35. La Diva ne peut pas être lambda

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Angel

Je suis en train de déraper complètement, là. Non mais c'est vrai, quoi. Quelle idée d'aller nager avec ma patronne… et de jouer comme ça jusqu'à me coller tout contre elle en la maintenant par les bras. Si j'avais voulu, j'aurais pu lui voler un baiser. Bon, il faut que j’arrête de me voiler la face, j'en ai eu envie et pas qu'un peu. J'étais vraiment à deux doigts de craquer et je n'aurais pas dit non si elle s'était offerte à moi, là dans la piscine. La preuve en est que je suis encore tout excité une heure après alors que je suis seul dans mon lit.

Il faut dire que je suis un peu en manque. Depuis que je suis au service de Rafaela, je n'ai pas eu de partenaire, ça commence à peser et je me demande si je ne devrais pas retourner voir la petite Lucie à l'accueil. Même si elle préférerait ma patronne, elle ne m'a pas non plus fermé la porte et, en plus, elle a bientôt fini son service.

A l'idée qu'elle vienne me rejoindre dans ma chambre, je commence à me caresser, mais rapidement dans ma tête, son corps menu est remplacé par les courbes sensuelles de Rafaela et c'est en imaginant la star que je fantasme et me conduis à la jouissance. Purée, la proximité avec elle ne me réussit pas. Je ne vaux peut-être pas beaucoup mieux que tous ces pervers qui se caressent en matant ses photos. C'est fou, je n'ai jamais été aussi peu professionnel. Et la piscine ou la robe "ouverte" ne justifient pas tout.

Je repense à la conversation qu'on a eue dans l’eau alors que je ne pensais qu'à la plaquer contre le rebord pour lui faire l'amour. Elle aimerait avoir une vie normale et peut-être que je pourrais revenir à mon rôle d’assistant de manière plus professionnelle et lui organiser ça demain pour notre journée quartier libre dans la capitale française…

Au réveil, j'ai toujours cette idée en tête et je me dis que la nuit a porté conseil. Je vais lui organiser cette journée incognito et lui faire profiter de Paris comme une simple touriste lambda. Elle va adorer, c'est sûr. Je commande à la réception un petit déjeuner royal avec les pains au chocolat dont elle raffole et je frappe à sa porte avant de rentrer dans son petit salon avec ma carte.

— Room service ! Café et croissants à volonté ! lancé-je doucement pour m'annoncer. Service au lit ou au salon ?

— J’arrive dans une minute ! me répond-elle derrière la porte de sa chambre.

J'installe tout sur la petite table et appelle la réception à nouveau pour leur faire une autre demande. C'est bien le luxe, finalement, ça facilite le travail des assistants. J'ai à peine raccroché que ma belle patronne ouvre sa porte et me rejoint, vêtue d'un simple boxer de nuit et d'un tee-shirt avec un gros motif de papillon aux couleurs de l'arc-en-ciel.

— Bon appétit ! J'essaie de rattraper la lenteur du service hier pour la privatisation de la piscine.

— Je ne t’ai rien dit pour hier soir. Tu t’es trouvé lent ? rit-elle en s’installant.

— Tu m'as quand même bien mis la pression, je trouve ! Et je t'ai préparé un petit programme qui devrait te plaire aujourd'hui.

— Je trouvais que tu te reposais trop sur tes lauriers, il fallait te montrer que le job d’assistant n’est pas si facile que ça. C’est quoi, le programme, monsieur l’assistant ?

— Une journée de tourisme loin des paparazzi ! Et c'est toi qui choisis le programme, enfin sauf pour le restaurant. On va manger sur la Place des Vosges, il paraît que c'est magnifique.

— Loin des vautours ? s’esclaffe-t-elle. Et comment tu comptes réaliser ce petit miracle, au juste ?

— On va jouer aux agents secrets ! La discrétion et les déguisements, ça me connaît. Tu me fais confiance ?

— Heu… oui, mais il ne vaut mieux pas pour toi que ça foire, je te préviens.

— Ne t’inquiète pas, j'ai pensé à tout, Madame Smith. D'ailleurs, voici tes habits du jour, je pense, dis-je en me levant pour aller ouvrir la porte alors qu’on vient de frapper. Très bien, merci. Il y a tout ce que j’ai demandé ?

— Oui, Monsieur. Pour la casquette, c'est une avec l'Arc de Triomphe et pas la Tour Eiffel, ça ira quand même ?

— Oui, parfait. Merci.

Je récupère le tout et le tends à Rafaela qui me scrute, intriguée.

— Voilà ton costume du jour, Madame Smith. Moins glamour que la robe d’hier mais beaucoup plus discret !

