Khâemouaset

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Mérytamon sursauta même si elle avait reconnu la voix de Khâemouaset. Son demi-frère qui interrompit ses pensées. Mérytamon se sentit gênée par l’arrivée de Khâ, surnom que tous lui donnaient. Elle cacha vite son dessin sous ses mains, ce qui fit sourire le jeune homme. Il s’amusait de la pudeur enfantine de sa demi-sœur mais la respectait. Jamais il ne la jugeait, contrairement aux autres. Il était doux, prévenant avec elle et se révélait être de bon conseil. Sur certains aspects, même s’ils n’avaient pas la même mère, ils se ressemblaient beaucoup.

Comme sa sœur, Khâ était différent.

—Je comprends tellement ce que tu ressens, Méry. Moi aussi, je suis différent des autres, exprime-t-il avec entrain. Ne te cache pas pour moi.

Tout comme elle, Khâ était un prince de sang, premier garçon du couple Ramsès II et Isis Nofret. Il était lui aussi, enfant du Kep et par sa condition, il devait suivre des apprentissages relevant de sa condition. Mais il se rendit vite compte qu’il n’aimait pas la guerre, les exercices de lutte et les cours de stratégie militaire. Lui, se passionnait pour le passé de sa terre. Très vite, il s’intéressa aux grandes pyramides conçues par les anciens rois. Il souhaita les restaurer, devenir en quelques sortes leur protecteur. C’est après la bataille de Kadesh* (* victoire de Ramsès Ii Sur les hittites) que Khâ avoua à son père ses envies et son refus de suivre une carrière militaire. Après moultes discussions, le monarque accepta la demande de son fils cadet et lui donna l’autorisation d’entrer dans le temple de temple de Ptah à Memphis en tant que prêtre Sen (prêtre supérieur chargé du culte des taureaux sacrés)

Mérytamon observa son demi-frère, admirative.

—Je t’admire Khâ pour avoir osé t’imposer comme tu l’as fait. Moi, je ne m’en sens pas capable. Je ne sais comment faire. C’est tellement dur, voir insurmontable.

Mérytamon porta alors son regard vers le bassin rose. Khâ s’assit à côté d’elle, il orienta son regard dans la même direction et lui dit, il avait réussi là où elle n’avait pas le courage de le faire. Khâ s’assit à côté d’elle et tourna son regard dans la même direction.

—Et comment te portes-tu, petite princesse ?

—Tout va bien, et toi ?

— Ça va !

Enfin, ils échangèrent un regard.

—Que dessines-tu ?

Honteuse de ses dessins, Mérytamon cacha immédiatement son croquis dans sa palette.

—Non, Khâ, ne regardes pas s’il te plaît, affirma-t-elle en cachant le dessin de ses mains.

Khâ eut un sourire, il la connaissait si bien et il savait comment lui donner confiance en lui. Il posa la main sur ses épaules, l’amenant à lui et lui rappela :

—Aie confiance en toi, Méry. Je sais que tu es douée. Ne dissimule pas qui tu es. Ne te mens pas à toi-même…

Une nouvelle fois, ils se dévisagèrent puis elle céda en soupirant. Elle lui donna son esquisse. Il prit le temps de le regarder.

Le dessin représentait un lotus juste dessiné à la poudre noire et une mare soulignée par des nuances de vert, époustouflante. Khâ fut subjugué :

—Comment peux-tu douter de toi ? C’est juste merveilleux…, s’exclama-t-il.

—Merci, Khâ…

Elle voulut récupérer son bien mais il l’en empêcha et déclara :

—Je le garde en souvenir…

Mérytamon fronça les yeux,

—Khâ, s’il te plaît… je …

—Je vais m’absenter un long moment ! La coupa-t-il avec conviction.

—T’absenter ? mais où vas-tu ? demanda Mérytamon intriguée car ce départ n’était pas prévu.

Elle reprit, suppliante :

— Ne me laisse pas seule, Khâ ! Que vais-je faire sans toi ? Comment je vais les affronter et qui va être là pour me rassurer ?

Khâ lui prit la main, et lui avoua :

— Le Pharaon m’a donné l’autorisation de me rendre sur le plateau de Guizèh. Je dois constater l’état des pyramides des vieux rois et faire le nécessaire pour les garder éternelles.

Mérytamon garda le silence. Elle l’enviait. Mais avait-elle le droit de l’empêcher de vivre son rêve alors qu’elle ne souhaitait que de vivre le sien.

—Bravo, Khâ. Tu dois être ravi ! S’exclama-t-elle, malgré le trouble qui l’emplissait.

—Oh que oui. Je réalise mon rêve, quelque part.

Elle soupira pour masquer son trouble puis son regard se figea sur un des ibis qui s’énervait contre un autre. L’origine de cette guerre était un insecte. Son frère reprit :

—Tu ressembles à ta mère lorsque tu souris. Reprit son frère les yeux pleins de tendresse.

