Bernard l’Hermite

4 minutes de lecture

Berlin, Capitale d'Allemagne

Samedi 15 Août

 Celui-ci avait donné du fils à retordre. Plusieurs semaines de filatures et pas un instant où il se séparait de ses gorilles. Une résidence ultra-surveillée, portails sécurisées par un système informatique inviolable et des gardes attentifs, une liste des employés vérifiés à chaque changement de postes, des fenêtres blindées, un cuisinier solitaire mais sous surveillance rapproché et des plats goutés avant consommation. L'homme d'affaire était un des hommes les plus fortunés du pays. Il était décrit comme un requin dans le milieu, sans moral ni éthique hormis celle du gain. Il démantelait des entreprises, les revendait pièces par pièces et laissait sur la paille les employés, peu importait s'ils en crevaient de faim. A hauteur de la cible, le contrat était juteux. Le tueur à gage n'avait pas pu résister et cela faisait longtemps qu'il n'était pas venu en Europe.

 La chance voulait que l'année soit particulièrement clémente, un peu trop d'ailleurs. Une semaine qu'ils étaient en alerte "Canicule". La cible, dans sa bonté, avait fait organiser une "pool party" dans sa résidence privée. Il comptait surtout en profiter pour rencontrer du beau monde et identifier les prochains pigeons qu'il se ferait un plaisir de délester de leurs entreprises et de leurs fortunes. A cette occasion, la sécurité était renforcée mais comment surveiller chacun des invités... Là était sa chance. Le tueur à gage mit en avant ses atouts : robe élégante d'un crème doux lui arrivant juste sous les genoux, cheveux blond platine coupés en un carré séduisant et faisant ressortir un puissant rouge à lèvre carmin et escarpins au-dessous rouge. Quant à l'invitation, séduire un notable était chose facile. Il avait suffi que l'homme l'emmène au restaurant, elle en avait profité pour lui subtiliser son invitation qu'il emmenait partout pour se faire mousser. Elle s'était excusée et avait photographié l'invitation au toilette avant de la glisser à nouveau dans le veston de son galant imbécile. En quelques retouches informatiques l'invitation était sienne et quelques clics de plus lui offrirent une identité convoitée par la bourgeoisie. Elle était maintenant aux yeux de tous, Sofia Lindberg, éminente bienfaitrice suédoise défenseuse des opprimés, égérie de nombreuses associations de bénévolats. Evidemment, le notable dont elle avait volé l'invitation, serait à la Pool Party mais il rechercherait une jolie rousse, timide et coincée et non la plantureuse blonde aux rires cristallins.

 Lorsqu'elle arriva, la fête battait son plein. Nombre d'invités était déjà en maillot et jouissait de la piscine et du bar. Elle fût accueillie avec respect par le personnel de maison et bien des têtes se tournèrent à son passage, les hommes d'envie, les femmes de jalousie. L'hôte lui adressa un discret signe de tête, feignant de la connaître. Elle lui répondit d'un sourire charmeur et d'un signe de la main attirant l'attention sur sa manucure d'un rouge vif. Elle fût conduite aux vestiaires et pû y revêtir son maillot de bain qu'elle avait choisi en deux pièces d'un noir profond et au liseré rouge, à la fois classique, raffiné et extrêmement aguichant. On lui offrit une serviette au toucher moelleux qu'elle enroula gracieusement autour de ses hanches. A ses pieds, brillaient encore ses escarpins qu'elle souhaita garder.

- Voyons, on ne porte pas de tongs avec un "Scampi Swimwear".

  Pendant la première partie de la soirée, elle fit mine d'ignorer sa cible, sachant qu'insidieusement elle le piégeait de plus en plus, attisant sa curiosité et sa convoitise, le frustrant par son indifférence feinte. Comme elle l'avait prévu, ce fût lui qui l'aborda. Elle employa alors toute sa ruse pour le séduire, lui faisant oublier tous les gros contrats qu'il était en train de louper car il préférait sa captivante compagnie. Elle réussit à l'entrainer à l'écart. Il la guida dans la vaste demeure. N'y tenant plus, ne pouvant même plus patienter jusqu'à la chambre à coucher, l'homme la plaqua contre le mur d'un couloir du deuxième étage et l'embrassa à pleine bouche. Elle lui rendit son baiser, suffisamment longtemps pour qu'il ne se sente pas repousser puis se recula légèrement :

- Les gens pourraient nous voir... dit-elle en veillant à bien faire ressortir un accent nordique.

- Venez. répondit-il empressé.

Il la conduisit deux portes plus loin et elle découvrit un cabinet de toilette à l'exquis carrelage italien et aux robinets plaqués d'or. La porte se ferma derrière eux, l'homme lui saisit les seins des deux mains. Elle réprima un grondement et se tourna vers l'homme, délassant la cravate de celui-ci. Il n'en fallut pas plus pour l'homme qui entreprit de retirer sa veste, son veston, sa chemise, sa ceinture... Pendant ce temps, elle se pencha et délicatement ota l'un de ses escarpins. Son regard était devenu froid comme la glace. Elle s'approcha de l'homme qui déboutonnait son pantalon. Il regarda la femme, ce qu'il vit dans ses yeux, sembla semer le doute dans son esprit. Son visage devient blème. Il n'eut pas le temps de gagner le verrou qui fermait le cabinet. La belle bonde lui enfonça le talon aiguille dans le cou presque avec douceur. Le râle de l'homme s'éteignit avant même de naitre alors qu'un flot de sang s'écoulait de son côté. La femme prit soin d'attendre que la flamme de la vie s'éteigne de son regard. Elle récupéra ensuite son escarpin et le passa prestement sous l'eau. Une chance que les Louboutins aient le dessous rouge, cela masquerait les éventuelles traces de sang restantes. Elle l'essuya ensuite sur la belle serviette qu'on lui avait confié. Lorsqu'elle fut présentable, elle quitta le cabinet. Avec calme et en saluant encore quelques personnes, elle regagne le vestiaire, repassa sa robe crème et telle une lady quitta la Pool Party. Un avion l'attendait.

Boeing 787, vol numéro 1879, place F2, économique.

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