il rentre

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02/03/19

La vérité, c'est qu'il est rentré chez lui comme de la Grande Guerre. Les yeux bourrés d'obus, des rats morts plein les poches et la peste qui sue à tous les coins. Il a trespassé le seuil du foyer familial avec l'audace du héros prêt à être acclamé. Les nippes encore faites, un gros sourire luisant sur son képi, il attend toujours là, immobile et vissé sur le paillasson bienvenuissant. Peu à peu, il désespère que personne ne viendra,, mais voilà un père qui déboule du boulevard voisin à vive allure. Il l'emporte jusqu'à la corniche nouvellement conquise, qui a l'air d'un chez-soi, sinon la terre. La corniche grouille de cartons qu'on éplume comme des pâquerettes. Les murs sont pavés de lourdeur, de celle qui appesantit les heures et laisse pousser les écrans ; le jardin mousseux est barré de routes tempétueuses, de celles qui écrasent sans vergogne parce qu'il fallait pas être là. Plus haut encore, une mère secoue les voies et scie ses maisons : l'huile de coude couvre la ville, et cerne les yeux aussi vite que le Front. À gauche comme à droite, le séisme du changement chamboule tout, et lui – pauvre soldat ! - il croit rejoindre la monotonie des jours d'avant. Mais la machine est en branle, et seule croît la terreur ! Tout fuit, s'enfuit et s'épuise à se fuir. Chacun à sa façon se divertit si bien que plus rien ne prend le temps d'être, et que tout veut. Que l'on s'assomme au travail, s'enfume en théories ou s'abrutisse aux jeux, rien ne reste une fois les paupières closes. Ballotté entre tous ces mondes qui se déchirent, le poilu cherche refuge chez les anciens : mais pas de repos tant que la vie pulse ! Leur antre gémit et babille, envahi d'encore plus de fantômes distracteurs, adjuvants de l'attente à la mort.

Languissant sur son grabat, le soldat d'un coup se lève, rempli de l'éclat singulier d'une déception réprouvée. Puisqu'en fin de compte rien jamais ne se repose et que lui-même s'y refuse, il brandit bien haut sa baïonnette et entonne un hymne solennel...

En l'instant, il affûte ses armes et lave le reste dans un long camion en partance pour les tranchées. Il y fera des siestes délicieuses entre les piles de frères abattus, ceux qui ont fui comme ils pouvaient sans négliger d'agir comme ils devaient. Dès demain, il sera en première ligne sous les postillons de la mitraille, les barbelés, les gaz. Enfin, enfin un sommeil convenable.

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