Elle n’aimait pas entendre cela. Elle reprit d’une voix sèche :

—Non, Khâ, ne dis pas cela. Néfertari, la reine, ma mère est la plus belle d’entre les belles. Jamais je n’aurai sa grandeur et sa beauté d’âme. Et ce n’est pas Mout* ( *déesse vautour), qui me contredirait, elle qui l’aime tant

Khâ ne l’ignorait pas. Il admirait tellement cette femme, la reine de son pays. Chaque personne qui croisait sa route était subjuguée par sa beauté et elle était d’une telle bienveillance que le peuple l’adorait. Grâce à elle, le Pharaon gouvernait avec quiétude, il pouvait compter sur elle, ses avis, ses conseils et elle savait si bien l’apaiser. Néfertari savait calmer ses colères et elle était une si bonne conseillère diplomatique. Elle était si clairvoyante.

Même si elle l’ignorait encore, Mérytamon lui ressemblait physiquement, comme elle, la jeune Princesse n’était pas très grande et elles avaient le même regard, vert comme l’émeraude. Cependant, Mérytamon manquait cruellement de confiance en elle, Khâ pensait encore qu’elle était encore jeune et que c’était pour cela. Mais son intelligence, sa clarté d’esprit la rendait intéressante aux yeux de ses deux grands frères. La petite princesse, leur petite princesse à aimer, à choyer et à protéger…

—Ne dis pas cela, Méry. Nous, tes frères te chérissons tant.

—Je sais cela, Khâ mais regarde par toi-même : déjà ma petite taille. Si vous me choyez, c’est à cause de cette fragilité qui se dégage de moi, rien de plus…

Khâ la regarda d’un sourire bienveillant,

—Je comprends ce que tu veux dire. Il fut un temps où j’ai éprouvé la même chose.

Mérytamon le regarda perplexe,

—Méry, il faudra bien que tu parles au Pharaon de tes envies… continua-t-il

—Khâ, tu sais très bien que notre père ne voudra pas me laisser partir.

—Essaie, Méry… Insista-t-il

—Le dessin n’est pas digne d’une princesse de sang, Khâ et tu le sais très bien.

—Mais c’est ce que tu aimes faire par-dessus tout. Pourquoi ne pas tenter ?

Elle se releva, un peu agacée par ces mots, ces paroles. Personne ne la comprenait de toute façon. Le dessin n’était pas digne d’une Princesse royale. C’était une distraction, rien de plus :

—Je dois y aller, Khâ. Mon cours de musique va bientôt commencer.

Il ne se redressa pas, tourna son regard de nouveau vers la mare. Il lui dit avant qu’elle ne s’éloigne :

—Ne vis pas une vie qui ne te correspond pas, Méry. Vis la vie que tu as choisi.

Elle entendit ces mots, mais ne se retourna pas. Elle savait que son rêve était inaccessible pour une princesse à l’avenir tout tracé.

Quelle princesse avait eu un avenir autre que le mariage et les enfants ? Deux de ses sœurs étaient déjà parties dans leur nouveau foyer, alors pourquoi elle, échapperait-elle à la règle ?

Le Pharaon devait protéger sa famille, sa descendance et sa lignée. Elle était porteuse de la lignée pure. Son destin était déjà en route, depuis qu’on lui avait coupé la tresse de l’enfance, ce moment où elle était entrée dans le monde des adultes, ce moment où le Pharaon s’était mis en quête d’un époux…

Le chemin qui la ramena vers le Palais bleu n’avait plus la même saveur. Mérytamon retournait dans cet endroit qu’elle n’aimait pas, où elle devait subir les remarques de ses demi-sœurs et les ordres de Bentanah. Cependant, son regard fut attiré par une petite ombre fugace. Elle s’en approcha. L’ombre s’était réfugiée au pied d’un rosier. Elle remarqua très vite que c’était un petit animal. Elle approcha ses mains et l’appela doucement. Le petit mammifère vint renifler ces mains puis sans crainte, il arriva. Elle l’attrapa : un léger couinement se fit entendre. Elle le plaça tout contre elle et le rassura.

Ses grandes oreilles le démasquèrent : un jeune fennec, animal Séthien. Mérytamon aurait dû le lâcher mais sachant que cette boule de poils allait mourir dans la nature, puisqu’il semblait seul, sans sa mère, elle ne put se résoudre à la laisser seul. Après tout, son père avait récupéré un lion lors d’une campagne militaire. Avant de rentrer, elle le cacha dans sa palette. Elle devinait qu’Abina, sa nourrice, ne serait pas d’accord avec son choix.

Une fois le fennec bien en sécurité à l’intérieur de sa palette, elle se hâta vers l’entrée. A peine eût -elle franchi la porte que la voix d’Abina résonna.

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