Marco

3 minutes de lecture

La lumière me brûle, dans un pénible effort j’accepte cette nouvelle journée.

Mais mon esprit réclame un délai, pour reconstituer toutes les informations qui ont marqué la dernière nuit.

Je réalise, avec une certaine appréhension, qu’une inconnue est entrée chez moi.

Précautionneusement, j’entrouvre la porte, séparant le couloir du salon.

Le feu s’est tari, rendant plus criante encore son absence.

Je ne sais pas à quelle heure elle a déserté. Peut-être a-t-elle juste attendu de se réchauffer assez, pour poursuivre sa route. Ou bien s’est-elle réveillée, désorientée à l’aube, incapable de se remémorer sa mésaventure.

Ce brusque départ me laisse confus, pas loin de remettre en question la réalité de cet épisode.

Son nom, son trouble, sa destination, tout reste suspendu en une brume infranchissable.

Il est midi, j’ai le reste de la journée vacante, jusqu’à dix heures.

Habituellement, je prends la voiture pour me balader dans les alentours, arpenter des endroits qui me sont inconnus.

Mais là, je n’ai qu’une envie, essayer de retrouver sa trace.

L’image de son corps, secoué de tremblements, reste figée dans ma tête.

Comment pourrait-elle tenir davantage qu’hier, avec seulement quelques heures de repos.

Je reprends la route de l’autobus, je la parcours jusqu’à l’autre village, rien.

Sur le retour, j’essaie d’être plus attentif, toujours aucune silhouette à l’horizon.

Il n’y a pas d’autre destination envisageable à pieds depuis mon village, et le seul bus qui fasse navette avec la gare la plus proche, ne passe que le samedi, ou sur demande 48h à l’avance.

La deuxième route permet aux voitures de sortir de la montagne, pour récupérer une départementale, en direction de la ville. Mais en marchant, elle en a pour trois grosses heures et il ne faut pas compter sur l’auto-stop, les voitures sont rares par chez nous.

Je tente tout de même ma chance, comptant sur le fait que ses décisions ne semblaient, jusqu’alors, pas des plus logiques.

Les trajets en voiture, encapsulés de musique, portent cet universel plaisir, assez indescriptible.

Comme une bulle de liberté, s’élançant à une vitesse que l’humain ne saurait atteindre.

Ajoutées à cela quelques notes endorphiniques et on a l’impression d’accéder à un nouveau palier.

J’aimerais rouler toute ma vie, avec la perpétuelle attente d’arriver. Un but qui s’auto-régénèrerait à chaque étape.

Mais là, aujourd’hui, mon objectif est clair, retrouver la fugueuse.

Après vingt minutes à sinuer entre les montagnes, je la vois, au bord de la route, trébuchant tous les trois pas, contre les bosses de ce chemin rarement emprunté.

Tout à coup, je ne sais plus quoi faire, elle va croire que je la poursuis, que je l’empêche d’aller où elle doit aller.

Je ne sais même pas quoi lui dire « bonjour, comment t’appelles-tu, ça m’empêche d’avoir l’esprit tranquille », quel égoïsme, elle n’avait peut-être pas envie qu’on l’aide hier.

Je suis trop proche, elle entend le bruit du moteur et se retourne brusquement, le regard fougueux.

Je ralentis et baisse la vitre, essayant d’être le moins menaçant possible.

Elle me reconnaît, ses yeux s’adoucissent, mais elle continue d’avancer.

« - Bonjour, hier soir je vous ai trouvée, peut-être vous vous souvenez, je ne vous ai pas vu ce matin, j’ai eu peur.

- peur de quoi ?, me lance-t-elle, provocante.

- vous n’avez pas beaucoup dormi et peut-être avez-vous faim. »

Je me sens nul de ne pas avoir pensé à lui amener quelque chose à manger.

Elle marche toujours, imperturbable, je suis impuissant.

Il faut vraiment qu’elle s’arrête, je ne peux pas la laisser partir comme ça.

J’accélère, pour la dépasser et barrer sa route avec ma voiture.

Instantanément, je vois le sang lui monter au visage, prête à exploser.

Il faut que je la calme, lui montrer qu’elle garde le contrôle, mais je ne la connais pas, je ne sais pas quoi dire.

Elle semble percevoir mon incapacité à construire quelque chose de cohérent car, en effet, elle s’apaise et prend la parole à ma place.

« - je n’ai pas besoin de votre aide, je dois juste rejoindre la ville. »

Je lui ouvre la portière, l’invitant à monter.

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