— Donc… je me déguise en touriste sans goût, c’est ça ? pouffe ma patronne en mettant la casquette.

— Oui, et surtout tu caches tes jolies formes, ajouté-je en montrant le jogging aux couleurs de la ville. Avec tes lunettes de soleil, personne ne fera attention à toi ! Promis ! Il te faut combien de temps pour être prête ? Tu viens frapper à ma chambre quand c'est bon ? Je vais prévenir Ben. Je crois qu'il va vouloir nous suivre de loin.

— Très bien… Donne-moi dix minutes. On verra ce que donne ton plan, mais ça ressemble beaucoup à mes tentatives à L.A et ce n’est pas toujours une réussite. A tout de suite, me lance-t-elle en gagnant sa chambre.

— Pas besoin d'aide pour t'habiller aujourd'hui ? demandé-je avant d'ouvrir la porte.

— Ça devrait le faire, je sais encore mettre un jogging, promis !

Je sors de sa chambre, préviens Ben et finis de me préparer. Quand elle frappe à ma porte, j’ouvre et suis ravi de la découvrir affublée de la tenue que j’ai choisie. Il ne manque plus que le chewing-gum dans la bouche et la caricature serait parfaite.

— Bon, c’est pas mal, tout ça ! Tu es encore trop jolie pour être vraiment discrète, mais ça devrait aller. Ben est allé vérifier que personne ne traîne à l’arrière de l’hôtel. Comme il n’est pas remonté, c’est que la voie est libre. Prête pour ta journée détente ? On commence par quoi ?

— Peu m’importe… J’ai juste envie de flâner à l’air libre, en fait. Tu es sûr que c’est une bonne idée ?

— Pour les Français, rien ne ressemble autant à une touriste américaine qu’une autre touriste américaine. Et puis, à mes côtés, les gens vont juste me regarder, va, ne t’inquiète pas. On va aller sur les bords de la Seine et marcher jusqu’aux Champs Elysées !

— Je te suis, je n’ai pas trop le choix de toute façon, puisque tu as kidnappé mon garde du corps, sourit-elle.

Nous sortons de l’hôtel par l’issue de secours et Ben nous sourit, le pouce levé en l’air pour nous signaler que la route est libre. Je lui ai demandé de se joindre à nous, mais il préfère rester un peu en retrait pour surveiller de manière plus efficace, selon lui. Nous débutons la promenade en marchant sur des pavés, ce que je trouve très exotique, avant de nous rapprocher de la rivière qui traverse la capitale. A plusieurs reprises, nous croisons d’autres touristes, et à chaque fois, je sens que Rafaela se tend, mais quand elle constate que personne ne l’aborde, elle se détend peu à peu et finit par sourire plus franchement sous sa belle casquette.

— Tu vois, c’est agréable, non ? Là-bas, c’est Notre Dame, tu as vu ?

Je suis de mon côté tout excité de découvrir la capitale française et tous ces beaux monuments historiques que je n’ai vus que dans des livres jusqu’à présent.

— Eh bien, tu t’es recyclé en guide touristique ? rit ma patronne en glissant son bras sous le mien. Je confirme que c’est agréable, oui. Et suffisamment rare pour que je savoure.

— Je suis plutôt un enfant qui est en train de réaliser un de ses rêves. Regarde, on voit la Tour Eiffel d’ici ! Cet après-midi, on monte tout en haut !

— Monter sur ce machin ? Hors de question. Je déteste quitter la terre ferme, moi… Je t’attendrai en bas.

— Hors de question, si je monte, tu montes. Tu es une touriste classique aujourd’hui, alors, on fait ce que le guide dit ! Pas de négociation possible !

— Ah non, tu rêves, là ! Si tu penses que tu peux m’obliger à grimper là-haut, tu te fourres le doigt dans l’œil !

— Alors, je vais te proposer un marché. Si tu montes, tu auras le droit de me demander ce que tu veux et je le ferai. Si tu restes en bas, c’est moi qui pourrai tout te demander. D’accord ?

— J’ai autre chose à te proposer, moi. Si tu m’obliges à monter, je te vire. D’accord ? me dit-elle très sérieusement en me toisant du regard.

— Sérieusement, tu as peur à ce point-là ?

— Possible, oui… J’ai peur du vide et tu veux m’emmener là-haut, tu te rends compte ? Ou alors… j’en rajoute un peu, je joue ma Diva. Qui sait ?

— Bon, on verra sur le moment, alors. On va prendre le métro pour aller au restau en attendant, ça te va ou tu préfères le taxi ?

