Chapitre 4

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Mon carton dans les mains, je dévisage la maison qui se dresse devant moi. Ou plutôt, la villa. Parce que ce n’est pas une maison mais bien plus une villa qui se dresse devant moi. Un énorme palais que seuls les riches possédent. D'ailleurs, la rue Collonges-la-Rouge est connue pour n'habriter que des familles gagnant plus en un mois que ma mère en une année. John sort de la voiture et claque la portière. Il vient se poster près de moi.

  • C’est. Quoi. Cette. Baraque.

Visiblement, il est aussi impressionné que moi par la taille exagérée des fenêtres, les multiples étages, la piscine en arrière plan, les deux balcons et les plantes tropicales qui dégoulinent de partout… Cette maison pue l’argent à plein nez ; si fort, que j'ai du mal à respirer. J’attrape la main de Mich tandis que Maman nous offre un grand sourire.

  • Elle n'est pas belle ?

Avant qu’aucun de nous n’ai eu l'occasion de répondre, la lourde porte d’entrée s’ouvre et laisse sortir une grande et mince femme. Ses cheveux blonds cendrés descendent en boucles jusqu’à sa taille. Sa robe crème, sans aucun pli apparent, est assortie à ses yeux émeraudes. Elle est très belle. Lorsque ma mère l'aperçoit, son sourire s’élargit. La femme nous rejoint en trois pas sur ses talons aiguilles.

  • Les enfants, je vous présente Sandra. Sandra, voici Charlie, John et Michael.

Elle nous tend une main que personne ne saisit. Je me demande où est-ce que Maman a pu la rencontrer. Peut-être a-elle été une de ses patientes ou bien une ancienne copine d'école ? Je garde en mémoire d'interroger Maman là-dessus, un jour où nous serons seules.

  • Je suis si ravie de faire votre connaissance ! Avant de vous montrer vos chambres, je voulais vous dire que les enfants ne sont pas au courant, pour… vous savez… enfin...nous, déclare-t-elle en pointant alternativement son doigt entre maman et elle, hésitante quand à nos connaissances sur le sujet Maman-Sandra.

Michael la contredit immédiatement, d'un air particulièrement sérieux et concentré.

  • Bien sûr que si, nous sommes au courant ! C’est Maman qui nous l’a dit !
  • Je sais que vous êtes au courant, mon petit, rit-elle. Je parlais de mes enfants.

À nouveau, je me prends un coup de poing dans le ventre. C’est le deuxièmeque je reçois, en deux jours. Je ne sais pas si j’arriverais un jour à me faire à la douleur ainsi qu'au sentiment qu'il provoque. Là aussi, c’est John qui part au quart de tour.

  • Ses enfants ! Mais ça aussi tu comptais nous le cacher !

Je lui saisis le bras pour qu'il se calme avant de jeter un regard noir à ma mère. Que nous cache-t-elle encore ? D’un air faussement enjoué, je déclare :

  • Bon, on la visite cette maison ?
  • Oui, oui, acquiesce Sandra. Mais ils croient que nous sommes de bonnes vieilles amies !

Visiblement, cette situation ne la ravit pas. Mais sans doute a-t-elle ses propes raisons de ne pas vouloir confier à ses enfants la véritable relation qu’elles entretiennent.

Sandra clos la lourde porte d’entrée derrière nous. L’intérieur est encore plus somptueux que la facade. Mais, je ne me laisse pas embobiner par la richesse des lieux. Chacun a ses secrets. Seulement, certains sont plus enfouis que d’autres, c’est tout.

  • Les enfants, ils sont arrivés ! crie Sandra en direction de l’escalier.

Une véritable cacophonie nous répond. Des pas se font entendre avec des cris puis des bambins descendent en courant les escaliers .

  • Les enfants, je vous présente John, Michael et Charlie avec leur mère Carole. Ils vont venir habiter avec nous.

Elle se tourne enfin vers nous pour nous présenter les nouveaux arrivants.

  • Voici Elysée et Jilian, les jumeaux. Les autres doivent êtres dans leur chambre.

Je coule un regard en direction de John : «Parce qu'il y en a d’autres ?»

Elysée et Jilian sont, respectivement, une petite fille et un petit garçon aux grands yeux verts et aux joues rebondies, de l’âge de Mich. D’ailleurs, au vu de leurs effusions de joies, il se pourrait qu’ils se connaissent et s’apprécient, même. Jilian attrape mon petit frère par le coude.

  • Viens, Mika, on va te montrer ta chambre, annonce le petit garçon, tout joyeux de s'être trouvé un nouveau camarade de jeu.

Avant qu’on n'ait pu les retenir, ils sont déjà en haut des escaliers, bras dessus, bras dessous, tous les trois. Sandra nous adresse un sourire contrit.

