Il faut les faire rêver

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Il a interprété à sa manière ce que je lui avais expliqué. A savoir, on essaye au maximum de vendre les coffrets de Noël mais avec des arguments. Il ne s’agit pas de trop prendre le client pour une truffe. Il faut le faire rêver.

Tu peux le dissuader de choisir un whisky irlandais de base pour l’amener vers les produits phare, mais pour cela, tu justifies ce choix, tu lui racontes une histoire, tu le fais voyager. Et puis aussi tu essayes de bien identifier les désirs de la personne et le budget qu’elle est prête à mettre. Il faut qu’elle soit contente en sortant même si elle a dépensé plus que ce qu’elle voulait au départ et même si elle est repartie avec un whisky écossais au lieu d’un irlandais, avec un produit totalement différent de celui qu’elle avait en tête en entrant. Surtout si elle est sortie avec un produit totalement différent de celui qu’elle avait en tête en entrant.

C’est pour ça que tu es là. Tu lui permets de vivre une expérience, un échange humain. Son cadeau aura une histoire, une intention, rien à voir avec la carte cadeau, le produit en tête de gondole ou le billet que l’on offre par manque d’imagination, juste pour offrir quelque chose sans se demander si cela plaira.

Ça me rappelle les marchandages au souk de Marrakech. Je ne suis pas très douée pour marchander, ce n’est pas dans ma culture, j’ai peur de vexer en proposant un prix trop bas car je ne connais pas la valeur de l’objet en vente. Chez moi, les prix sont affichés, ça coûte tant et c’est comme ça. Là-bas, celui qui ne marchande pas est vu comme quelqu’un qui refuse le dialogue, le jeu subtil du vendeur conteur. On ne saura jamais le véritable prix de ce qu’on a acheté. Mais y a-t-il un véritable prix ? En attendant, on discute, plaisir des yeux, mon amie, le vendeur appelle un garçon qui nous ramène un plateau avec des verres de thé à la menthe trop sucré, assied-toi mon amie, tu es chez moi, ici c’est moins cher que pas cher, dis moi ce qui te ferait plaisir, tu viens d’où ? Ah, la France, la tour Eiffel, Zinédine Zidane… Bon d’accord c’est un souvenir un peu ancien !

Regarde ce foulard, il est magnifique, il donne de la lumière à ton visage, il a été tissé à la main par ma grand-mère, c’est un travail précis et délicat. Elle y passé quarante heures, je te jure, parce qu’elle ne voit plus très bien. Regarde les couleurs, elles sont magnifiques, éclatantes. Le rouge est fabriqué avec des pigments naturels à base de coquelicot, et ce jaune à base de safran ou d’écorce de grenade. Tu as vu le souk des teinturiers ? Non ? Reviens demain, je te ferais visiter, une visite spéciale pour mon amie française. Et ainsi de suite.

Un de ces marchands de rêves m’avait dit un jour, qu’importe le prix, ce qui est important c’est que tu sois contente et moi aussi. Et c’était vrai, même si je m’étais peut-être « faite avoir », comme ne manqueront pas de me dire des amis bien intentionnés qui ont toujours fait les meilleures affaires et obtenu le même objet à un prix moindre, j’avais passé un bon moment, et mon achat restait à jamais empreint de cet échange avec mon vendeur menteur brodeur d’histoires.

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