Une lettre de Malemort

5 minutes de lecture

Une lettre de Malemort

Ce mercredi les conditions d’enneigement étaient tellement mauvaises à Saint Léger les Mélèzes que les enfants eurent l’impression de s’exercer à un nouveau sport : le ski nautique sur neige !

La température était trop douce pour la saison. Les moniteurs décidèrent que dès le lendemain on irait skier aux Merlettes où les conditions d’enneigement étaient meilleures. L’après-midi fut consacré à la visite d’un charmant musée relatant la vie des montagnards d’autrefois et les enfants purent admirer beaucoup d’objets ayant appartenu à cette époque.

Dès la fin de l’après midi une pluie diluvienne s’était abattue sur le village.

Depuis maintenant trois jours que l’on était arrivés Laetitia n’avait plus été victime du moindre cauchemar. D’ailleurs la petite fille était bien trop fatiguée pour rêver ou se réveiller en pleine nuit comme cela s’était produit le jour de son arrivée et ne songeait plus à ses mauvais rêves ni à l’apparition fantastique de la première nuit qu’elle avait fini par mettre sur le compte de l’énervement causé par le voyage.

Ce matin la petite fille avait reçu une nouvelle lettre de ses parents comme d’ailleurs presque chaque matin; mais cette fois elle avait également reçu un billet de son frère Xavier, chose qui l’avait grandement étonnée, encore que celui-ci ne se préoccupait d’elle et de son séjour en classe de neige que par pure politesse; ce qui avait intrigué le jeune garçon c’était justement les cauchemars qu’avait faits sa jeune sœur, l’ombre dans le bois ainsi que la fantastique apparition de la première nuit que la fillette s’était empressée de raconter à son frère dans une nouvelle lettre écrite le lendemain.

En effet, avec son grand frère Xavier il y avait deux possibilités : soit il la prendrait pour une folle et ne répondrait même pas à sa lettre, soit il serait intrigué et lui répondrait afin de lui prodiguer un conseil. C’était ce que Laetitia espérait sans trop oser y croire, connaissant le caractère trop réaliste et ne laissant aucune place au rêve, de son aîné. Mais contrairement à toute attente Xavier avait pour une fois pris sa jeune sœur au sérieux et lui avait répondu.

Bien sûr le jeune garçon n’avait pu s’empêcher d’ironiser sur la ressemblance entre le Yéti et Christian le copain de papa que l’on surnommait ainsi et dont Laetitia était secrètement amoureuse, en rajoutant que la petite fille était tellement éprise qu’elle croyait reconnaître son Christian dans le premier grand singe venu mais qu’après tout, entre épouser le Yéti ou Christian il n’y aurait pas de grande différence : ils étaient tous les deux identiquement velus…

Laetitia avait haussé les épaules et failli jeter la lettre de son frère dans la corbeille à papier : elle n’aimait pas que l’on parle de ses sentiments pour Christian, surtout en s’en moquant ! C’était son secret et la fillette pensait sincèrement que personne ne l’avait percé à jour. Aussi devenait-elle toute rouge ou entrait-elle dans une rage folle selon son humeur du moment, chaque fois que le sujet était évoqué. Mais elle retint son geste de colère et lut la lettre de son frère dans son entièreté.

« C’est génial ce que tu me racontes là ! Tu as rêvé deux fois du Yéti. Et deux fois tu l’as vu, deux fois ! La première fois c’est vrai que ce n’était pas sûr et certain qu’il s’agissait de lui mais la seconde, il est venu près du centre… C’est incroyable ! Je donnerais tout ce que je possède pour être là-bas avec vous et essayer de le retrouver !

Est-ce que tu as songé à vérifier pour voir s’il y avait des traces de pas à l’endroit où tu l’as vu ? Dommage qu’il n’y avait pas de neige.

Est-ce que tu as encore regardé autour de toi en promenade et pendant la nuit pour voir si tu ne l’apercevais pas à nouveau ?

Es- ce que tu en as parlé à tes copains ?

Est-ce que tu as pensé faire une petite enquête discrète auprès des propriétaires du centre et des habitants du village afin de vérifier si des bruits ou des légendes ne couraient pas dans la région au sujet d’une éventuelle créature monstrueuse qui hanterait la région ?

En général ce n’est pas le genre de chose qui passe inaperçu.

Est-ce que tu as songé à te renseigner pour savoir si d’autres personnes avaient vu ce genre de bestioles ou s’il y avait eu récemment des accidents, des apparitions, des disparitions, ou autres ? »

La lettre continuait pendant une page sur le même ton, Xavier conseillant à sa sœur de mener une enquête discrète afin de ne pas alerter les instituteurs et les moniteurs; de poser des questions intelligemment, de manière à ne pas éveiller l’attention et à ne pas passer pour une illuminée et surtout de chercher par tous les moyens à retrouver le Yéti en restant au besoin éveillée toute la nuit et en ayant pris soin de se munir de son appareil photo.

Rester éveillée toute la nuit !

Chercher par tous les moyens à revoir le Yéti !

Enquêter discrètement sans attirer l’attention des instituteurs et des animateurs !

Il en avait de bonnes Xavier ! C’était facile de parler ainsi. Plus facile à dire qu’à faire certainement. Elle aurait bien voulu l’y voir ! Comment allait-elle s’y prendre ? Poser des questions, mener une enquête. Retrouver le Yéti. Alors que les élèves étaient constamment sous la surveillance des moniteurs, des instituteurs ou des animateurs !

Et puis surtout où chercher ?

La fillette ne connaissait pas la région et avait une peur bleue de se perdre. Et si le Yéti s’avérait dangereux ? Parce que dans sa lettre, Xavier avait l’air de sous entendre que s’il existait réellement le Yéti n’était somme toutes qu’un grand singe bien gentil. Lui aussi lisait trop Tintin ! Le Yéti pouvait très bien s’avérer être un cannibale et la dévorer vivante.

Et puis il n’apprécierait peut-être pas de se faire prendre en photo.

La fillette en était là de ses conjectures lorsque les animateurs et les instituteurs vinrent demander si tout le monde était prêt. La sieste était terminée, on partait visiter le musée de la montagne.

Laetitia replia la lettre de son frère qu’elle remit dans l’enveloppe. On verrait plus tard.

Pour l’instant elle avait envie de prendre du bon temps avec ses amis pas de penser au Yéti.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire FrancescaCalvias ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0