Le grand départ

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Depuis quelques jours déjà Laetitia ne tenait plus en place, mais aujourd’hui elle ressemblait plutôt à une pile électrique tant elle était nerveuse. Courant de la chambre au living et de la cuisine à la salle de bains, la petite fille vérifiait pour la énième fois si elle n’avait pas oublié de prendre sa brosse à dents, son shampoing, ses pantoufles et finissait par donner le tournis à ses parents ainsi qu’à ses frères et sœurs.

- Maman ! Tu n’as pas oublié ma crème solaire ?

- Papa ! Laisse-moi prendre ton appareil photo, je te promets que je te le ramènerais en bon état ! Ne me dis pas que tu ne veux pas de souvenirs de ta petite fille en classes de neige ?

Car c’était aujourd’hui le jour du grand départ tant attendu pour les classes de neige à la Pousterle dans les Alpes. Ce soir entre dix-neuf et vingt heures on irait déposer la valise devant la salle des fêtes afin que les bagages soient chargés dans l’autocar avant l’embarquement des élèves et le départ tant attendu vers les pistes blanches qui aurait lieu vers vingt et une heures.

Mais que le temps semblait donc long à Laetitia. Les heures s’étiraient, interminables malgré l’intense activité dont faisait preuve la petite fille.

A tel point que ses parents tentèrent de l’envoyer faire une petite sieste pour que le temps lui semble moins long et aussi parce que toute excitée par l’approche du voyage, Laetitia s’était levée à l’aube. Mais ce fut peine perdue, la fillette était bien trop énervée pour dormir.

Laetitia était même beaucoup trop nerveuse pour parvenir à avaler quoi que ce soit, ce qui en ce qui la concernait constituait une première car ordinairement la petite fille mourait perpétuellement de faim et était capable d’ingurgiter des quantités de nourriture qui feraient peur à un ogre ! Elle consentit néanmoins à grignoter du bout des dents un petit croque-monsieur vers dix-huit heures car il fallait bien manger quelque chose : le mal du voyage pouvant se déclarer aussi bien lorsque l’on avait fait un repas trop lourd que lorsque l’on n’avait rien dans l’estomac et Laetitia ne tenait tout de même pas à traîner des nausées pendant les quelques douze heures que durerait le trajet. Il fallait donc se résoudre à être raisonnable. Raisonnable ! Un mot qui n’entrait hélas pas souvent dans le vocabulaire de la fillette.

Laetitia était une jolie petite fille d’une dizaine d’années aux cheveux châtains clairs, mi-long, aux grands yeux brun foncés qui tour à tour, se faisaient enjôleurs pour obtenir ce qu’elle désirait. Car bien peu de gens avaient le cœur à leur résister. Ou qui lançaient des éclairs de colère si par malheur les choses ne tournaient pas comme elle le souhaitait ou encore si quelqu’un avait l’audace de s’opposer à ses désirs. D’ailleurs comment ne pas céder à Laetitia? Lorsqu’elle n’obtenait pas ce qu’elle désirait, la petite fille prenait un air désespéré, de grosses larmes perlaient à ses paupières ne tardant pas à rouler sur ses joues, culpabilisant chacun, excepté son frère aîné Xavier qui seul voyait clair en son jeu. Les autres pensaient qu’il aurait fallu un cœur de pierre pour ne pas lui donner ce qu’elle souhaitait.

Et Laetitia en profitait et même en abusait. C’était d’ailleurs la raison pour laquelle son papa avait fini par céder et accepter de lui confier son précieux appareil photo.

Après dîner Laetitia rouvrit une dernière fois sa valise afin de procéder à une ultime vérification : lunettes de soleil, écharpe, gants, matériel scolaire, nécessaire de correspondance… tout était en ordre, rien n’avait été oublié.

L’heure du départ approchait à grands pas. Laetitia chaussa ses après-skis aidée par la bonne volonté de sa petite sœur Séverine âgée de 5 ans ainsi que par ses deux petits frères Rodolphe et Florent, tous deux âgés de 6 et 7 ans, pleins de bonne volonté, tournoyant sans cesse autour d’elle pour l’embrasser, lui apporter son bonnet, son sac de voyage ou l’aider à s’habiller. Cela posait plus de problèmes qu’autre chose mais Laetitia n’avait pas le cœur à les repousser tant leur bonne volonté était touchante.

La fillette était heureuse à l’idée de partir en classe de neige mais elle savait également que les taquineries de sa petite sœur ainsi que celles de ses deux petits frères lui manqueraient terriblement, presque autant que ses parents et qu’elle se sentirait toute perdue le soir en n’ayant pas sa dose de câlins avant d’aller se coucher de même que le matin en n’étant pas réveillée en sursaut par trois petits monstres surexcités plongeant sur son lit afin de lui apprendre que le petit déjeuner était servi. Ses parents aussi lui manqueraient terriblement. C’était en effet la première fois que Laetitia partait si loin et pour si longtemps loin d’eux.

L’année dernière, la petite fille était bien partie en classe de mer à Wissant dans le Pas-de-Calais, mais ce n’était pas la même chose. Wissant était un village qu'elle connaissait depuis l'enfance pour y avoir fait de nombreux séjours avec ses parents ou avec ses grands-parents. Mais cette fois on partait pour treize jours et non plus à Wissant en terrain connu, mais dans les Hautes-Alpes. Cela inquiétait d’ailleurs beaucoup Laetitia qui avait peur de craquer et de se mettre à pleurer, passant ainsi pour un bébé aux yeux des autres élèves de la classe.

