34. La Diva se met à l’eau

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Rafaela

J’observe la foule massée devant le Grand Rex à travers la vitre de la voiture et souris en reconnaissant deux fans que j’ai pu rencontrer lors de ma visite de l’an dernier. Ce petit moment a été fort agréable et ce sont deux jeunes femmes vraiment adorables. J’essaie en revanche de ne pas trop stresser après la déconvenue d’hier soir, mais je ne peux m’empêcher de frissonner en repensant à ce moment. Heureusement que la soirée s’est mieux terminée. J’ai plutôt bien dormi dans les bras de mon assistant. Je devrais culpabiliser d’avoir dépassé la limite, mais c’était trop agréable pour que je m’en veuille réellement.

— Ben, tu ne me lâches pas, hein ? ne puis-je m’empêcher de lui demander alors qu’Angel m’ouvre la porte.

— Ne t’inquiète pas, on est en France, ici. Les hommes respectent plus les femmes, non ? Et sinon, je leur casse la gueule.

Je hausse les épaules, le sourire aux lèvres, et sors de la voiture en prenant garde à ma tenue. Magnifique, cette robe, et c’est peu dire, mais pas très pratique quand même.

Le volume sonore gagne en intensité et j’entends mon prénom venir de partout, mais je me dirige sur le bord gauche où se situent les deux filles que j’ai déjà rencontrées. Et c’est parti pour une longue session de photos et d’autographes, tandis qu’Angel et Ben sont chacun d’un côté de moi et apparemment hyper vigilants. James arrive alors que je suis encore en train de poser avec les fans, et nous prenons le temps de nous laisser prendre en photo ensemble avant que je m’engouffre dans le cinéma. Et encore une fois, projection, blabla, soirée. On prend les mêmes acteurs, les mêmes membres du staff, de nouveaux journalistes, de nouveaux privilégiés, et on recommence. Je suis fière que le film ait encore reçu un accueil chaleureux, mais vraiment épuisée par ces mondanités redondantes. Surtout qu’un journaliste avec qui j’ai possiblement couché il y a quelques années ne me lâche pas la grappe. J’ai déjà fait signe deux fois aux garçons pour que l’on lève le camp, mais le beau David ne semble pas vouloir abandonner et tente de maintenir mon attention tout en m’empêchant de décamper. Angel finit même par me rejoindre et se plante à mes côtés. Je ne saurais dire si m’attendre l’agace ou s’il se demande s’il y a un problème.

— Ah, Angel… Je te présente David. David, voici mon assistant. Et sa présence veut dire que ma voiture est arrivée, je file. Merci pour cette conversation, et à bientôt.

— Je peux venir avec vous, si vous le désirez, belle colombe, demande le journaliste.

— Je crois que ça ne va pas être possible. Madame a un rendez-vous privé, répond mon assistant en français, à ma grande surprise.

— Voilà. Je suis désolée, David. Bonne fin de soirée !

Je tourne les talons rapidement et rejoins Ben, suivie de près par Angel. La voiture nous attend et nous nous y engouffrons après avoir encore eu droit à une petite séance d’autographes pour les derniers fans présents à la sortie. J’enlève mes chaussures en soupirant et ferme les yeux. Ça y est, les mondanités sont terminées et bientôt, je vais retourner en studio. Enfin.

— Merci de m’avoir extirpée de là, Angel. David est un peu collant.

— Tu m’étonnes, il avait envie de dérouler les bandes qu’on a passé tant de temps à accrocher !

Je souris en jetant un œil à cette superbe robe et pose ma tête contre la vitre en attendant que le trajet passe. Voilà une semaine bien éprouvante de terminée, entre le stress des critiques, la pression de devoir sourire et être agréable, l’overdose de contacts et de socialisation… J’ai hâte de retrouver la maison, même si le passage sera bref. Juste une petite journée en solitaire, loin de tout contact humain ou presque. C’est dingue de parfois se sentir si seule, mais de rêver aussi de cette solitude. Je me sens un peu bête, quand j’y pense.

Comme les fois précédentes, Angel et Ben respectent mon besoin de silence et le trajet se passe dans le calme. Il n’y a qu’une fois dans la suite qu’ils commencent à discuter, et je ne les dérange pas en filant dans ma chambre pour enlever cette robe, non sans mal, mais seule. Le jacuzzi me fait de l’œil, mais j’ai surtout envie de filer à la piscine. Même si je suis fatiguée, j’ai envie de nager et de n’entendre que le bruit de mes mouvements dans l’eau.

— Angel ? interpellé-je mon assistant en sortant en peignoir. Tu peux voir avec l’accueil si la piscine est ouverte ? Et gérer avec eux pour qu’elle le soit pour moi, si ce n’est pas le cas ?

— Je vais demander si c’est possible, oui. Mais sinon, il y a le jacuzzi, tu sais ?