— Le métro, vraiment ? Tu crois que c’est judicieux ? Je… OK, va pour les transports en commun. Je te fais confiance. Le restaurant, en revanche, je ne suis pas sûre que ce soit une bonne idée.

— Ça va aller, patronne, tu es ici incognito !

J’affiche plus de confiance que je n’en ressens réellement mais c’est le meilleur moyen de la rassurer. Et franchement, les chances que quelqu’un la reconnaisse sont quand même faibles. Rafaela Lovehart dans le métro ? Aucune chance. Les gens vont la prendre pour un sosie au pire. Et effectivement, tout se passe bien. Quand nous ressortons près de la place des Vosges, ma touriste préférée est tout sourire.

— C’était ta première fois dans le métro, n’est-ce pas ?

— Depuis que je suis en haut de l’affiche, oui. J’aime ma tranquillité et je crois que je subis déjà suffisamment la célébrité pour ne pas en rajouter.

— J’espère que ça t’a plu. Tiens, voici le restaurant, lui indiqué-je en montrant une jolie porte bien décorée. Tu as faim, j’espère ?

— Il paraît que l’appétit vient en mangeant. On peut aussi se prendre un sandwich et éviter de se retrouver à table avec des gens, non ? Enfin… je vais vraiment manger avec ma casquette ?

— Non, tu as raison. Partons pour un sandwich alors, je ne voudrais pas que tu fasses une indigestion parce que tu serais stressée. Je crois que j’ai aperçu une boulangerie, là-bas, près du musée Carnavalet, soupiré-je, résigné.

— Tu as réservé ? Le menu me tente bien, j’avoue… Je n’en sais rien, marmonne-t-elle. OK pour le restau, mais dans un coin tranquille… Par contre, tu rêves toujours pour la Tour Eiffel.

— Comme tu veux, patronne. Je veux juste que tu passes une bonne journée, moi.

Nous pénétrons dans le restaurant et nous sommes à peine assis que le serveur qui se plante devant nous écarquille les yeux devant Rafaela qui, plongée dans le menu, ne l’a pas vu. J’essaie de lui faire signe de partir mais il semble comme figé devant ma patronne qui, malheureusement, se rend compte que quelque chose cloche.

— Un souci ? J’ai quelque chose sur le visage ? soupire-t-elle en reposant le menu. Je vais prendre les coquilles Saint Jacques en entrée, et le plat vegan. Messieurs, vous êtes décidés ?

— La même chose que Madame pour moi, dis-je après avoir laissé Ben commander son tartare de bœuf. Et surtout, de la discrétion, je compte sur vous pour ne pas transformer ce plaisant repas en foire, si vous voulez que nous vous fassions de la bonne pub, grommelé-je alors qu’il opine de la tête avant de s’éloigner.

— Tu aurais dû lui faire signer une clause de confidentialité, parce que là, c’est mort, marmonne Rafaela en s’enfonçant dans son siège.

— Ça va aller, patronne. Le petit jeune n’avais jamais vu de jolie femme, c’est tout, intervient Ben qui sent que je vais avoir besoin de soutien.

— On va manger et tu verras, tout va bien se passer !

— On parie combien que tout ça va partir en couilles ? Et qu’en plus, je vais me faire afficher en jogging dégueulasse dans les médias ? Magnifique… se lamente-t-elle en ramenant ses cheveux sur son visage.

— Il n’est pas si dégueulasse que ça, murmuré-je. On pourra toujours dire que c’est la ville de Paris qui voulait que tu leur fasses de la pub. Je vais aller le voir et je suis sûr que contre un autographe, il va nous laisser tranquille.

— Ben voyons. On est bien loin de la vie ordinaire, là. Tu dois donner un autographe pour pouvoir déjeuner tranquille, toi ? grimace-t-elle. Et il faudra sans doute en prévoir un pour sa collègue, vu qu’ils regardent dans notre direction, la discrétion n’est pas la plus grande qualité de notre serveur. Tu peux leur demander de l’eau, au passage ? Merci.

Je soupire et me dis que c’est raté pour la bonne ambiance, mais je vais quand même faire le nécessaire auprès du staff du restaurant, en demandant à parler au patron qui m’assure qu’il va faire ce qu’il faut pour que tout se passe au mieux. De ce côté-là, je pense que ça va aller. Par contre, du côté de ma patronne, ça n’est pas trop le cas. En effet, même si elle se prête au jeu du selfie avec les deux serveurs avant de sortir, je sais que ce repas n’est pas une réussite. C’est vraiment compliqué de vivre avec une célébrité connue internationalement. Pas un endroit où on peut vraiment être tranquille. Je comprends de plus en plus son désir parfois de vouloir tout quitter.

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