je sais

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23/05/2019

Vous voulez vraiment savoir ce qu'il y a après la mort ? Approchez ; une obole et je vous le dis. Bien sûr que je le sais : j'en reviens. À la bonne heure !

Je comprends votre curiosité, mais la réponse vous satisfera-t-elle seulement ? Vous refusez obstinément les réponses toutes faites, les histoires de soixante vierges et autres carottes morales des Eglises. Vous ne concevez pas non plus qu'il n'y ait rien, niet, nada, οὐδέν : comment serait-ce possible après qu'il y ait eu quelque chose ? Alors quoi ? Ça vous démange, n'est-ce pas ? Patience ! Une autre obole et j'abrège la mise en scène... ne soyez pas radins. Voilà un homme sensé !

Après la mort, il y a... un monde. Oh, mais pas n'importe lequel, pas un jardin parfait où tout le monde est heureux, non : il change, ce monde, en fonction des gens. En réalité, quand vous mourrez, vous entrez dans le monde de ce qui vous a tué. Et ne croyez pas naïvement que l'on puisse mourir sans être tué par rien ! Il y a toujours une cause, et quelle que soit la manière de la formuler, c'est elle qui vous emporte dans l'autre monde. Et dans quel autre monde pourrait-elle vous porter, sinon le sien ? Avouez qu'on ne peut que succomber à cette implacable logique. Chaque menace vient avec son ticket d'invitation ; chaque danger se trimbale ses cartes de visite.

Ainsi, lorsqu'on parle vulgairement d'un tel pépé « mort de vieillesse », imaginez sa déception lorsqu'après un mystérieux voyage, il ouvre les yeux dans le monde de la vieillesse ! Un univers terne et lent, enchevêtrement ridé d'ehpads séniles, où babillent des croûtons poussiéreux sur un fond de couche pour adulte pleine ! Untel a été abattu à l'arme de poing par un gangster vindicatif ? Ne vous posez plus de question : il est actuellement assis sur un fusil, fumant un gros cigare au parfum de ruelle, dans un espace tout taillé comme un Scarface infini. Je ne vous parle même pas des « morts de rire » !

Tirez-en les conséquences : si jamais vous avez le choix, optez toujours pour la mort qui vous assurera un futur sain et amusant – de sorte que si vous vous étouffez dans un cocktail maison à base d'aliments délicieux, de pages de livres passionnants et autres bijoux broyés, vous vous assurez un séjour sans fin dans un banquet niellé d'or, émaillé de belles lettres. Prenez garde cependant...

Mais, j'oublie : vous êtes de nature sceptique, vous voulez des preuves, n'est-ce pas ? Une obole et je vous en donne autant qu'il en faudra pour vous convaincre. Allons, vous n'allez pas passer à côté d'une telle aubaine ! Bon, bon. Comme je vous l'ai dit, j'en reviens tout juste ; je sais exactement de quoi je parle. J'avais eu la chance d'être tué par hasard ; une balle perdue au milieu de nulle part. J'ai erré dans le monde des balles et de la perte, et me suis si bien perdu que le hasard qui m'avait emmené m'a rapporté ici-bas.

Toujours pas convaincus ? Mais enfin, réfléchissez : si tout ce que j'ai révélé n'avait pas été vrai, comment serais-je seulement revenu des morts pour vous éclairer ?

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