— Tu as déjà réussi à nager dans un jacuzzi, toi ? Parce que moi non. Si j’ai envie d’aller à la piscine, ce n’est pas juste pour faire trempette.

— D’accord, je vais voir ce que je peux faire, soupire-t-il, résigné.

— Super. Et si elle est ouverte, dis-leur que je veux qu’elle soit privatisée, dis-je en retournant dans ma chambre.

Est-ce que j’abuse ? Carrément. Mais voir sa tête en valait la peine. Et puis, privatiser la piscine, c’est possible. Surtout quand on s’est retrouvée avec un couple de marseillais en vacances collé au train, à la limite du harcèlement, dans cette même piscine, il y a quelques années. Pas de service de sécurité particulier, c’était le bonheur.

Je récupère mon maillot de bain dans mon sac et prends le temps de me démaquiller avant de l’enfiler. Quand je ressors de ma chambre, Ben est assis sur le canapé, en train de rire alors qu’Angel a l’air totalement dépité, au téléphone. Le pauvre… mais c’est assez drôle à voir et je suis contente d’être actrice et de parvenir à me retenir de rire. Il a trop pris la confiance, mon bel assistant. Il est temps de le tester un peu, non ?

— Alors ? demandé-je lorsqu’il raccroche en tendant la bouteille de champagne à Ben pour qu’il me l’ouvre.

— Ils disent que ce n’est pas possible, qu’il n’y a personne pour assurer la sécurité et qu’il faut attendre demain. Je crois que c’est mort pour ce soir.

— C’est maintenant que j’ai envie de me baigner, pas demain, soupiré-je en me servant une coupe. Je n’accepte pas de non, je veux aller à la piscine.

— Et tu veux faire comment pour leur forcer la main ? Tu sais, ce sont des Français, ils pourraient se mettre en grève si tu les brusques trop.

— C’est ton rôle de trouver la solution, souris-je en m’asseyant à côté de Ben.

— Ouais, ben je fais ce que je peux, tu sais ? Et encore heureux que je parle français parce que leur anglais, franchement, il n’y a rien à y comprendre. Je vais descendre pour aller user de mes charmes auprès de la réceptionniste, j’espère que ça suffira.

— Les autres assistants ne t’ont pas dit qu’on ne disait jamais “non” à sa star ? Remarque, les filles devaient être trop occupées à baver devant toi pour te donner de bon tuyaux.

Merci les années d’expérience, je doute que la pointe de jalousie que je ressens à cette évocation se voie.

— Et ne va pas trop loin avec tes charmes, sinon ça s’apparenterait à de la prostitution, ajoute Ben, à deux doigts de me faire rire.

— C’est toi que je vais vendre ! lance-t-il avant de disparaître en courant presque pour effectuer sa mission.
— J’ai bien joué la Diva, ça va ? demandé-je à Ben. Tu veux du champagne ?

— Ouais, pas mal, répond-il en souriant. Et lui, il court en plus. Et vous savez quoi ? Je crois bien qu’il va y arriver, en plus. Il faudra que vous pensiez à le récompenser ! Et non, pas de champagne, j’ai déjà mal à la tête de tout ce bruit, je crois que j’ai besoin de me reposer.

— Bien, je te libère alors, va te reposer. Ou je joue ma Diva et te demande d’assurer ma sécurité à la piscine, j’hésite, plaisanté-je en me levant. Allez, bonne nuit Ben, et merci pour cette semaine, tu as assuré.

— Je vous connais assez bien pour savoir que vous ne me demanderez pas ça. Et c’est toujours un plaisir de vous accompagner, vous savez. Un vrai honneur d’être le garde du corps et chauffeur d’une artiste comme vous. Bonne nuit, la Diva.

Je lui souris sincèrement et l’observe gagner sa chambre en me demandant si Angel va réussir à faire ouvrir la piscine. Ok, ma demande est un peu déplacée, mais j’ai vraiment envie de me baigner, moi. Si j’étais à la maison, je n’aurais qu’à sortir de mon salon pour pouvoir le faire.

Après quelques minutes d’attente en sirotant mon champagne - vive la vie de star - je finis par sortir de la suite pour gagner le hall. En peignoir… À une heure du matin. Normal. Angel est accoudé au comptoir, il semble en pleine discussion avec la réceptionniste et je me demande à quel point il joue de ses charmes.

— C’est bon ou je vais finir ma longue journée frustrée ? demandé-je en me postant à ses côtés.

— Oui, c’est bon. Mademoiselle n’avait juste pas envie de me voir partir si vite. La piscine est à toi et tu n’y seras pas dérangée. Mission accomplie !

— Magnifique. Tu m’y rejoins ? Ou… tu vas être très occupé ?

— Oh, tu veux que je vienne avec toi ? Je croyais que tu voulais être tranquille, mais je ne dirais pas non à une petite nage. J’adore aller à la piscine.
— Bien, alors piscine. Merci, Mademoiselle.