Bien sûr monsieur Verdier était gentil et Laetitia serait dans une chambre avec quatre de ses meilleures amies : Anouck, Sylvie, Priscillia et sa préférée Marine. Ses parents lui avaient expliqué qu’une fois l’émotion du départ passée elle serait tellement prise par les activités et le soir tellement fatigué qu’elle en oublierait même de penser à eux et d’être triste. Mais de cela la petite fille doutait fortement. Treize jours sans câlins, sans disputes avec ses frères et sœurs, sans bagarres avec Xavier !

Tiendrait-elle le coup ?

Il était l’heure de partir maintenant, maman finissait d’habiller Rodolphe, Florent et Séverine tandis que papa descendait au garage déposer la valise dans le coffre de la voiture et que Laetitia mettait son bonnet après avoir fermé sa veste.

L’heure H approchait à grands pas…

L'autocar attendait sur le parking de la salle des fêtes de Malemort du Comtat que l’on chargeât les bagages avant de permettre l’embarquement des jeunes voyageurs. Il y avait beaucoup de monde car toutes les familles : parents, frères, sœurs, grands-parents, oncles, tantes, cousins, etc. étaient venus dire au revoir aux enfants de l'école publique Albert des Essarts qui partaient ce soir.

Papa déposa la valise à l’endroit indiqué, ensuite on se rendit ensemble dans la salle des fêtes qui était le lieu du rendez vous avant de monter dans l'autocar. La salle était comble. Impossible de repérer le moindre visage connu. Laetitia avait beau scruter la salle, il y avait tellement de monde que l’on se marchait sur les pieds et l’on était entouré par une foule de parents et d’enfants. Il valait mieux prendre son mal en patience et attendre que chaque instituteur appelle sa classe.

L’attente semblait longue car il régnait une chaleur d’enfer dans la salle, et l’impatience gagnait tant les jeunes voyageurs que leurs parents. Des enfants couraient à gauche et à droite, sans cesse rappelés à l’ordre par leurs parents soucieux de ne pas les perdre. Dans la foule Laetitia aperçut ses amies Priscillia et Roxane ainsi que madame Cordier, la secrétaire de la mairie et monsieur Gastellani, le maire, tous deux venus eux aussi souhaiter bon voyage à leurs enfants qui partaient en classes de neige, tandis que Rodolphe aperçut monsieur le directeur qui tentait de réunir tout son petit monde autour de lui.

Enfin on fit un appel micro pour que les instituteurs se présentent, puis on appela les élèves de l'école afin qu’ils puissent former un rang pour rejoindre l’autocar. Tous les élèves qui partaient s’agglutinèrent autour de leur instituteur et se dirigèrent vers la petite porte latérale de la salle des fêtes, tandis que les parents se précipitaient vers les autocars pour un dernier au revoir assorti de multiples recommandations.

Monsieur Verdier et madame Friset accueillaient chacun avec le sourire, tentant de se rappeler pour plus tard des recommandations que chaque parent leur avait fait pour chaque enfant, donnant un dernier renseignement, dissipant quelques dernières inquiétudes… Le voyage allait très bien se passer et le séjour laisserait un souvenir impérissable aux enfants, il n’y avait aucune inquiétude à avoir.

Parents et enfants n’en finissaient plus de s’embrasser avec quelquefois une petite larme au coin de l’œil. Allons! Il fallait se décider à prendre place dans l’autocar, il était vingt et une heures et les moteurs ronflaient déjà.

Les portes se fermèrent, les bras s’agitèrent, les yeux se mouillèrent…

- Au revoir Laetitia ! Au revoir ! Crièrent ensemble Rodolphe, Florent et Séverine tandis que papa et maman lui envoyèrent des bisous et que Xavier jouant l’indifférent se contenta d’esquisser un vague signe de la main en se déclarant satisfait de ces treize jours de calme et de paix sans son « enquiquineuse » de petite sœur...

Dans l’autocar Laetitia sentit ses yeux se mettre à picoter. Elle n’allait tout de même pas se mettre à pleurer pour de bon. La main de la petite fille se crispa sur sa « doudouce » qui ne la quittait que lorsqu’elle était à l’école mais que cette fois elle n’avait pu se résoudre à laisser à la maison. Tant pis pour les éventuelles moqueries. Son pouce chercha sa bouche mais la fillette résista. « Non. Tout de même ! Il ne fallait pas exagérer !» Elle colla son nez à la fenêtre du car et agita frénétiquement sa main jusqu’à ce que l’autocar soit trop loin pour qu’elle puisse encore apercevoir sa famille. Ensuite Lætitia posa le casque de son baladeur sur ses oreilles. Elle avait emporté avec elle toutes ses musiques préférées. Notamment les mix de Shaoni, le DJ le plus en vogue des discothèques parisiennes, et accessoirement, ce dont la petite fille n'était pas peu fière, son oncle et son parrain.

L’excitation régnait à l’intérieur de l’autocar. La plupart des enfants étaient tellement énervés par le voyage qu’ils ne cessaient de parler à tort et à travers de tout et de rien, oubliant la tristesse de la séparation.

Plus rares étaient ceux qui restaient silencieux car ils étaient un peu tristes et fatigués aussi, mais cela passerait rapidement, après tout c’était un peu comme un voyage scolaire un peu plus long que d’habitude et on s’habituerait vite à vivre sans avoir les parents sur le dos. Peut-être même regretterait-on de devoir rentrer dans treize jours !

Après le premier arrêt à Lyon Laetitia sentit la fatigue l’envahir. Ses pensées vagabondaient entre la maison, ses parents, ses frères et sœurs et les pistes enneigées sur lesquelles la petite fille s’en donnerait à cœur joie dans un merveilleux paysage de montagnes. C’est ainsi que la petite fille s’endormit…

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