Tom tombe

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04/12/18

Les mamans refusaient d'envoyer leurs miochetons à l'école, car une grippe particulièrement coriace ravageait les cours de récré. Dégénérescence d'un jeu à la mode que les gamins pratiquaient insouciamment, dont les conséquences somatiques ne connaissaient aucun élixir. L'effroi se répandit mieux encore quand on apprit la vulnérabilité de certains adultes face au fléau - mais seulement des plus joyeux et moins grandis dans l'âme. Chez ceux-ci comme chez les gosses, en revanche, un fumet d'euphorie, d'inconséquente alacrité pesait dans l'air. Tandis que la majorité s'affligeait des pertes, les plus innocents baignaient dans une sorte d'onguent opiacé inhérent à cette époque.

Le petit Tom rentrait du cours de danse, où il avait, selon ses dires, dansé, seul. Il marchait avec emphase, virpillant les bras levés, répétant les petits pas juste appris. Son itinéraire - las ! - s'étendait tout le long du trottoit (un trottoir tracé tout le long des toits, complété par des passerelles entre les immeubles). Or, comptant qu'un enfant n'est pas prudent, surtout en ces temps troublés de pandémie régionale, comptant que Tom lui-même n'est pas prudent, surtout une fois exalté par quelques relents chorégraphiques, fallait s'attendre au pire. Un faux pas, et voilà que Tom chancelle au coin d'une corniche. Il pourrait se rétablir, mais, d'un caractère trop prompt à suivre son élan, il tomba. Que sont sept étages quand on a cet âge ? Au moins seize côtes cassées, cinq membres tordus et les intérieurs bien touillés. Tom, vigousse créature, en fut quitte pour cinq côtes, deux membres, et un petit rein qui avait glissé en dehors de sa panse, et asphyxiait à six mètres comme un poisson hors de l'eau. Il pria une vieille dame d'appeler quelque chose comme les pompiers, après bien sûr qu'il lui eut proposé de l'aider à porter ses courses. Elle posa ses deux cabas et composa quelque chose comme le dix-huit. Un curieux camion d'un rouge fringuant fut descendu des toits en moins d'une heure. Un pompier jovial, bien en déguisement, en sortit. Le rouge lui était monté aux joues, qu'il gonfla en se retenant de s'esclaffer. Il approcha sa paume matoise des pommettes déchirées de Tom. Au moment du contact, il beugla : "C'est toi le chat !" et s'enfuit en hurlant de rire.

La porte du camion claqua, lequel disparut en un rien dans une volute de fumée grise. On n'aurait pu mieux secourir : en róuvrant les paupières, Tom se découvrit chat. La vieille dame tenta de se percher aux lampadaires. Mais ceux-ci avaient été polis la veille. Le garçon l'enchatta en un rien, et les courses restèrent penaudes, au milieu du passage. Tom dansa un peu, et se jura que la prochaine fois qu'il lui faudrait choir de sept étages, il retomberait sur ses pattes.

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