je chien

2 minutes de lecture

16/01/19

Voilà, docteur. Je suis pris d'un mal étrange dont j'aimerais que vous me purgeassiez. Oh, non, rien à ausculter là, encore moins à tâter ici. C'est tout simple : depuis quelques semaines – je n'ai pas compté – lorsque je suis amené à écrire... oui, cela arrive souvent. Je suis écrivain, voyez-vous. Bien ; à chaque fois que je me trouve face à une feuille de papier, je suis frappé d'une angoisse incontrôlable, qui serre bien fort juste là, tenez. Oh, non, non, pas le syndrome de la page blanche, non, si seulement ! Non, bien pire. Il suffit pour moi de voir la feuille, où que ce soit, dans toutes les circonstances, et mes pensées sont assiégées par d'infinies cohortes de mots. Quoique, en soi, cela ne prête pas à problème ; c'est qu'il n'y a qu'un seul mot, qui se répète, reboucle et me tanne la tête avec ces cinq mêmes lettres : c h i e n. Pourquoi chien, pourquoi chien, je ne sais pas pourquoi, pourquoi chien est-ce que je vous demande pourquoi stéthoscope hein ? C'est tout comme je dis : feuille blanche et pam ! – intense envie d'écrire chien, chien, et chien aussi, de le conjuguer à tous les temps, décliner à tous les cas, genres, nombres et machins : chien, chienne, chienlit, chiendent, chien de faïence, chien de fusil, chien méchant, tsetera, tsetera. Oui, bien sûr je l'écris, j'en ai des pages et des pages comme ça – voyez – et encore d'autres à la maison. C'est compulsif, passionnel, presque exutoire. Au début, juste une présence canine par-ci par-là, un peu à droite, un peu à gauche. Puis je les ai laissés proliférer comme ils font – les chiens – et ça a dérapé. C'est gênant. Tout à fait, tout à fait, surtout vu ma condition professionnelle. Un roman de chiens ? Je veux bien essayer, oui, ça s'est fait un temps, mais, comment dire, ça risque d'être difficile si je n'arrive pas à placer d'autres mots que 'chien' entre 'chien' et 'chien'. Je requiers donc vos précieux conseils, et suis prêt à vous payer la somme qu'il faudra. Je sais, d'autres clients, des pathologies plus sérieuses vous attendent, mais je vous implore... Sans votre soutien, je suis acculé dans une impasse insondable, ma vie est foutue ! Enfin, vous devez me comprendre, nom d'un... nom de Dieu ! Vous soignez, c'est votre boulot, non ? Non ? Non. Bien, bien. Oh, oui, très bien, à votre guise, je ne veux pas vous forcer. Je trouverai forcément un vétérinaire plus enclin à aider son prochain. Hypocrite. Chacal ! Chien !

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Damian Mis ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0