Prologue

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Le palais était en effervescence, ce matin-là. Les premières douleurs étaient apparues dans la nuit et les accoucheuses s’affairaient autour de la princesse royale : Néfertari, épouse principale du prince héritier Ramsès, fils du pharaon Séthi Ier.

C’était le cinquième enfant pour la future reine, mais le plus risqué. Car avec cette énième grossesse, Néfertari se sentit faible, elle avait gardé le lit pendant tout le dernier trimestre. Elle était très fatiguée et durant cette mise au monde, sa vie était en péril.

Ramsès avait donné des ordres. Rien ne pouvait ôter la vie de son épouse, quitte à sacrifier le bébé, il fallait à tout prix sauver celle de sa femme. Les hurlements résonnaient dans le palais. A la porte, se tenait Ramsès accompagné de son meilleur ami : Amenâa. Ce dernier tournait en rond, comme un lion en cage. Son regard se portait de temps en temps sur la lune : rouge, la couleur de Seth, la couleur de l’obscurité. Il savait que la Reine luttait contre les démons qui s’étaient immiscés en elle. On lui voulait du mal et il était impuissant, lui, le futur pharaon d’Égypte.

Encore un cri, des cris. Il ne se contint plus, il rentra et se précipita au chevet de sa femme.

Des prêtresses la soutenaient, elle était toujours accroupie sur les Meskenets* ( briques de naissance). Il fit comprendre à l’une des femmes de se pousser et la prit dans ses bras. Il la rassura, lui demanda de continuer tout en regardant l’accoucheuse. Celle-ci lui dit alors :

—Elle arrive, Majesté.

Majesté, Ramsès ne l’était pas encore, mais cela ne devrait plus tarder. Son père, le grand Pharaon Séthi Ier, s’affaiblissait de jour en jour. Et il n’imaginait pas perdre sa femme, cette épouse qu’il aimait plus que sa vie. Il avait besoin d’elle. Elle seule savait trouver les mots pour le calmer et l’emmener encore plus loin.

Néfertari, la plus belle de toutes, l’aimée de Mout, la Mère divine. Ils étaient si jeunes lorsqu’ils se sont rencontrés : seize ans pour lui, quatorze pour elle. Elle n’était pas destinée à devenir reine. Elle aimait la musique, la danse et rêvait de consacrer son existence à Hathor, au temple de Dendérah. Devenir prêtresse, c’était sa volonté. Il n’oubliera jamais leur première rencontre, lorsqu’il a croisé son regard vert, comme de l’émeraude. Elle était seule, près de cette étendue d’eau avec son sistre* (instrument de musique, composé de petites cymbales) à la main. Sa voix était pure, au point qu’on aurait pu croire qu’elle venait d’Hathor, elle-même. Il l’avait écoutée longtemps et son cœur d’homme avait fondu. Fondu d’amour pour elle.

Il a donc tout renié, reportant son mariage prévu avec Isis Nofret, son amie d’enfance, la femme qui lui était destinée. Il a supplié son père, le pharaon d’Égypte avec le soutien de sa mère bien-aimée : Mouttouya. Puis, il a fallu convaincre Néfertari. Quitter Dendérah pour vivre au grand jour leur amour. Il patienta, lui montrant chaque jour, chaque heure, chaque minute son amour et enfin Néfertari, la plus belle d’entre toutes accepta de devenir sa femme et ainsi sa grande épouse royale.

Elle lui avait donné quatre beaux enfants :

Amonher, le premier, le futur maître de l’Égypte.

Mery-Atoum, le second.

Puis deux filles, Néfertari II et Baketmout.

Elle réussissait là où tant d’autres échouaient. Elle osait lui dire non, lui tenir tête et le rappeler à sa condition de simple être mortel lorsqu’il le fallait.

Alors non, il ne pouvait pas s’imaginer vivre sans elle. Ramsès lui chuchota encore des mots doux, des mots d’amour lorsque soudain, un cri retentit. Il ouvrit les yeux, les prêtresses s’agitaient. L’une d’elles prit un linge en lin et enveloppa un petit corps gesticulant et pleurant.

Il embrassa sa femme, qui l’intima :

—Va voir si tout va bien…

Il lui obéit, la laissant entre les mains expertes de ces femmes et pour voir le bébé. Deux femmes s’en occupaient, l’une le regarda, elle semblait inquiète. Il demanda :

—Comment va-t-elle ? S’enquiert-il avec le visage crispé d’inquiétude

La sage-femme s’inclina devant le futur roi avant de répondre :

—Elle est faible, tout comme votre épouse. Nous pensons qu’elles ont été victimes de magie noire.

—De magie noire, mais…

—Majesté, la petite a des taches.

L’accoucheuse lui montra des petites taches brunes, sur les mains de sa fille. Le futur roi vacilla pour la première fois de son existence de Prince. Lui si sûr de lui, si proche des Dieux et déesses de son pays, les esprits malfaisants l’avaient attaqué dans sa chair. Il grimaça, elle ne s’était pas trompée. Quelqu’un avait attaqué la progéniture du roi, le futur représentant de Dieu sur Terre. Ramsès se mordit la joue pour contenir sa rage et retenir ses larmes. Il sortit de la pièce pour trouver un autre de ses amis, un prêtre. Lui seul pouvait aider sa femme et sa petite fille.

Quand il revint avec Chabti, grand prêtre d’Osiris et son médecin personnel, une des prêtresses vint à lui, catastrophée :

—Majesté, la petite s’affaiblit. Nous pensons que…

Ramsès n’écouta rien d’autre et se dirigea vers le berceau. Il regarda le nouveau-né, sa respiration était faible et irrégulière. Quand il la prit dans ses bras, il sentit sa froideur. Il la colla alors tout contre lui :

« Non, tu ne succomberas pas ma fille. »

« Je suis plus fort que ces sorciers qui t’ont maudit. »

—Place-lui l’amulette, Ramsès.

Chabti lui donna le scarabée de turquoise, symbole de vie et de protection. Ramsès le passa sous ses langes mais garda sa fille près de lui. Petit à petit, sa respiration se stabilisa.

—Comment va mon épouse ? Demanda t-il une fois rassurée sur l’état du bébé

—Elle est faible, mais nous sommes là ! Reprit la prêtresse sur un ton visant à rassurer le futur souverain.

Il lança un regard à son ami qui demanda alors à la voir. On le conduisit à son chevet.

Ramsès regarda alors sa fille blottie dans ses bras musclés, ses yeux s’émerveillaient devant cet enfant et il prononça pour la première fois son prénom :

Mérytamon, la bien aimée du Seigneur des deux terres.

La petite fille ouvrit les yeux pour la première fois. Ils brillaient du même éclat que ceux de sa mère. Il s’en attendrit, des larmes perlaient au creux de ses paupières, Mérytamon était le symbole de leur amour éternel.

Il se fit une promesse.

Les deux femmes de sa vie vivront envers et contre tous…

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