III - Chapitre Second

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"D'accord ...", souffla Madeleine en resserrant son écharpe autour de son cou.

Derrière elle, la limousine redémarra au quart de tour, disparaissant au coin de la rue aussi vite qu'un chauffard en fuite.

Et pourtant, son conducteur avait déposé la jeune fille deux rues au-dessus de l'orphelinat. Mais apparemment, cela n'avait pas suffit à le rassurer et il avait souhaité prendre la fuite avant qu'il ne lui arrive quelque chose. Super courageux, le type.

"Ne sois pas étonnée si ton chauffeur ne te dépose pas exactement devant les portes de ta nouvelle maison, lui avait confié son oncle avant qu'elle ne monte dans le véhicule. Les habitants de Greensborough n'ont pas grande confiance en l'orphelinat. Ils pensent qu'il est maudit."

"C'est vrai ?", lui avait-elle demandé, soudain inquiète.

Son oncle s'était contenté de hausser les épaules avant de lui tapoter le crâne et de retourner dans sa vieille demeure. Sans un mot de plus. Sans infirmer ni affirmer. Sans lui dire au revoir ni lui demander de lui donner régulièrement de ses nouvelles. Comme ça, juste ... comme ça. Comme si la semaine qu'ils avaient passé ensemble n'avait pas compté. Comme s'il avait juste rendu un service à une jeune inconnue égarée et non pas à l'une de ses nièces.

Enfin, bon. Ce n'était pas comme si la jeune fille et lui s'étaient grandement rapprochés au point de développer des rapports fusionnels : durant toute la semaine, c'était à peine s'ils s'étaient échangés plus d'une trentaine de mots. Mais le devoir d'un oncle n'était-il pas de rassurer et de feindre l'attachement, même si celui-ci était complètement inexistant ? Qu'est-ce que ça lui coûtait de lui dire qu'elle pouvait lui écrire même si c'était juste pour la forme ? Et ce silence sur l'orphelinat. Qu'est-ce que cela cachait-il ? Est-ce qu'il avait pensé inutile de la rassurer parce que lui-même ne partageait pas les mêmes croyances que les habitants de Greensborough ? Ou n'avait-il pas répondu à sa question pour ne pas l'inquièter davantage ?

"Ne laisse pas ton imagination s'emballer, souffla une petite voix dans sa tête. Cette histoire de malédiction, c'est sans doute une anecdote complètement bidon pour attirer du monde dans une petite bourgade inintéressante."

Parce qu'inintéressante, Greensborough l'était sûrement. C'était tout du moins ce que Madeleine s'était dit dès qu'elle avait passé le panneau indiquant le nom de la commune et qu'elle avait aperçu celui qui recensait le nombre d'habitants : 957.

957. Que pouvait-il bien y avoir d'attrayant dans une ville qui comptait moins de mille habitants ? Pour sûr, cette histoire d'orphelinat maudit était aussi fausse que celle du monstre du Loch Ness. Tout comme cette dernière, elle était juste destinée à doter la ville d'un élément intéressant touristiquement parlant. Sinon, pourquoi continuer à envoyer des enfants dans cet établissement ? Ce serait considéré comme non-assistance en personne en danger, non ?

"Oui. Oui, ce serait certainement considéré comme tel.", affirma Madeleine sur un ton ferme et à voix haute, comme pour s'en convaincre un peu plus.

Parce qu'elle était dotée d'une imagination débordante et que tout élément qui sortait du quotidien risquait de la faire plonger dans des pensées totalement abracabranlesques et fantastiques qui l'effrayait et l'excitait à la fois. Une fois son imagination déclenchée, Madeleine était presque impossible à arrêter: tout autour d'elle, se créait un monde fictif qu'elle prenait plaisir à agrandir ou à détruire au grès de son envie. Mais parfois, comme dans le cas où elle imaginait quelque chose de bien terrifiant ou que quelqu'un lui racontait une histoire d'horreur ou de meurtre, son imagination débordante n'était plus un don mais un véritable fléau. Ce n'était plus elle, Madeleine, qui créait un monde et prenait du plaisir à l'imaginer prendre vie, mais son subconscient qui lui jouait de vilains tours. Avait-elle lu une histoire de fantôme, toute ombre devenait subitement suspecte. Avait-elle écouté un polar, tout homme au long manteau noir devenait un potentiel meurtrier.

Alors, si la jeune fille laissait le doute s'installer dans son esprit à propos de l'orphelinat, elle savait qu'elle allait lentement mais sûrement tomber dans la paranoïa. Et ni son corps ni son esprit n'avaient la force de le supporter ; depuis la mort de ses parents, des cauchemars venaient hanter Madeleine presque toutes les nuits. Alors inutile d'en rajouter d'autres.

"Madeleine Gardner ?, fit soudainement une voix masculine et particulièrement aigüe derrière elle. Je suis Edgar Morenjoie. L'orphelinat m'a demandé de venir vous accueillir. Si vous voulez bien me suivre." 


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