable qu’on peut envisager.

Machinalement, je retourne vers mon armoire et récupère quelques chemises, mais quand je reviens vers la valise, je me retrouve un peu comme un con, mes chemises à la main et Rafaela assise sur mon bagage.

— Si tu veux remplir ta valise, il va falloir me bouger toi-même, je te préviens.

— Parce que tu crois que je n’en serais pas capable peut-être ?

Je jette mes chemises au sol et me rapproche d’elle. J’essaie de prendre un air menaçant, mais je ne dois pas vraiment y parvenir car elle éclate de rire en me voyant faire.

— Je commence à trembler de peur, pour information, me dit-elle en tentant de rester sérieuse.

— Tu abuses, là. Je vais te faire bouger de là, tu vas voir que tu as raison de trembler de peur, ma petite.

Je m’avance et l’attrape par les hanches alors qu’elle s’accroche comme elle peut à la valise. Voyant qu’elle ne va pas céder si facilement, je remonte un peu mes mains et commence à la chatouiller. Elle se met à rire et gigoter entre mes bras en essayant de se maintenir comme elle peut mais finit par lâcher prise et j’arrive enfin à la soulever. Immédiatement, ses jambes viennent s’enrouler autour de moi, et ses bras se nouent autour de mon cou. Elle n’est plus sur la valise, mais, dans cette position, je suis toujours dans l’incapacité d’accéder à mon bagage. Je vais protester quand nos regards se croisent. C’est comme si nous nous retrouvions à nouveau dans ce monde parallèle où rien d’autre n’existe. Notre proximité est telle que j’ai l’impression qu’il y a des éclairs qui sortent de nos corps et se rejoignent, nous attirent, nous empêchent de nous séparer.

Et là, je ne sais pas ce qui me passe par la tête mais mes lèvres sont irrémédiablement attirées par les siennes. J’ai le sentiment que l’attraction est mutuelle car quand je penche la tête, elle entame le mouvement inverse et nous nous retrouvons à mi-chemin, prolongeant notre étreinte par un baiser qui commence d’abord timidement mais continue rapidement vers plus de passion. C’est comme si toutes les digues cédaient, comme si les murs que nous avions érigés s’écroulaient sous l’effet d’une tempête d’émotions et de sentiments trop longtemps contenue. Je ne sais pas ce que ça va impliquer pour nous, ce baiser, ce que je sais, c’est que c’est là où je veux être maintenant. Et que je n’accepterai plus jamais qu’un autre homme prenne ma place. Qu’importe les conséquences.

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