Tom coule

2 minutes de lecture

20/11/18

Quelle déveine pour le petit Tom, quand, déjà tout couvert d'eau de pluie, le sort voulut lui jeter un plein seau de honte pile dans la figure ! C'est que l'écolier ne s'était pas levé du bon pied, ni sans effort, ni au bon moment. Il pleuvait. Fort, des graillons de nuage qui éclatent au sol comme des bombes à eau. Mais il sort quand même, et se mouille l'imper. C'est une eau pernicieuse que celle qui coule ce jour-là : elle traverse tout, s'imbibe en chaque chose. Tom n'a pas fait cent pas qu'il sent ses jambes mollir, gourdir et ses os flageller. Son imper est trempé, déchiré, réduit en haillons. Des bouts de vêtements moites se décrochent sous l'impact des gouttes. Tom tente de les rattraper, mais, trop liquides, ils lui glissent entre les doigts et plongent dans la rigole. Sacré rigole ! Elle emporte tout le quartier désolidifié qui s'écoule à grosse goulée. Mais l'école est loin encore, alors il faut avancer. C'est bien beau de le falloir, se dit-il, mais Tom avait trop peur : en passant sa main dans ses cheveux, il se rendit compte qu'il en perdait par poignées. Son cuir chevelu se décrochait aussi, et, en plongeant ses doigts à la périphérie d'une tempe, il se découvrit avec stupeur capable de tâter son cerveau. Le crâne était devenu moelleux comme un flan, et bientôt il s'affaissa. Désorienté, Tom perdit l'usage de son corps, qui s'étala par terre, dans l'eau.

C'est là qu'il finit de se dissoudre. Une fois fondu, il s'étendit comme une flaque flasque et se laissa transporter par le courant, qui par chance courait vers l'école. Ce bouillon rosâtre poursuivit sa petite odyssée rivérique jusqu'à s'échouer pâteusement sur un banc de métal, ou de sable, je ne sais plus. Les organes s'étaient déraisonnablement épatés, mélangés, ne formant plus qu'une soupe humaine gélatineuse où flottent quelques grumeaux. Il dut entreprendre de rárranger tout ce petit monde – car heureusement son corps était à l'abri de la pluie liquéfiante – en secouant les quelques fibres musculaires encore intactes pour s'ébrouer. L'eau part et les bouts lui reviennent un peu en place. Cahin-caha il se relève ; clopin-clopant il marche. Deux pas le séparent de la porte de la classe, d'où bruite un bouquet de camarades. Il les entend, sourit, pleura, car il avait mal.

Tom toque. La porte s'ouvre et lui dit d'entrer, alors il le fait, et se prend les pieds dans les cheveux de Margot qui traînent. Comme la tête n'a pas eu le temps de remonter plus haut que le nombril, les épaules prennent le choc, et c'est tant mieux comme ça. Mais ce qui le blessa vraiment fut le rire que toute la classe lui lança. La maîtresse aussi se tordait en quatre de rire, les deux coins de la bouche lui montaient sur les cils. Les yeux rougis par quelque douleur nerveuse, Tom fait face au cortège grimaçant, et souhaite que la pluie emporte tout.

Elle s'arrête.

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