Je ne m’attarde pas et prends les escaliers pour descendre au sous-sol. J’adore vraiment cette ambiance, les lumières qui viennent du sol, la pierre aux murs, la petite cascade dans un coin. Je ne tarde pas à m’immerger dans l’eau et aligne les allers-retours jusqu’à ce que mon assistant me rejoigne. Je le regarde enlever son peignoir et descendre à son tour dans la piscine.

— Ça valait le coup de galérer, non ?

— Oui, mais ça va te couter cher. La petite Lucie, à l’accueil, elle veut un autographe et une entrée lors de la prochaine avant-première en France. J’ai dit oui à tout pour que tu puisses avoir ton petit plaisir. Mais comme tu dis, ça valait le coup. C’est tellement agréable de se relaxer comme ça. Tu n’as pas invité Ben ?

— Il est parti se coucher. Tu as pris les coordonnées de la demoiselle pour toi ou pour la prochaine avant-première ?

— Je crois qu’elle est plus intéressée par toi que par moi. Si tu lui demandes, elle passe la nuit avec toi, c’est certain.

— La célébrité attire… C’est fou comme on peut être séduisant quand on est connu, grimacé-je.

— Je crois que c’est surtout parce que tu es la plus belle femme du monde, ou presque. Franchement, personne ne dirait non à une nuit avec toi !

— Tu as rencontré toutes les femmes du monde pour affirmer ça ? pouffé-je en l’éclaboussant.

— Eh ! C’est comme ça que tu me remercies après avoir réalisé ton souhait et t’avoir flattée ? Eh bien, merci ! rit-il avant de se rapprocher de moi pour m’envoyer à son tour des tonnes d’eau sur le visage grâce à ses bras puissants.

Je me laisse couler pour m’échapper de là et profite de mon passage près de lui pour lui pincer le flanc avant de regagner la surface de l’autre côté de la piscine. Angel est déjà en train de me rejoindre.

— Tu sais que la dernière fois que je suis venue ici, deux personnes m’ont accostée et tenu la grappe pendant toute ma baignade ? Et qu’ils ont dû me suivre je ne sais comment parce qu’ils ont sonné à la porte de ma suite le lendemain ? Les joies de la célébrité… Tranquille nulle part.

— Tu es célèbre, tu dois être habituée, non ?

— Si je ne suis pas capable de me décider quant à savoir si on s’habitue au luxe, je peux t’assurer que je ne m’habituerai jamais à tout ça. Tu te rends compte qu’à la maison, je ne peux pas sortir faire des courses sans être accostée ou suivie par des paparazzi ? J’en suis réduite à ne pas sortir avec ma sœur et ses enfants pour qu’ils ne se retrouvent pas affichés sur Internet et dans les magazines people.

— Oui, j’imagine que ce n’est pas facile, mais ça a des bons côtés aussi. On est bien dans cette piscine quand il n’y a pas quelqu’un qui s’amuse à vous éclabousser pour le plaisir d’embêter les gens.

— Bien sûr que ça a de bons côtés, et heureusement. Mais j’aimerais bien pouvoir mettre les choses en pause, parfois, et juste vivre comme Madame Tout-Le-Monde… Éclaboussures en plus, souris-je en recommençant à l’arroser.

— Ah mais si tu es Madame Tout-Le-Monde et pas ma patronne, ça veut dire que je peux te faire ça ! me lance-t-il avant de me sauter dessus et de me bloquer les mains dans mon dos en se collant contre moi. Voilà, tu fais moins la maligne, maintenant ! Finies, les éclaboussures !

— Arrête, pouffé-je en me débattant comme je peux.

Je ne suis pas sûre de faire tout ce qu’il faut pour vraiment me libérer de sa prise… Trop agréable pour vouloir que ça s’arrête. Surtout qu’en me débattant, je me retrouve pressée contre son torse. Je suis en train de totalement déraper, non ? Je devrais sans doute mettre un terme à tout ça, mais je profite le temps que ça dure. Quand Angel me relâche finalement, je suis un peu trop excitée pour que tout se passe bien si je ne fais pas davantage attention, d’autant plus que le regard de mon assistant n’a plus rien de simplement professionnel ou amical. Merde…

— Bon, je vais aller me coucher, soupiré-je. Profite de la piscine comme une star, si tu veux. Bonne nuit, Angel.

— Bonne nuit, Rafaela. Et pas de bêtise avec la petite jeune de l’accueil.

Aucun risque, je crois bien que mes pensées vont être occupées à autre chose. Comme par exemple repenser à son torse contre le mien… surtout en prenant une bonne douche avant de me glisser sous les draps. Magnifique, si je me mets à fantasmer encore plus sur mon assistant, je ne suis pas du tout dans la galère… Pas comme si on vivait ensemble. J’ai toujours le chic pour me mettre dans ses situations invivables, moi.

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