Gerboise

2 minutes de lecture

Grenoble, France

Mardi 14 février.

 Madame François était une femme extrêmement discrète. A vrai dire, la plupart de ses voisins allait jusqu’à ignorer son existence. Elle prenait soin d’être parfaitement parfaite : elle sortait ses poubelles le jour du passage des éboueurs afin de ne pas empuantir la rue, elle n’avait pas d’enfant, marcher toujours en chaussons dans son appartement et n’écouter pas la musique à des volumes élevés, elle saluait poliment ses voisins quand elle les croisait dans les couloirs mais n’avait jamais un regard trop insistant, elle ne posait jamais de questions indiscrètes, ne s’imposait jamais pour un brunch improvisé, elle remettait toujours le courrier dans la bonne boite aux lettres lorsqu’il arrivait dans la sienne par erreur. Elle participait aux pots de départ de l’immeuble et avait toujours un mot gentil pour la vieille madame Fleury qui n’avait plus personne pour veiller sur elle et qui perdait doucement la boule. Elle aidait Fernand à porter ses courses jusqu’au troisième étage car son épaule restait douloureuse depuis qu’il s’était pris une balle pendant sa carrière militaire. Madame François était une femme aux habits classiques, propres sans être excessivement couteux. Elle se maquillait peu, juste un trait d’eyeliner pour souligner son regard. Son attitude était timide, elle avançait le regard baissé mais le pas décidé. Elle portait toujours un grand manteau noir au col relevé. Tout son comportement était finement calculé. Réussit à la perfection, elle était à la fois indispensable au petit quartier et complètement invisible. En effet, personne n’aurait pu décrire son visage, à peine décrire la couleur de ses cheveux. Elle était juste Madame François et tout le monde était persuadé de pouvoir en dire beaucoup sur elle tant qu’on ne leur posait pas de questions. Si on les avait interrogés, ils auraient pris un air hébété, auraient froncé les sourcils, se seraient creusés les méninges jusqu’à reconnaitre que, de Madame François, ils ne connaissaient que le nom. Oh si ! Madame Burdon se serait écriée : « C’est la petite dame qui voyage souvent ! ». Les autres auraient approuvé : « C’est bien vrai qu’elle n’est pas souvent là », « elle travaille dans les affaires, non ? », « je croyais que c’était dans les assurances ». Monsieur Georges aurait conclut de son ton bourru : « Quoi qu’il en soit, c’est une excellente voisine. Une femme en or ».

 Après une nouvelle journée dans son petit appartement, Madame François lisait un livre, un célèbre roman français, Arsène Lupin : gentleman-cambrioleur. Son téléphone sonna. Souplement, elle étendit son bras par-dessus l’accoudoir pour saisir son téléphone portable :

- Salut Babe !

- M’appelle pas Babe.

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