ils colonisent

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Cycle des Syles #2

J.13.02.2020

Les spécialistes appelèrent la nouvelle dimension "l'anti-règne", puisque là-bas les végétaux jouent le rôle des animaux et inversement. Quant aux gens du commun, ils parlaient plus volontiers du "Sac à viande", puisqu'il s'agissait du seul endroit où il était possible de planter une graine de steak, d'arroser son bacon, d'élaguer des rangées de côtelettes.

Aussitôt, les industriels comprirent les avantages d'une batterie où il ne faudrait pas maltraiter des bêtes trop proches des hommes, et qui donnaient des signes explicites de souffrance. Une plante ou une pierre, ça a la décence de se taire. Ils espéraient par là s'attirer la sympathie des partis bestialistes, et calmer les escadrons terroristes véganes. Au contraire, cela fit réaliser à tous les camps contestataires que le bois était une chair vivante, souffrante aussi, et ils redoublèrent d'ardeur dans leur combat pacifiste.

Le gros du tas mourut de faim, refusant de manger tout produit issu des exploitations animale et végétale ; le reste abandonna penaudement la lutte, ou bien survit encore au fond d'une cave, se gavant de pilules vitaminées en attendant la résurgence de la cause. Une fois cet obstacle si admirablement écarté, les viandus du capital furent libres d'installer d'énormes hangars d'acheminement et de traitement dans les tréfonds de la capitale. La colonisation de cette terre parallèle vivrière fut totale en quelques mois, de sorte que chaque lopin cultivable connut le joug des semis de saucisses. Quant à la faune végétale locale, elle fut redistribuée dans les zoos et les laboratoires mondiaux, et une réserve touristique dédiée fut ouverte au quatrième étage du jardin du Luxembourg.

Ceux qui causèrent le plus de problèmes furent les autochtones humanoïdes, ces peuples fruitiers, légumineux et pépiniers, aussi variés dans leurs couleurs et idiomes que l'était notre terre avant la cosmopolitisation mégalopolitaine. Malgré quelques opportunistes et cyniques jugeant bon de prostituer leurs sols aux hommes carnés, la plupart s'opposa à cette sujétion. Ceux qui refusèrent le fermage généralisé furent tout naturellement déportés à la capitale, dans une poignée d'arrondissements clos, où ils ne pourraient jamais représenter une majorité et faire sécession.

Homo Sylvestris, définit le dictionnaire, Sylvestres selon les livres, Syles pour les foules, Salades pour les moins respectueux. La cohabitation s'avéra plus ou moins pacifique ; les actes de cannibalisme tentaient ces deux populations aux régimes alimentaires opposés.

Cependant on partait à la recherche d'autres portails dimensionnels, après le lucre apporté par le Sac de viande. Grâce au soutien de nombreux philanthropes, on ne mit pas longtemps à mettre le doigt sur tous les autres lieux d'anti-règnes.

Il fallut alors coloniser une autre terre pour y faire pousser des minéraux, ainsi l'on ne manquait plus de bijoux, ni d'eau, ni de sable pour goudronner les nouveaux arrondissements où logeraient les réfugiés Homo Fungus, des champignons anthropomorphes, les Funges. Arrivèrent enfin les hommes-minéraux eux-mêmes, les Homo Mineralis, ou Mines. Rajoutez à cela les grisons, les démons, les gnomes et aux sous-espèces du genre Homo découvertes ou créées au fil des décennies, et vous obtiendrez le parfait pot-pourri urbain, tel qu'on l'expérience dorénavant.

Contrairement aux prévisions des colons, cependant, la sur-diversité ne fut pas véritablement un facteur de concorde là-dessous. Il n'est pas rare d'y avoir son voisin pour dîner.

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