  • Désolée. Ils ne peuvent pas se tenir quand il y a du monde à la maison. Venez, je vais vous faire visiter vos chambres.

Maman nous faisse de la suivre, en me murmurant à l'oreille qu'elle s'occupe de récupérer les dernières affaires dans le coffre de Indila, notre voiture. À la suite de John, je suis Sandra dans les escaliers. Elle nous conduit jusqu’à un couloir de l’étage où s’alignent, d'après mes calculs, huit portes.

  • Notre maison compte huit chambres et cinq salles de bains.

Rien que ces nombres me font halluciner. Je regarde John. Sa bouche est grande ouverte, ses yeux écarquillés. Sans même la voir dans un miroir, j'imagine que mon expression s'approche pour beaucoup de la sienne. Sandra poursuit sa visite, indifférente à notre ébahissement. Elle tend le bras en direction de la porte la plus proche.

  • Ici, c’est la chambre des jumeaux.

Elle entre-ouvre la porte et des bruits de tours de Lego s’effondrant viennent remplir le silence du couloir. Elle la referme puis désigne celle d’à côté.

  • Celle-ci, c’est la chambre de votre frère. Une porte intérieure donne directement accès à celle des jumeaux.

Sandra poursuit la visite.

  • La suivante est une salle de bains et celle d’en face aussi. Puis nous avons la chambre de Lucie-Valérie, ma fille. Elle doit avoir environ ton âge, John, termine-t-elle en se tournant vers lui.

Elle frappe quelques coups au battant peint en rouge. La couleur contraste vivement avec le reste du couloir, de couleur beige. Un grognement lui répond. Elle tourne la poignée puis ouvre en grand.

La pièce est immense, les murs peints entièrement en rouge. Au fond, trône un gigantesque lit à baldaquin sur lequel est allongée une adolescente plongée dans un roman. Visiblement, ce n’est pas ce qu’elle était en train de faire avant qu’on entre car la couverture est à l’envers. Elle lève la tête vers nous.

  • Salut, J-O.
  • Salut, Lucinda, répond mon frère, surpris de la trouver ici.

Sandra concède un signe de tête à sa fille avant que nous sortions de la chambre de Lucie-Valérie. À peine la porte refermée, John interroge :

  • Lucinda est votre fille ?

Elle contourne si habilement sa question qu'on pourrait croire qu'elle fait ça toute la journée.

  • Tu peux me tutoyer, John.

Sandra montre la porte suivante du doigt.

  • Celle-ci sera ta salle de bains, John. Et la pièce suivante est ta chambre.

Mon frère se précipite sur le battant et l’ouvre à la volée. Il s’immobilise sur le pas tandis que je m’approche derrière lui.

Sa chambre est gigantesque. Le lit est immense. Les fenêtres sont démesurées.

  • Waouh !

C’est tout ce qu’il arrive à dire.

  • T’inquiète, tu vas t’y faire. Prends une bobine de fil si tu as peur de te perdre ! s’amuse-t-elle.

Il avance de quelques pas, ébahi.

  • On va te laisser. Il faut que je montre sa chambre à ta sœur.

Il acquiesce mollement, perdu dans l’immensité de la pièce.

Contrairement à ce que j’imaginais, ma chambre n’est pas la pièce d’à côté. Nous redescendons les escaliers, croisant au passage ma mère qui effectue le trajet inverse pour voir si mes frères ont pu s'installer. Sandra me guide à travers la maison. Puis, nous sortons par la porte de derrière, et traversons le jardin. Je finis par me demander si elle m’emmène bien dans ma chambre. À l’instar de la maison, le jardin est somptueux et très grand. Peut-être m’emmène-t-elle au fond du jardin pour me tuer et ensuite m'enterrer au pied d’un vieux chêne, là où personne ne me trouvera avant de longues années de fouille ?

Le chemin amorce un virage et au bout, apparaît un mirage. C’est une jolie petite maison, bordée de fleurs, à la toiture bleue. Sandra opère un geste circulaire de la paume.

  • Voici, ta nouvelle demeure, ma grande !

Je reste bouche bée, oubliant de rectifier le «ma grande» qui n'est pas de mon goût. Tandis que je continu d'admirer le crépi sur le mur et les volets indigo, elle frappe à la porte.

  • Amadeo, viens dire bonjour ! Ta nouvelle colocataire est arrivée !

La porte s’ouvre avec lenteur et un inconnu sort. Je prends quelque minutes pour l'observer et déterminer d'où provient cette impression de déjà-vu qui me taraude. Grand, ses cheveux lui tombent au dessus des yeux qu’il a de la même couleur que sa mère alors que sa peau bronzée luit au soleil. Ce n’est pas un inconnu. C’est Ami Summer.

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